J’ai dit non à une audition pour une série sur Netflix parce que je défends les droits des Palestiniens

Par David Clennon, Truthout, le 7 août 2019

David Clennon

Je suis un acteur de l’industrie cinématographique et télévisuelle et je suis dans le circuit depuis plus de 40 ans. Récemment, j’ai été invité à une audition pour une nouvelle série télévisuelle de Netflix au titre provisoire de « Sycamore ». La fiche de rendez-vous m’informait que je ferais un essai pour le rôle de Martin Wexler, personnage récurent de la série décrit comme un politicien américain, vivant à New York – « accessible, distingué, averti et élusif ».

J’étais intrigué par le rôle et je me préparais avec un certain enthousiasme à m’enregistrer – à faire une home vidéo du résultat de mon audition, que je soumettrais ensuite aux directeurs du casting – les directeurs de casting qui, je l’espérais, montreraient alors ma vidéo aux producteurs de la série. Et eux alors pourraient me donner le rôle. Alors que je préparais mon audition, je remarquai les deux dernières lignes en bas de ma fiche de rendez-vous :

Date de démarrage : septembre 2019

Localisation : New York et Tel Aviv

Je décidai de faire une petite recherche dans les documents commerciaux d’Hollywood, et je découvris que « Sycamore » devait être le nouveau titre provisoire d’une série annoncée en 2018 sous le titre « Hit and Run » (Délit de Fuite). On découvrait ensuite que « Sycamore/Hit and Run » serait une coproduction de sociétés américaine et israélienne. Deux des créateurs et producteurs exécutifs de cette nouvelle série, Avi Issacharoff et Lior Raz, sont également les créateurs-producteurs de la série israélienne Netflix « Fauda ».

« Fauda » est une comédie dramatique et d’aventure qui se passe en Israël et dans les Territoires Occupés. Je savais que ce spectacle avait été critiqué pour sa façon de présenter les Palestiniens et pour sa tendance à justifier les violations des droits de l’Homme par Israël.

Mitchell Abidor a fait une critique de la série dans Jewish Currents,où il a dit : « Fauda, dans sa deuxième saison, n’est clairement pas, comme l’ont prétendu ses créateurs, un portrait humanisant des Palestiniens, mais il a plutôt clairement pour but de conforter l’image qu’en ont les Israéliens de bêtes lâches dont il faut s’occuper avec tous les moyens nécessaires. »

J’ai moi-même regardé le spectacle et j’ai remarqué qu’il y manquait un élément narratif. « Fauda » n’offre pas à son audience internationale le contexte historique de la conquête de la Palestine, à laquelle le peuple palestinien continue de résister à l’aide de toutes sortes de stratégies et de méthodes.

« Sycamore/Hit and Run » est peut-être ou peut-être pas aussi offensant que « Fauda », mais il y a ici une question tout aussi importante : les sociétés de production israéliennes comme celles d’Issacharoff et Raz tirent un bénéfice énorme de leurs alliances avec leurs partenaires américains et Netflix. En plus d’un revenu substantiel pour ces sociétés et l’économie israélienne, le gouvernement d’Israël profitera du prestige de partenariats créatifs avec Hollywood. Ces relations d’affaires dans le spectacle importent, politiquement.

Le ministère israélien des Affaires étrangères pilote la campagne de la « Marque Israël » pour utiliser la culture, le spectacle et la technologie pour contrer l’image négative d’Israël dans le monde en tant qu’Etat raciste qui viole systématiquement les droits de l’Homme. 

J’ai soutenu le Boycott Académique et Culturel d’Israël depuis la guerre de 2014 d’Israël contre Gaza. (Je crois que cet étonnant déploiement de haute et basse technologie a ouvert les yeux de nombreux Américains.) Le Boycott Académique et Culturel fait partie d’un mouvement plus large en faveur des droits fondamentaux et de l’autodétermination du peuple palestinien. La campagne globale est connue sous le nom de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) et a pris naissance dans la société civile palestinienne. 

J’en suis venu à penser à Israël comme à un Etat colonial européen, qui pratique l’apartheid afin de contrôler la population indigène qu’elle a conquise militairement. A cet égard, Israël est semblable à l’État précédemment d’apartheid d’Afrique du Sud, où les colons blancs européens avaient conquis la population indigène noire africaine et occupé sa terre. 

De la même façon que les militants des droits de l’Homme ont boycotté le régime d’Afrique du Sud pour abolir l’apartheid, beaucoup maintenant boycottent Israël pour faire pression sur son gouvernement afin qu’il mette fin à sa pratique de l’apartheid et à ses autres constantes, quotidiennes et grossières violations des droits fondamentaux de la population de Palestine.

Je pense que le Boycott Académique et Culturel d’Israël est d’une particulière importance, et j’admire les professeurs et les artistes qui ont refusé de donner des conférences ou des représentations en Israël. Par leur refus, ils ont dénié à Israël la légitimité et le prestige qu’il recherche dans la communauté mondiale. J’ai été encouragé par des intellectuels et des artistes tels que Stephen Hawking et Lorde, qui ont honoré le boycott.

Je n’ai pas eu d’emploi pendant un an et demi. Aussi, à grand regret, mais inspiré par l’exemple de tant d’autres, j’ai choisi de ne pas participer au blanchiment de l’image d’Israël. Je n’ai pas présenté de vidéo d’audition aux directeurs de casting.

Je ne suis pas un interprète très célèbre. Mon refus de collaborer avec les producteurs israéliens aura un effet négligeable sur ce projet coûteux et ambitieux. Ma décision n’est que l’acte de conscience d’un individu en solidarité avec le peuple palestinien – et avec les Israéliens dissidents qui envisagent un avenir meilleur pour les deux peuples. J’ai pris la décision d’une petite action de résistance. Je trouve un peu de soulagement en sachant que je ne suis pas seul. Et je crois avec optimisme que d’autres dans notre industrie envisageront sérieusement de refuser leur talent et leur soutien moral à un régime qui maltraite la population dépossédée, appauvrie – mais toujours résistante – qui est sous son contrôle.

David Clennon

David Clennon est apparu dans les films Being There, Missing, TheThing, Syriana et TheGone Girl. Dans ses apparitions à la télévision, il y a « thirtysomething », « From the Earth to the Moon » de HBO et « House of Cards » de Netflix. Son numéro d’acteur invité dans « Dream On » de HBO lui a valu un Emmy award.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source: Truthout.org

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