Kamal Boullata—le maître palestinien de l’art abstrait et de la calligraphie arabe—meurt à l’âge de 77 ans

L’artiste natif de Jérusalem, qui a vécu 50 ans en exil, était un pionnier du mouvement hurufiyya et l’un des premiers à écrire sur l’histoire de l’art de la Palestine

  • 7 Août 2019 – Aimée Dawson

Trois Quartets de Kamal Boullata (grille de 12,1993) Avec l’aimable autorisation de la Galerie Meem

Trois Quartets de Kamal Boullata (grille de 12,1993) Avec l’aimable autorisation de la Galerie Meem

L’artiste et écrivain palestinien majeur, Kamal Boullata, est mort chez lui à Berlin, hier à l’âge de 77 ans. Il était surtout connu pour les formes géométriques très colorées de ses sérigraphies et son usage de l’écriture Kufic, une forme précoce de calligraphie arabe. Il était aussi l’auteur de plusieurs livres et articles précurseurs sur l’art et la culture contemporaine palestiniens.

« L’équipe de la Galerie Meem est profondément attristée par le décès de notre cher ami Kamal Boullata » sont les propos de sa déclaration. « Nous nous réconfortons dans les souvenirs particuliers que nous avons de lui ; du temps passé avec lui et avec sa merveilleuse femme, Lily Farhoud. Kamal était un artiste, un penseur et un écrivain incroyable. Nombre de gens se souviendront de lui à travers ses mots et son art ».

Le travail de Boullata a été inspiré par son enfance à Jérusalem, où il est né en 1942, et par les riches motifs et le décor qu’il a vus là-bas, depuis l’architecture byzantine du Dôme du Rocher jusqu’à la broderie de la robe palestinienne traditionnelle. Le thème de l’identité était aussi un élément clef du travail de Boullata, forcé à l’exil suite à l’occupation de Jérusalem par Israël en 1967. Il a passé les cinq dernières décennies de sa vie entre les États Unis, le Maroc et la France avant de s’installer à Berlin en 2012.

Après ses études des beaux arts, à l’Académie des Beaux Arts de Rome en 1965, Boullata a poursuivi jusqu’à un Master de beaux arts de l’école d’art Corcoran de Washington DC en 1971. Dans les années 1970 et 1980, il a fait partie du mouvement hurufiyyadans lequel des artistes arabes ont expérimenté le rapprochement entre la calligraphie arabe et le modernisme. Ses dernières œuvres se sont éloignées de la géométrie vers un intérêt pour la description de la lumière et de la transparence. Dans une interview filmée de la publication en ligne Electronic Intifada, Boullata dit de ses tableaux de la lumière naturelle, « peut-être est-ce la lumière de Jérusalem que j’ai cherché à retrouver, tout du long ».

Kamal Boullatan – Photo avec l’aimable autorisation de la Galerie Meem

En 1993-94, Boullata a reçu une bourse de recherche avancée Fullbright pour mener des recherches sur l’art islamique au Maroc et, en 2001 il a entamé des recherches sur les origines de la peinture en Palestine, grâce à une subvention de la Fondation Ford pour la recherche. Ses études pionnières ont donné lieu à la publication de trois ouvrages, parmi les premiers à explorer ces sujets. « Je ne suis pas historien. Je suis un artiste qui a voulu mettre un peu d’ordre dans le chaos dans lequel ont été plongés les Palestiniens » a dit Boullata dans une interview de 2009 du journal émirati le National.

Les hommages à l’artiste ont inondé lesKamal Boullatan – Photo avec l’aimable autorisation de la Galerie Meem réseaux sociaux. « Kamal était simplement un géant de l’art et de la culture de notre époque » a posté le Sultan Sooud Al Qassemi, un conférencier émirati spécialisé dans les arts et la politique du Moyen Orient, qui est le fondateur de la Fondation Barjeel pour l’Art de Sharjah. « Non seulement Kamal était un artiste accompli, mais il était aussi l’auteur de ce qui est peut-être le livre le plus important sur le sujet de l’art moderne et contemporain de Palestine intitulé Palestinian Art: from 1850 to the Present (L’Art Palestinien : de 1850 à nos jours) ».

Myrna Ayad, un consultant du domaine artistique, expert en politique culturelle et écrivain, ancien directeur de la foire Art Dubai, a écrit sur Instagram : « Nous avons perdu un grand. Merci d’avoir célébré la lettre et le mot arabes. Merci d’avoir rappelé la Palestine. Nous ne vous oublierons pas ».

Al-Alif wa-l-Ya de Kamal Boullata’s (1983)  Avec l’aimable autorisation de la Galerie Meem

L’artiste Steve Sabella, un ami intime de Boullata a dit à l’Art Newspaper : « J’ai dîné avec Kamal il y a trois semaines, juste avant d’aller à Jérusalem, notre ville natale. Il avait l’air jeune, plein d’énergie, inspiré, parlant de nombreux projets. Depuis que nous nous sommes connus en 2002, chaque conversation avec Kamal a enflammé mon imagination. La beauté seule émerge lorsque quelqu’un creuse son art et écoute ses mots soigneusement choisis, des mots dont j’ai toujours ressenti qu’ils venaient du cœur. Kamal a inspiré des milliers de gens au cours de sa vie et j’ai le sentiment que son parcours ne fait que commencer. Le départ de Kamal n’est pas une perte mais une récompense à toute l’humanité ».

Les œuvres de Boullata ont été exposées en Europe, aux États Unis, en France et au Moyen Orient et on peut les trouver dans des collections dont celle du British Museum de Londres, de l’Institut de Monde Arabe de Paris, de la Bibliothèque Publique de New York, de la Fondation Barjeel pour l’Art de Sharjah et du Musée de l’Art Arabe Moderne de Doha à Mathaf. Parmi les expositions récentes en solo, on compte Addolcendo à la Galerie Meem de Dubaï (2017)… « Et Il y avait de la lumière » à la Galerie Berloni de Londres (2015) et Bilqis chez Wiensowski & Harbord à Berlin (2013).

Un symposium, le lancement d’un livre et l’exposition de l’œuvre de Boullata à la West Court Galerie du Collège de Jésus à Cambridge, en Angleterre, sont prévus pour janvier 2020. Ses peintures vont aussi faire partie d’une exposition itinérante Taking Shape (Prendre Forme) : Abstraction dans le monde arabe, 1950-1980, organisée par la Fondation Barjeel pour l’Art et cinq musées d’universités américaines en 2020. La publication de deux livres de l’artiste est prévue pour l’automne de cette année ; ils sont publiés par Hirmer Verlag; There Where You are Not (Là où tu n’es pas) se concentre sur les écrits de l’artiste sur l’art, tandis que Uninterrupted Fugue (Fugue Non interrompue) porte sur ses propres œuvres.

Traduction SF pour l’Agence Media Palestine
Source : The Art Newspaper

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