Des armes israéliennes se cachent-elles derrière « l’agriculture » au Sud Soudan ?

Par Ali Abunimah, 25 juillet 2019

Le président du Sud Soudan, Salva Kiir, a écrit au Premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahu pour lui demander d’aider Israel Ziv, général israélien à la retraite sanctionné par les Etats Unis pour violation de l’embargo de l’ONU sur les armes au Sud Soudan. (via Flickr)

De nouvelles révélations sur un général israélien accusé de trafic d’armes jettent un doute supplémentaire sur ses déclarations selon lesquelles il ne ferait qu’aider les Africains dans des projets agricoles.

En décembre dernier, le gouvernement américain a prononcé des sanctions contre Israel Ziv, général israélien à la retraite qu’il accuse de fournir des armes pour alimenter la guerre civile du Sud Soudan.

D’après le Département du Trésor américain, Ziv s’est servi d’une société agricole « comme couverture pour vendre à peu près pour 150 millions $ d’armes au gouvernement, dont des fusils, des lance-grenades et des lance-roquettes portables ».

On dit aussi qu’il « a planifié l’organisation d’attaques par des mercenaires sur les champs pétroliers sud-soudanais et leurs infrastructures, pour essayer de créer un problème que seules sa société et ses filiales pourraient régler ».

Des télégrammes diplomatiques ont par ailleurs révélé que les fonctionnaires américains étaient déjà préoccupés par les activités de Ziv en Amérique Latine depuis 2006. On dit qu’il a fourni des conseils militaires à la Colombie et au Pérou sur la façon d’écraser les soulèvements.

Transferts d’argent

On estime que jusqu’à 400.000 personnes ont été tuées dans la guerre civile qui fait rage depuis décembre 2013, deux ans après que le Sud Soudan ait obtenu son indépendance par rapport au nord.

Le pays est soumis par les Nations Unies à un embargo sur les armes.

Ziv a toujours vigoureusement nié les allégations, insistant pour dire que ses activités, et celles de ses sociétés qui fonctionnent sous la marque Global, sont absolument pacifiques, ne soutenant que le développement de l’agriculture.

Les Etats Unis prétendent que « Ziv a été payé via l’industrie pétrolière et a travaillé en collaboration étroite avec une importante multinationale pétrolière ». Mais ils n’ont pas donné le nom de la firme.

Maintenant, un rapport d’enquête émis par le Projet de Rapport sur le Crime Organisé et la Corruption (OCCRP) identifie cette société comme étant probablement Trafigura, l’une des plus grandes entreprises commerciales au monde.

OCCRP est un organe de presse financé par des fondations privées, Google et les gouvernements des Etats Unis, de Grande Bretagne et de Suède.

L’enquête a révélé des documents internes, des courriels et autres enregistrements montrant que Trasfigura a transféré au moins140 millions $ à la banque centrale du Sud Soudan.

Les enregistrements « montrent par ailleurs que le gouvernement a alors transféré presque la même somme à Global CST », l’une des trois sociétés de Ziv également visées par les sanctions du gouvernement américain.

OCCRP fait remarquer que ce montant correspond à peu près aux 150 millions $ d’armes que les Etats Unis prétendent que Ziv a fournies, et dépasse de loin le prix affiché de 45 millions $ alloué au prétendu projet agricole de Ziv, Green Horizon [Horizon Vert].

Ziv a reçu le contrat de gestion de Green Horizon en 2015.

« Cas particulier »

Quand OCCRP a fait une visite de l’une des quatre fermes de Green Horizon en 2017, il y a trouvé le ministre de la Défense du Sud Soudan pour ce qu’on lui a présenté comme une « visite de routine ».

Ce fut l’un parmi les divers signes du fait que le ministre de la Défense était intimement impliqué dans le projet « agricole » – liens que le ministre adjoint à l’agriculture a déclaré ne pouvoir expliquer.

L’une des fermes de Green Horizon est censée servir à l’apprentissage à la culture des récoltes des soldats démobilisés et 10 millions de dollars auraient été à cette fin. 

Lorsque OCCRP a visité cette ferme, son reporter a vu « environ deux douzaines de soldats démobilisés, certains  assis dans les champs ou perchés sur un tracteur à l’arrêt ».

Ceci est un exemple de la réalité décevante du projet de Ziv par rapport à ses nobles prétentions : Green Horizon est destiné à développer des exploitations capables de nourrir la population du Sud-soudan  et même de générer un surplus pour l’exportation.

Yoash Zohar, directeur général de Green Horizon, a déclaré que Global a produit au moins deux millions de kilos de fruits et légumes sur les 1.000 hectares aménagés.

Il a déclaré qu’en 2018, le projet avait vendu pour environ 500.000 $ de produits.

Mais selon OCCRP, le ministère de l’agriculture « n’a pas reçu de la société des rapports détaillés permettant de confirmer ces chiffres ».

Mathew Gordon Udo, vieux fonctionnaire du ministère de l’agriculture, a refusé de signer une allocation supplémentaire de 44 millions $ pour Green Horizon, quatre mois seulement après le démarrage du projet.

« Ils m‘ont dit de signer, j’ai dit ‘Non, je ne peux pas signer parce que, en ce qui concerne les 35 premiers millions de dollars, je ne sais pas à quoi ils ont servi ni qui les a utilisés », a dit Udo à OCCRP. Après son refus, Udo a été « mis sur la touche ».

On a compris que Global était traité comme un « cas particulier » a dit Ugo, en contournant toutes les procédures appropriées.

« Selon un rapport budgétaire parlementaire, une seconde phase du projet agricole a été approuvée en juin 2018 – cette fois-ci avec un prix affiché de 89,75 millions $ », a rapporté OCCRP.

Mais cette fois encore, les fonctionnaires de l’agriculture n’ont aucune idée de ce qui se passe.

« Je n’ai vu aucune demande écrite passer par mon bureau pour examen selon la phase deux du Projet Green Horizon, je n’ai non plus vu aucun document pour 89 millions $, c’est la première fois que j’entends parler de ce montant », a écrit à l’OCCRP John Ogoto Kanisio, Sous-secrétaire à la sécurité alimentaire du ministère de l’Agriculture.

A la recherche de l’aide de Netanyahu

Ziv, cependant, presse le ministère israélien de la Défense de démarcher le gouvernement américain pour qu’il lève les sanctions contre lui et ses sociétés.

En mars, l’agence israélienne d’exportation d’armes a fourni à Ziv une lettre indubitablement utile, déclarant que « à ce jour, le ministère de la Défense n’a trouvé aucune preuve d’activité illégale concernant la défense d’exportations par Israël, Ziv ou ses sociétés ».

Le mois dernier, la publication commerciale Calcalista révélait qu’un personnage pas moins important que le président du Sud Soudan, Salva Kiir, avait écrit à Benjamin Netanyahu quelques jours seulement après les sanctions imposées par les Etats Unis. Kiir faisait pression sur le premier ministre israélien pour qu’il intercède en faveur de Ziv.

Le dirigeant du Sud Soudan payait peut-être le général de retour : En 2016, les médias israéliens révélaient que la société de Ziv aidait Kiir à restaurer sa réputation après que l’ONU ait découvert que son gouvernement autorisait systématiquement les soldats à violer les femmes et les enfants.

Le bureau de Netanyahu disait à Calcalist s’il avait répondu à la lettre de Kiir ou s’il était impliqué dans l’envoi de la lettre de l’agence israélienne d’exportation d’armes qui exonérait Ziv.

Armer l’apartheid et le génocide

Lorsque Ziv est venu pour la première fois au Sud Soudan, il a dit que son but était d’aider le pays « à se relever de la guerre », en utilisant – comme le dit l’OCCRP – « l’expérience d’Israël en développement agricole comme modèle ».

La prétention d’Israël qu’il peut partager son expertise en irrigation et en agriculture avec les pays africains est une part essentielle de la propagande qui accompagne son effort pour gagner un soutien diplomatique dans le continent.

Mais comme presque toujours avec la propagande israélienne, c’est de la frime.

Ce qu’Israël a réellement semé à travers ce continent, ce sont des atrocités et des souffrances, y compris en armant le régime d’apartheid d’Afrique du Sud et en fournissant des armes pendant le génocide au Rwanda.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palstine

Source : The Electronic Intifada

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