Un diplomate américain donne le feu vert à l’annexion de la Cisjordanie

Michael F. Brown, 11 juin 2019

David Friedman, ambassadeur des Etats Unis en Israël, regarde la Syrie depuis les Hauteurs du Golan occupées par Israël. Ses yeux sont fixés ensuite sur la Cisjordanie occupée. (Matty Stern / ZUMA Press)

David Friedman, ambassadeur des Etats Unis en Israël, a affirmé qu’Israël a le droit d’annexer la Cisjordanie.

« Dans certaines circonstances », a dit Friedman au New York Times, « je pense qu’Israël a le droit de conserver certaines parties, mais vraisemblablement pas toutes, de la Cisjordanie. »

Il s’était exprimé autrement en 2017 dans son audition de confirmation au Sénat où il avait déclaré qu’il ne soutenait pas personnellement l’annexion de la Cisjordanie par Israël.

A l’époque, le sénateur Bob Corker, président du comité, l’avait appelé à changer de position amenant le candidat à « se rétracter de toute conviction fermement défendue que vous avez exprimée, pour ainsi dire ».

Pourtant, ce ne devrait pas être une surprise pour les sénateurs américains de découvrir que Friedman n’a pas été honnête avec eux après des années de levée de fonds pour faire avancer l’entreprise de colonisation israélienne.

Le commentaire de Friedman a été fait deux mois après que le premier ministre d’Israël, Benjamin Netanyahu, ait annoncé, juste avant les élections israéliennes d’avril, qu’il avait l’intention d’annexer certaines parties de la Cisjordanie.

Réponse défectueuse des démocrates

Les sénateurs démocrates, décontenancés par l’exclusion imminente de la solution à deux Etats menée par Netanyahu et Trump, ont fait avancer ce mois-ci une résolution « faisant remarquer que l’annexion par Israël de territoires de Cisjordanie ferait du tort à la paix ».

Parmi les commanditaires, on trouve les candidats à la présidence Bernie Sanders et Elizabeth Warren.

Cependant, la résolution est profondément défectueuse. Les démocrates expriment à juste titre leur inquiétude devant le projet d’annexion, mais ils adoptent la propagande israélienne en faisant remarquer que l’annexion ferait du tort à « l’avenir d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique ».

Ce genre de langage est ouvertement raciste et fait écho à la vision communément exprimée en Israël que les Palestiniens, si on leur donne la totalité des droits, représenteraient une « menace démographique » pour Israël rien qu’en naissant et en existant.

En effet, en février, Warren a averti que « des réalités pèsent sur Israël, des réalités démographiques, les naissances et les morts ».

Si Warren utilisait les mêmes mots pour parler, disons, des Latinos, dans le contexte américain, elle serait à juste titre accusée de nativisme et de suprémacisme blanc dans la ligne de Trump.

Pourtant Warren, comme les autres libéraux, considère la ségrégation des Palestiniens et des Israéliens en deux entités séparées – « solution à deux Etats » dans laquelle Israël conserverait inévitablement tout pouvoir – comme la meilleure façon de résoudre ce qu’elle considère comme le problème du trop grand nombre de Palestiniens.

L’insistance sur le maintien d’une majorité juive – et par conséquent d’un pouvoir politique juif israélien – aux dépens des droits des Palestiniens ne diffère pas dans son principe de la possibilité que les Démocrates, ou les Républicains, soutiennent des Etats Unis d’Amérique « démocratiques » blancs et chrétiens.

Pourtant, la plupart des Démocrates du 21ème siècle considéreraient une « démocratie blanche et chrétienne » comme une farce, à l’antithèse des principes du socle démocratique.

Mais lorsqu’il s’agit d’Israël, ils ne parviennent plus à saisir le sens des mots qu’ils utilisent et à quel point un « Etat juif et démocratique » est totalement incompatible avec les droits des Palestiniens.

Une résolution similaire déposée au Parlement prétend que « les Etats Unis recherchent depuis longtemps un avenir juste et stable pour les Palestiniens, et la fin de l’occupation, y compris en s’opposant à l’activité coloniale et aux démarches vers une annexion unilatérale dans le territoire palestinien ».

Mettant de côté la fabrication de mythes par les Démocrates comme quoi les Etats Unis ont véritablement cherché à mettre fin à l’occupation et à rendre justice aux Palestiniens – alors qu’ils ont longtemps aidé à financer l’occupation et armé Israël au cours des horribles attaques militaires sur les civils palestiniens, tout en déniant aux réfugiés palestiniens leur droit au retour – la résolution du Parlement a le même genre de problèmes que celle du Sénat.

La résolution du délégué Alan Lowenthal, avec ses 122 commanditaires démocrates – se réduit à « assurer la survie de l’État d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique en sécurité ».

Israël a en réalité imposé une solution non démocratique à un seul Etat – autrement dit l’apartheid – et se dirige vers sa formalisation.

Mais les membres du Congrès insistent encore pour une solution à deux Etats – sans exiger aucune mesure efficace pour rendre Israël responsable de son blocage – plutôt que d’exiger que tous ceux qui vivent dans les territoires actuellement sous autorité israélienne bénéficient de la totalité et de l’égalité des droits.

Ils mettent du temps à comprendre ce qui se passe, en réalité, ils ne comprennent même pas que Netanyahu, le président Donald Trump et Friedman sont en train de modifier les réalités fondamentales sur le terrain pour pérenniser le système d’apartheid qu’Israël a mis des décennies à créer, sans rien de plus qu’une opposition verbale de la part des Etats Unis et de la dite communauté internationale.

Une annexion partielle laisserait les Palestiniens dans leurs bantoustans tronçonnés et déconnectés, mais mettrait fin à la prétention qu’Israël ait jamais eu l’intention de quitter la Cisjordanie. Et elle peut fort bien s’avérer être un autre pas vers un futur but israélien : l’annexion totale de toute la terre entre le Jourdain et la Méditerranée.

Pourtant, même une annexion partielle peut laisser les Démocrates dans les nuages et inconscients du fait qu’Israël s’approche étroitement du modèle des bantoustans d’Afrique du Sud. En fait, les membres du Congrès et certains membres de la communauté internationale peuvent très vraisemblablement accepter une annexion partielle parce qu’elle permettrait un gouvernement municipal palestinien sur les cantons palestiniens restants.

Un seul membre de la réunion du Congrès, Betty McCollum du Minnesota, a eu le courage de nommer le système créé par Israël en tant qu’apartheid. On retrouve aussi son nom sur la résolution du Parlement.

Le test de Trump et Netanyahu avec les Hauteurs du Golan ne procure certainement aucune raison de penser que les Démocrates sauteront sur l’occasion lorsqu’il s’agira de démarches similaires contre la Cisjordanie.

Taduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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