Des français résistent aux efforts pour censurer la critique du sionisme

Ali Abunimah – 4 mars 2019

Le président français Emmanuel Macron a reçu les félicitations du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour sa promesse de réprimer l’opposition au Sionisme. (via Facebook)

Il y a une réaction de rejet en France contre le discours du Président Emmanuel Macron devant un lobby majeur d’Israël le mois dernier où il promettait de criminaliser l’antisionisme.

Plus de 400 intellectuels, artistes et militants ont signé une lettre ouverte à Macron qui a été publiée le 28 février dans le journal national Libération.

« Monsieur le président, nous sommes des citoyens français respectueux des lois de la République, mais si vous faites adopter une loi contre l’antisionisme, ou si vous adoptez officiellement une définition erronée de l’antisémitisme qui permettrait de légiférer contre lui, sachez que nous enfreindrons cette loi inique par nos propos, par nos écrits, par nos œuvres artistiques et par nos actes de solidarité », déclare la lettre.

« Et si vous tenez à nous poursuivre, à nous faire taire, ou même à nous embastiller pour cela, eh bien, vous pourrez venir nous chercher. »

Parmi les signataires, on trouve les universitaires et enseignants Ariella Azoulay, Sonia Dayan-Herzbrun et Michèle Sibony, les cinéastes Jean-Luc Godard, Simone Bitton et Eyal Sivan, les écrivains Nancy Huston et Abdellatif Laabi, et le journaliste chevronné Alain Gresh.

« L’antisionisme est une opinion, un courant de pensée né parmi les Juifs européens au moment où le nationalisme juif prenait son essor. Il s’oppose à l’idéologie sioniste qui préconisait (et préconise toujours) l’installation des Juifs du monde en Palestine, aujourd’hui Israël », est-il ajouté dans la lettre.

Elle fait remarquer que l’argument essentiel de l’antisionisme est « que la Palestine n’a jamais été une terre vide d’habitants qu’un « peuple sans terre » serait libre de coloniser du fait de la promesse divine qui lui en a aurait été donnée, mais un pays peuplé par des habitants bien réels pour lesquels le sionisme allait bientôt être synonyme d’exode, de spoliation et de négation de tous leurs droits. »

Pendant son discours au CRIF, principale organisation communautaire juive et association pro-israélienne, Macron a déclaré que « l’antisionisme est l’une des formes modernes de l’antisémitisme » et s’est engagé à ce que la France adopte officiellement la définition IHRA de l’antisémitisme.

Soutenue par le lobby israélien, cette définition confond délibérément, la critique d’Israël et du sionisme d’une part, et la haine des Juifs d’autre part.

Macron n’a pas promis un changement du code pénal pour mettre hors la loi les propos antisionistes, mais il a dit que des instructions seraient données à la police, aux juges et aux enseignants « pour leur permettre de mieux combattre ceux qui se cachent derrière le rejet d’Israël et même la négation de son existence ».

La démarche du président français, félicitée par le Premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahu, fait partie d’une campagne transatlantique pour donner des armes à des accusations souvent fausses d’antisémitisme afin d’entacher et de réduire au silence les critiques d’Israël.

Mais, alors que jusqu’ici, Macron ne propose pas de modifier la loi, quelques 30 législateurs avancent ce genre d’initiative et ont dit en février qu’ils élaboraient des propositions depuis plusieurs mois.

« Ce que nous voulons mettre hors-la-loi, c’est le déni de l’existence d’Israël », a dit Sylvain Maillard, député du parti de Macron « La République en Marche ». « Bien sûr, on peut continuer à critiquer les gouvernements israéliens. »

Dans son discours au CRIF, Macron a apparemment cherché à apaiser les exigences de mise hors-la-loi de l’antisionisme directement en rappelant la faillite judiciaire des autorités françaises contre BDS – le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions pour les droits des Palestiniens.

Macron a mis en avant les condamnations de militants du boycott et a dit qu’il y en aurait davantage.

La campagne BDS France a rétorqué aux attaques renouvelées du président contre le mouvement boycott.

« En réalité, la très grande majorité des plaintes contre des militant-e-s du BDS n’ont pas donné lieu à des condamnations », a déclaré BDS France. « Soit elles n’ont pas instruites, soit elles se sont terminées par des relaxes. »

L’association fait remarquer que même l’Union Européenne, résolument pro-israélienne, a admis que les actions de boycott qui font pression sur Israël et les institutions et sociétés complices pour qu’elles mettent fin aux dommages infligés aux Palestiniens, sont protégées au titre de la liberté d’expression.

« Rappelons que la pratique du boycott est une forme fréquente de protestation contre des injustices et qu’elle a été pratiquée par des figures historiques telles que Ghandi, Martin Luther King et Nelson Mandela », a affirmé l’association.

Paraphrasant les propres mots de Macron, BDS France a soutenu que les mesures répressives du président finiraient par « effacer de notre société la lutte anti-apartheid et la critique de la politique israélienne ».

« Nous tiendrons et, à la fin, nous gagnerons », a déclaré BDS France.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada

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