Manoeuvre mensongère d’Israël après le vote de l’UNESCO sur Jérusalem

Par Charlotte Silver, 15 octobre 2016

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Devant le Dôme du Rocher, un Palestinien brandit des munitions tirées par les forces d’occupation israéliennes sur le site de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem, le 26 juin, pendant le mois de jeûne du Ramadan. Mahfouz Abu Turk APA images

Israël a suspendu sa coopération avec l’UNESCO vendredi, après l’adoption par l’organisation culturelle et scientifique de l’ONU d’une résolution qui critique fermement les actions agressives d’Israël dans et autour du site de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem Est occupée.

En dépit de l’intense lobbying mené contre la motion par les ambassadeurs d’Israël à travers le monde, la résolution a été votée par 24 voix contre 6 et l’abstention de 26 gouvernements.

Les Etats Unis, le Royaume Uni, l’Allemagne, la Lituanie, l’Estonie et le pays Bas ont voté contre la résolution, tandis que la Russie et la Chine l’ont soutenue.

Les responsables du gouvernement israélien ont prétendu que la motion déniait aux Juifs une connexion avec ce site historique, où se trouve le Mur Occidental, même si la motion ne comporte aucun terme suggérant un tel déni.

Les intentions d’Israël semblent être de vouloir affirmer sa souveraineté sur le site.

De façon significative, les efforts d’Israël pour obtenir un ancrage symbolique, et peut-être juridique, sur le site, grâce à des résolutions de l’ONU, se produisent alors que des associations qui appellent à la destruction de la mosquée al-Aqsa et à son remplacement par un Temple juif intensifient leurs efforts, souvent avec le financement et le soutien du gouvernement israélien.

Des critiques ont fait ressortir que la référence exclusive de la motion à ce site sous le nom de « mosquée al-Aqsa/al-Haram al-Sharif » ressemblait à une preuve que la résolution dénie aux Juifs toute connexion ou vénération des Juifs pour ce site, que les Juifs appellent Mont du Temple.

En avril, l’UNESCO a voté une résolution similaire qui a subi une critique presque identique.

La France a voté en faveur de cette résolution, mais a par la suite désavoué son soutien après que le Premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahu ait écrit une lettre de protestation au président français François Hollande.

Dénonciation d’actions illégales, pas déni des liens

En réalité, la résolution votée par l’UNESCO affirme « l’importance de la Vieille Ville de Jérusalem et de ses Murs pour les trois religions monothéistes », tout en demandant à Israël de restaurer le statu quo historique du site de la mosquée al-Aqsa en rendant sa pleine autorité au Waqf jordanien – institution qui l’a géré.

Jusqu’à l’explosion de la deuxième Intifada en 2000, le Waqf jordanien a entièrement assumé l’entretien et le contrôle du site sacré.

Alors que le site lui-même est toujours sous l’autorité du Waqf, son périmètre est sous contrôle israélien, et les forces israéliennes y font de fréquentes incursions.

Alors qu’il entreprend autour du site des projets de développement et des projets archéologiques qui menacent les fondations d’al-Aqsa, Israël restreint sévèrement l’accès des Musulmans au site sacré.

La résolution condamne « l’escalade des agressions israéliennes et les mesures illégales contre le [Waqf] et son personnel, et contre la liberté de culte et l’accès des Musulmans à leur site sacré de la mosquée al-Aqsa /al-Haram al-Sharif, et demande à Israël, puissance occupante, de respecter le statu quo historique et de mettre immédiatement fin à ces démarches ».

Elle dénonce aussi les fouilles et les démolitions de structures anciennes dans et autour de la Vieille Ville, l’irruption sur le site d’extrémistes de droite et de forces armées, les dégâts sur les bâtiments par les forces israéliennes et les entraves aux rénovations nécessaires.

La résolution critique les projets israéliens de construction d’un téléphérique à Jérusalem Est et du prétendu Kedem Center dans le quartier palestinien de Silwan.

Le vote de l’UNESCO arrive à  un moment où Israël a soutenu une forte avancée de l’activité coloniale privée au coeur de Jérusalem Est occupée.

De nouvelles données montrent que le nombre de colons juifs dans la zone qui entoure le site d’al-Aqsa a augmenté de 70 % depuis 2009. Au cours de la même période, selon l’organisation non-gouvernementale israélienne Ir Amim, 60 familles palestiniennes ont été expulsées, dont 55 pendant les seules deux dernières années.

Manoeuvre israélienne

Netanyahu a conduit le choeur de la condamnation de la résolution.

« Dire qu’Israël n’a aucune connexion avec le Mont du Temple et le Mur Occidental, c’est comme dire que la Chine n’a aucune connexion avec la Grande Muraille et que l’Egypte n’a aucune connexion avec les Pyramides », a dit Netanyahu jeudi dernier.

Le choix des mots par Netanyahu est significatif : il affirme que l’État d’Israël, plutôt que la religion juive, a une « connexion » avec ces sites, qui se trouvent en Cisjordanie occupée.

Obtenir qu’un telle « connexion » figure dans les résolutions de l’ONU procurerait à Israël une avancée dans l’affirmation de sa souveraineté sur ces sites.

Isaac Herzog, leader de l’opposition israélienne, a dit : « Quiconque veut réécrire l’histoire, dénaturer les  faits, et entièrement fabriquer le fantasme selon lequel le Mur Occidental et le Mont du Temple n’auraient aucune connexion avec le peuple juif, raconte un mensonge terrible qui ne sert qu’à accroître la haine. »

Prenant appui sur la manoeuvre du gouvernement, les défenseurs d’Israël ont perpétué l’idée que la motion était une attaque contre la vénération des Juifs pour le site.Le journal de Tel Aviv Haaretz a rédigé un reportage avec un titre grossièrement trompeur disant que « l’UNESCO défend une motion qui déclare nuls les liens des Juifs avec le Mont du Temple ».

Yair Rosenberg de Tablet Magazine a décrit la motion de l’UNESCO comme « une résolution outrageusement antisémite qui gomme les liens des Juifs avec le Mont du Temple de Jérusalem, lieu le plus saint du judaïsme ».

« Effacer la connexion des Juifs avec Jérusalem, c’est nier l’héritage culturel même de Jérusalem », a dit la Ligue Anti-diffamation basée aux Etat Unis.

Et même la directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, a elle aussi ajouté à la critique, déclarant : « Différentes populations vénèrent les mêmes lieux, parfois sous différents noms. La reconnaissance, l’utilisation et le respect de ces noms sont absolument essentiels. »

 

La colère contre la résolution a même rejoint la campagne présidentielle américaine où, et Donald Trump et Hilary Clinton ont prononcé de violentes condamnations.

L’Autorité Palestinienne a émis un communiqué accueillant avec plaisir la résolution qui a été cautionnée par l’Algérie, l’Egypte, le Liban, le Maroc, Oman, le Qatar et le Soudan, disant que la décision de l’adopter reflétait « la poursuite de l’engagement de la majorité des Etats membres à combattre l’impunité et à faire observer les principes sur lesquels l’UNESCO a été créée ».

Ali Abunimah a contribué à la rédaction de cet article.

 

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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