Des Israéliens s’assemblent en faveur du soldat qui a exécuté un palestinien

Par Ali Abunimah, 28 mars 2016

Une nouvelle vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=_fsusHX_YIo) montre un soldat israélien serrant la main à un chef des colons juste après que le soldat ait été filmé exécutant visiblement un Palestinien blessé à Hébron, ville occupée de Cisjordanie.

La vidéo est apparue alors que les Israéliens, y compris de hauts dirigeants, s’assemblent en faveur de l’assassin accusé.

Abd al-Fattah Yusri al-Sharif a été exécuté avec Ramzi Aziz al-Qasrawi, tous deux âgés de 21 ans, après qu’ils auraient attaqué au couteau et blessé modérément jeudi un soldat dans le quartier de Tel Rumeida de la vieille ville d’Hébron.

L’assassinat d’al-Sharif, qui gisait au sol immobile mais bougeant la tête avant d’être tué, a été capté sur vidéo.

La nouvelle vidéo montre le tireur « serrant la main avec le militant d’extrême droite Baruch Marzel » alors que le corps d’al-Sharif est évacué, d’après Haaretz.

Marzel, né aux USA, ancien leader du groupe violent Kach, est bien connu pour avoir fomenté des attaques contre des Palestiniens.

Le Kach a été mis hors-la-loi par Israël après qu’un de ses membres, le médecin né aux USA Baruch Goldstein, ait abattu 29 Palestiniens dans la mosquée Ibrahimi d’Hébron en 1994.

La vidéo fournit une preuve visible de la relation étroite entre l’armée israélienne et les colons violents qu’elle soutient et protège.

Tireur identifié

 

elor_azarya

Elor Azarya (ou Azrya, ndt), vu dans une image postée sur sa page Facebook, a été désigné suspect de l’apparente exécution extrajudiciaire de Yusri al-Sharif le 24 mars.

Haaretz dit que la nouvelle vidéo, publiée sur son compte YouTube avec la figure du tireur floutée, a été filmée par un Palestinien opérant avec B’Tselem, le groupe israélien des droits humains qui a publié la vidéo montrant l’exécution de jeudi.

Le floutage des figures dans la nouvelle vidéo obéit apparemment à un ordre de censure empêchant les médias israéliens de révéler l’identité du suspect. Mais le blogueur Richard Silverstein, qui a fréquemment publié des informations censurées par les autorités israéliennes, a identifié le suspect comme Elor Azarya, citant des sites Web israéliens indépendants.

Le site Web israélien Ynet news a confirmé l’identification en publiant une image du suspect avec la figure floutée. La même image non floutée est sur la page Facebook d’Azarya.

« C’est un fan du club de foot Beitar de Jérusalem », a noté Silverstein d’après une analyse des médias sociaux d’Azarya. Azarya a aussi écrit «Kahane avait raison » sur sa page Facebook – un slogan utilisé par les supporters du fondateur du Kach, Meir Kahane, qui appelait à l’expulsion totale des Palestiniens (1).

Les fans de Beitar Jerusalem sont bien connus pour participer à des marches et des rassemblements en criant “mort aux Arabes.”

« Confirmer la mort »

D’après l’analyse de Silverstein, Azarya, un infirmier, a « demandé à son officier commandant la permission d’‘achever’ le Palestinien blessé».

Silverstein ajoute : « Apparemment, le commandant a approuvé », « Le soldat a marché jusqu’à 2 m du Palestinien blessé, armé son fusil puis tiré ».

Cette pratique est connue dans l’armée israélienne comme « confirmer la mort » et a été utilisée puis approuvée, même dans l’assassinat d’enfants palestiniens tels que la petite Iman al-Hams, 13 ans, à Gaza en 2004.

Azarya “aimait” aussi les pages Facebook de dirigeants israéliens qui ont incité à la violence ou au génocide contre les Palestiniens – la ministre de la justice Ayelet Shaked et l’ancien ministre des affaires étrangères Avigdor Lieberman – de même que la page Facebook de Marzel.

Soutien public

L’establishment politique et militaire israélien s’est répandu en un choeur de condamnations immédiatement après la publication de la vidéo jeudi. L’armée a aussi annoncé la détention du soldat et une enquête sur l’assassinat.

Pourtant, les condamnations étaient ouvertement hypocrites compte tenu du long passé des leaders israéliens, y compris du premier ministre Benjamin Netanyahu, d’incitation et d’approbation des exécutions extrajudiciaires de Palestiniens.

De nombreuses vidéos ont montré de tels assassinats de Palestiniens blessés, immobilisés ou ne posant autrement nulle sorte de menace plausible.

Maintenant, Netanyahu semble revenir sur sa critique au vu de l’expansion du soutien public pour le tireur d’Hébron.

Le ministre a dit dimanche à ses collègues du cabinet qu’ « interroger la moralité de l’IDF [l’armée israélienne] est un outrage et est inacceptable… Les soldats de l’IDF, nos enfants, maintiennent un standard moral élevé quand ils ont affaire avec des meurtriers sanguinaires ».

Netanyahu a ajouté qu’il était « sûr que dans ce cas comme dans tous les autres cas, toutes les circonstances ont été considérées. Aussi nous devons tous soutenir le Chef d’état-major, l’armée et les soldats qui nous protègent ».

Haaretz a qualifié les commentaires de Netanyahu de « recul » par rapport à sa condamnation initiale du tir.

Le changement de ton de Netanyahu semble être en harmonie avec l’opinion publique ainsi qu’avec les autres politiciens qui adoptent attitudes plus dures.

Naftali Bennett, le ministre de l’éducation israélien qui s’est vanté de son propre bilan d’Arabes tués, a présenté son soutien au tireur. “Le soldat n’est pas un meurtrier. Avons-nous perdu l’esprit ? », a écrit Bennett sur un post Facebook qui qualifie l’armée d’Israël d’ « armée la plus morale du monde.”

Au cabinet ministériel de dimanche, plusieurs ministres, dont Bennett et Ayelet Shaked, ont exprimé leur soutien au soldat.

Sur ces entrefaites, Avigdor Lieberman a demandé la destitution du ministre de la Défense pour n’avoir pas soutenu le soldat, et qualifié Netanyahu de « veule ».

La chaîne Channel 2 a publié dimanche un sondage d’opinion montrant que 57 % des Israéliens croient qu’il n’est pas besoin d’enquêter ou de détenir le soldat, comme l’a rapporté Haaretz. Deux enquêtés sur cinq ont qualifié l’acte du soldat de « responsable » et seuls 5 % l’ont qualifié de meurtre.

Une pétition en ligne appelant Israël à donner une médaille au soldat a reçu près de 50 000 signatures.

La municipalité de Beit Shemesh, une ville de l’Israël actuel, a même publié une publicité sur son site officiel pressant les citoyens à venir à un rassemblement lundi pour exiger la libération d’Azarya, le qualifiant de « héros national ».

 

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Le site officiel de la municipalité de Beit Shemesh fait la pub d’un rassemblement de soutiens à Elor Azarya, qui a été filmé exécutant un palestinien à bout portant.

La famille du soldat a aussi établi une campagne très visible en défense d’Azarya.

La mère du tireur a écrit une lettre ouverte à Moshe Yaalon, le ministre de la défense, lui disant que « vous avez été à la place de mon fils, mais dans l’appartement d’Abou Jihad, et avez confirmé la mort d’un terroriste et d’un meurtrier méprisable ».

https://twitter.com/jdakwar/status/714151878641262592/photo/1?ref_src=twsrc%5Etfw

Elle parlait du rôle de Yaalon en 1988 dans le meurtre de Khalil al-Whazir, un haut dirigeant de l’OLP exécuté par des assassins israéliens chez lui à Tunis devant sa femme et son fils.

Entre-temps, l’enquête de l’armée israélienne sur l’assassinat de jeudi aurait révélé que le tireur avait dit un camarade qu’Abd al-Fattah Yusri al-Sharif « doit mourir », juste avant qu’il tire sur lui.

D’après Haaretz, “l’enquête a aussi trouvé que contrairement aux allégations d’autodéfense exprimées par l’avocat du soldat, rien ne soutenait les affirmations de crainte que le Palestinien ait porté une ceinture explosive ».

Palestiniens ciblés

Tandis que les leaders israéliens s’assemblent pour soutenir le tueur d’al-Sharif, sur le terrain, les forces israéliennes visent sa famille.

Dimanche, des soldats israéliens ont fait une descente chez le frère d’Abd al-Fattah’s, Khalid Yusri al-Sharif, à Jabal Abu Rumman, un village près d’Hébron, d’après l’agence Ma’an News.

Imad Abu Shamsiyyeh, le bénévole de B’Tselem qui a filmé la vidéo de l’exécution, a dit à Human Rights Watch que les forces israéliennes l’ont menacé, tant sur la scène du tir qu’ensuite.

Abu Shamsiyyeh a été convoqué par l’armée pour donner un témoignage écrit. Il rapporte que l’interrogateur de l’armée lui a dit : « Comment profiteras-tu de cette vidéo ? Elle a eu plein de publicité. Ton nom est connu de tous. Qui va te protéger et ta famille des Israéliens de droite ? Souviens-toi que tu vis dans [Tel Rumeida], entouré de colons israéliens, et là, qui sera capable de te protéger ? »

Abu Shamsiyyeh a dit « J’ai senti qu’on me menaçait » (2).

Impunité pour crimes de guerre

Human Rights Watch a dit que « la manière ouverte et décontractée par laquelle un soldat paraît exécuter un Palestinien blessé couché sur le dos, enregistrée par vidéo, suggère un climat dangereux d’impunité pour les crimes de guerre ».

« La vidéo du meurtre d’al-Sharif par un soldat israélien montre à la fois un meurtre apparemment de sang-froid et de nombreux témoins, ce qui devrait en faire un cas juridique solide », a dit Sarah Leah Whitson, directrice pour le Moyen-Orient de Human Rights Watch.

« La question est : les autorités israéliennes feront ce qu’elles n’ont pas fait dans d’innombrables autres cas, et conduiront-elles le tueur présumé devant la justice », a ajouté Whitson.

Vue la manière des leaders israéliens de se rassembler autour du tireur, il y a peu de raisons d’attendre quoi que ce soit de différent cette fois-ci.

  1. Il est établi que le meurtrier, Elor Azrya, est un binational franco-israélien.

2. Une pétition internationale a été lancée par Jewish Voice for Peace pour soutenir Emad Abu Shamsiya face aux menaces dont il fait l’objet.

Traduction : JPB pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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