Haidar Eid: l’élection israélienne ne change pas grand-chose pour les Palestiniens

Par Haidar Eid, 10 avril 2019

La politique d’apartheid de l’État prévaudra, que ce soit Gantz ou Nétanyahou qui l’emporte

Le 10 avril, à Hébron, en Cisjordanie occupée par Israël, un Palestinien lit un journal local qui donne des informations sur l’élection israélienne (REUTERS)

Il est maintenant évident que Benyamin Nétanyahou, chef du Likoud, formera le prochain gouvernement israélien.

Même si le Likoud et l’Alliance Bleu et Blanc que dirige Benny Gantz, accusé de crimes de guerre, étaient à égalité après le scrutin de mardi, chacun remportant 35 sièges à la Knesset après une campagne âprement disputée, le bloc de droite du Likoud était bien parti pour former un gouvernement de coalition.

Certains observateurs internationaux et personnalités politiques palestiniennes avaient espéré que Gantz aurait le dessus, le considérant comme quelqu’un avec qui l’Autorité palestinienne pourrait négocier.

Mais en réalité, Gantz, l’ancien chef d’état-major de l’armée israélienne qui a orchestré deux massacres contre la population de Gaza en 2012 et 2014, aurait poursuivi la politique de nettoyage ethnique des Palestiniens menée par l’État – exactement comme le fera Nétanyahou.

L’élection ne laisse aux membres de la communauté internationale attachés aux droits humains qu’une réponse adéquate : le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS).

Gantz, qui fait face à un procès pour crimes de guerre aux Pays-Bas, est menacé par toute proposition sérieuse faite par les Palestiniens en faveur de la paix avec la justice – qu’il s’agisse d’une solution à deux États ou celle d’un État laïque et démocratique pour tous ses citoyens, quels que soient leur origine ethnique, leur appartenance raciale ou leur sexe.

Comme les autres partis sionistes, Bleu et Blanc s’oppose au retrait des troupes israéliennes des territoires occupés par Israël en 1967, ainsi qu’à la mise en œuvre de la Résolution 194 de l’ONU, qui reconnaît le droit des réfugiés palestiniens à rentrer dans leurs foyers et à recevoir des indemnités à titre de compensation.

Des visions similaires

Le Likoud s’apprêtant à prendre la tête du prochain gouvernement, et compte tenu des mesures prises récemment par les États-Unis pour reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël et le plateau du Golan comme territoire israélien, la prochaine étape pourrait être l’annexion des blocs de colonies de Cisjordanie.

Aucun groupe politique israélien – pas plus le Likoud que Bleu et Blanc – n’est prêt à accepter un État palestinien reflétant le droit palestinien à l’autodétermination.

Bleu et Blanc accepterait de négocier avec les Palestiniens en vue de leur octroyer un semi-Bantoustan (ces territoires concédés aux Sud-Africains noirs dans le cadre de la politique d’apartheid), dans lequel ils pourraient se charger de services municipaux comme le ramassage des ordures, arborer un drapeau palestinien et, point particulièrement important, poursuivre la coordination sécuritaire avec Israël.

Quant au Likoud, il n’est pas prêt à accorder aux Palestiniens la moindre indépendance véritable. En vertu de sa vision de l’avenir, les Palestiniens doivent être autorisés à gérer leurs affaires, mais uniquement sous la tutelle stricte et contraignante d’Israël. Cela ne fait pas de vraie différence.

Pour comprendre le contexte de la politique unilatérale de séparation menée par Israël, il est indispensable de savoir qu’environ 70 pour cent des deux millions de résidants de Gaza sont des réfugiés, chassés de leur foyer au cours de la création d’Israël, en 1948.

Selon le « nouvel historien » principal d’Israël, Benny Morris, leur expulsion était « nécessaire » afin de créer un État juif. Le scrutin de cette semaine montre que la plupart des Israéliens juifs ont encore le sentiment que leur majorité démographique est menacée.

Le BDS contre la complicité internationale

Que le pays soit dirigé par Gantz ou par Nétanyahou, afin de briser le cycle de nettoyage ethnique engagé par Israël en fonction de motivations démographique, l’État doit être tenu pour responsable de ses actes.

J’écris ces mots depuis la clôture Est de la bande de Gaza, où ont été commis récemment plusieurs massacres évoquant le massacre de Sharpeville, commis en Afrique du Sud en 1960, qui a conduit à l’intensification de la campagne de BDS contre le régime d’apartheid dans ce pays.

Pour faire échec à la complicité internationale avec les crimes d’Israël, une campagne de BDS intensifiée et massive contre l’apartheid israélien doit être menée. Lorsque régnait l’apartheid en Afrique du Sud, la campagne de BDS a fini par déboucher sur la création d’un État démocratique, multiracial, multiculturel.

Qu’Israël soit dirigé par le Likoud ou par Bleu et Blanc, l’apartheid est ressuscité sous sa forme la plus hideuse, comportant des Bantoustans et privant les Palestiniens de toute souveraineté sur leur terre, leur eau et leurs frontières. Le chemin de la lutte contre l’apartheid doit être suivi jusqu’à ce qu’un État inclusif, laïque, démocratique soit établi – un État dont tous les citoyens seront égaux.

Le Dr Haidar Eid est professeur associé de littérature anglaise à l‘Université Al-Aqsa dans la bande de Gaza.

Traduction : SM pour Agence Média Palestine

Source: Middle East Eye

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