Des accusations d’antisémitisme ciblent les enseignants progressistes de l’Université de New York

Rachel Ida Buff – 20 mars 2019

La Faculté de la Communauté Kingsborough (KCC).

Le corps enseignant politiquement progressiste de la Faculté de la Communauté Kingsborough a commencé à s’organiser plus activement sur son lieu de travail. Récemment, un certain nombre d’entre eux se sont réunis pour organiser les prochaines élections syndicales du campus, afin de créer une section dynamique se basant sur un militantisme de terrain.

Une fois organisés, ces enseignants se sont trouvés confrontés à une opposition de plus en plus agressive venant des conservateurs sur le campus. L’administrateur de Kingsborough, Michael Goldstein, en particulier, a accusé les enseignants progressistes de la faculté d’avoir orchestré à son encontre une « campagne systématique et pernicieuse » de haine antisémite. « La raison de leur attaque ? » écrit-il. « Je suis juif, conservateur politiquement, et je crois dans le sionisme, le mouvement des droits civils du peuple juif ». Et ces accusations ont été reprises et amplifiées par leJerusalem Post et le magazine Tablet.

Ces accusations sont irresponsables et infondées. En les portant, Goldstein adopte une tactique de la droite qui est dangereuse et de plus en plus courante : déployer cyniquement l’antisémitisme – qui est un problème très réel – comme une arme afin d’intimider les opposants politiques.

Les enseignants progressistes ont été soumis à plusieurs formes différentes de harcèlement. Plus d’une douzaine d’entre eux, par exemple, ont récemment reçu des lettres du projet Lawfare les menaçant de poursuites. Certains des enseignants progressistes, accusés par Goldstein dans la presse d’incitation à la haine antisémite, ont également reçu des courriels et des lettres de menace.

Anthony Alessandrini, professeur d’anglais à Kingsborough et qui participe aussi à la faculté au Programme de maîtrise en études du Moyen-Orient au Centre des diplômés de CUNY, est l’un de ceux que Goldstein accuse publiquement dans un récent article de « jouer les marionnettistes » avec ses collègues progressistes, et d’inciter à la haine antisémite à la faculté. L’article évoque spécifiquement l’engagement intellectuel et politique d’Alessandrini dans le travail de solidarité avec la Palestine, en se basant sur un article qu’il a écrit sur le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions comme preuve de son opinion anti-juive. Le fait que Goldstein et les sources journalistiques qui reprennent son récit associent la critique d’Israël à l’antisémitisme menace d’étouffer tout débat sur la question de savoir si la KCC est en droit d’étudier, d’écrire et de débattre librement, comme eux-mêmes le font, sur toutes les questions importantes, politiquement et intellectuellement.

Il est révélateur que Goldstein ait fait appel au soutien du Projet Lawfare, dont la mission consiste à utiliser les poursuites judiciaires pour antisémitisme comme moyen de harcèlement contre le corps enseignant et les institutions universitaires, peut-être plus particulièrement à l’Université d’État de San Francisco, dans un dossier récemment débouté par un juge fédéral. (Un autre dossier similaire est toujours en instance devant un tribunal d’État).

Le Projet Lawfare est déjà impliqué depuis plusieurs années dans une action juridique concernant des accusations d’antisémitisme à Kingsborough. À l’instar de Goldstein, Jeffrey Lax, professeur de commerce à Kingsborough, s’est lui aussi tourné vers le Projet Lawfare pour déposer plainte pour discrimination à l’emploi, contre la faculté. (Le dossier soutient notamment que le fait que le corps enseignant de Kingsborough ait un pourcentage de juifs inférieur à celui du quartier voisin de Manhattan Beach à Brooklyn constitue la preuve d’une discrimination à l’emploi contre les juifs). La directrice du Projet Lawfare, Brooke Goldstein, prend des positions extrêmes sur un certain nombre de questions, s’exprimant dans des médias tels que Fox News. Elle a nié l’existence des Palestiniens, et critiqué l’institution d’une nationalité au titre du seul droit du sol, par exemple.

Le caucus (réunion des instances dirigeantes) des enseignants progressiste de Kingsborough (dont beaucoup sont juifs) n’a été impliqué dans aucun harcèlement de collègues. Le caucus s’est réuni au lendemain de l’élection du Président Trump en 2016, en tant que collectif informel. Les membres du corps enseignant au caucus ont alors exprimé dans un courriel leur volonté commune :

– renforcer les structures institutionnelles existantes d’une gouvernance partagée ; en faisant en sorte que les intérêts des enseignants à temps partiel soient plus équitablement reconnus ;

– encourager un sentiment plus fort de la communauté intellectuelle par un engagement commun envers la cause large et progressive de l’enseignement public ; et

– aborder les questions de l’oppression structurelle – y compris, mais sans s’y limiter, le racisme, le sexisme, l’homophobie, l’antisémitisme, l’islamophobie, les sentiments anti-immigrants, et l’oppression fondée sur l’identité sexuelle – car elles affectent toutes celles et ceux d’entre nous qui enseignent, étudient, et travaillent à la KCC.

À la lecture d’articles selon lesquels une photographie du père de Golsdstein aurait été, au printemps dernier, vandalisée avec des graffitis antisémites, trente-sept enseignants dont plusieurs sont affiliés au caucus ont signé une lettre condamnant de tels actes. Goldstein, cependant, a insisté, y compris dans cette vidéo qu’il a postée l’an dernier, en disant que le corps enseignant progressiste « fortement organisé », qu’il décrit comme une « frange d’extrême gauche » socialiste et communiste, avait créé un climat de haine anti-Israël et anti-juif sur le campus en général, et incité à cet acte de vandalisme en particulier.

D’autres enseignants de CUNY sont venus soutenir leurs collègues de Kingsborough visés par ces accusations ; « Nous nous opposons aux tentatives visant à réduire au silence les membres de notre corps enseignant qui exercent leur droit à s’organiser, à faire des recherches, et à écrire sur les questions incontournables de notre époque », écrivent-ils dans une lettre ouverte.

La Faculté de la Communauté de Kingsborough et CUNY ont conduit des enquêtes sur ces accusations, mais elles n’ont pas encore publié de déclaration au-delà de cette lettre récente de la présidente de Kingsborough, Claudia Schrader, adressée au Daily News de New York, notant que « des articles récents » sur l’antisémitisme à la faculté avaient « exacerbé l’acrimonie » sur le campus.

Ces fausses accusations d’antisémitisme à CUNY-Kingsborough masquent une agression concertée contre l’organisation des enseignements progressistes.

(Article publié sur l’Academe Blog, le 19 mars 2019 en réponse aux récentes accusations portées contre le corps enseignant de la CUNY).

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Jadaliyya

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