Le leader de la marche de Gaza aux objecteurs de conscience : ‘Transformez vos mots en armes’

Edo Konrad – 2 janvier 2019

Le leader de la Grande Marche du Retour de Gaza tient une rare conversation avec des Israéliens qui refusent de servir dans l’armée à cause de l’occupation. ‘Ceux qui refusent de prendre part aux attaques contre les manifestants à Gaza – ils se tiennent du bon côté de l’histoire.’

Des militants israéliens, parmi lesquels d’anciens objecteurs de conscience et d’autres prêts à l’être, tiennent une conversation téléphonique avec le leader de la Marche du Retour de Gaza, Ahmed Abu Artema, le 19 décembre 2018 à la Hagada Ahasmalit, Tel Aviv. (Oren Ziv)

C’est difficile à imaginer aujourd’hui, mais des réunions entre militants palestiniens et israéliens étaient autrefois une routine. La jeune génération de Palestiniens et d’Israéliens, toutefois, est née dans un monde de murs, de barrières et de ségrégation, où même une simple conversation peut être compliquée et parfois même impossible.

On a pu vérifier cette triste réalité il y une quinzaine de jours lorsque des dizaines de militants israéliens, dont d’anciens objecteurs de conscience et d’autres prêts à l’être ont tenu une rare conversation avec Ahmed Abu Artema, l’un des principaux organisateurs de la Grande Marche du Retour de Gaza. Pour beaucoup de ces jeunes objecteurs de conscience, la Grande Marche du Retour a servi d’inspiration à leurs raisons personnelles de refuser l’enrôlement dans l’armée israélienne.

« C’est très agréable de rencontrer des personnes qui ont décidé de prendre position, d’écouter leur conscience et de refuser de prendre part à l’oppression sur les autres », a commencé Abu Artema, son arabe souvent fleuri traduit par la militante Neta Golan, l’une des meneuses des récentes manifestations de solidarité sur la barrière frontalière Israël-Gaza. Ceux qui refusent de prendre part aux attaques contre les manifestants de Gaza, qui expriment leur droit naturel à protester contre le siège, ceux qui refusent de prendre part aux attaques contre les citoyens de Gaza – ils se tiennent du bon côté de l’histoire », a dit Abu Artema à son public.

C’était la toute première fois qu’Artema parlait devant un public d’Israéliens. Pour beaucoup des plus jeunes militants, c’était la première fois qu’ils parlaient à quelqu’un de Gaza.

En septembre dernier, Abu Arteama a échangé des lettres avec l’objecteur de Conscience Hillel Garmi, qui a passé 107 jours dans une prison de l’armée pour avoir refusé de servir dans l’occupation.

« Ta décision, c’est ce qui aidera à mettre fin à cette sombre période infligée aux Palestiniens et, en même temps, à atténuer les peurs des jeunes générations d’Israéliens qui sont nés dans une situation compliquée et une zone géographique agitée dépourvue de sécurité et de paix », a écrit Abu Artema à Garmi dans une lettre publiée dans le +972 Magazine.

Parmi ceux qui étaient présents à l’événement de Hagada HaSmalit, espace politique au centre de Tel Aviv qui héberge diverses associations de gauche, il y avait Adam Rafaelov, libéré d’une prison militaire juste quelques jours plus tôt, condamné pour avoir refusé de rejoindre les FDI à cause de sa position envers l’occupation. Etait également présente Yasmine Eran-Vardi, 18 ans, qui a refusé en janvier sa conscription.

« Vous êtes peut-être faibles en nombre, mais vous êtes forts dans votre position de principe », a poursuivi Abu Artema. « La force d’un individu ou d’un groupe ne se mesure pas en chiffres, mais à l’aune de son sens moral. »

Abu Artema a également manifesté une appréhension franche et empathique de la réalité dans laquelle sont nés les objecteurs de conscience. » Nous sommes tous nés dans une société particulière. Avec le temps, nous faisons partie de cette société et nous assimilons ses valeurs. Le plus grand défi est alors d’être capable de résister aux aspects immoraux qui prennent place et d’être capable de refuser de prendre part aux exigences immorales de la société », a-t-il dit au public.

Les objecteurs de conscience Yasmin Vered-Levy (à gauche) et Adam Rafaelov. (Oren Ziv)

Abu Artema a ensuite déclaré que mettre fin à l’occupation est dans l’intérêt à la fois des Israéliens et des Palestiniens. « Nous avons besoin d’une solution qui marche pour tout le monde, libérer non seulement la partie faible, mais aussi la partie qui discrimine. La situation telle qu’elle est aujourd’hui ne permet ni stabilité ni sécurité pour quiconque. Il nous faut construire une vie fondée sur l’égalité – pour le bien de tous. »

A la suite de ses remarques, Abu Artema, qui parlait au public depuis la Jordanie, a répondu aux questions de ce public. Chaque fois qu’un objecteur de conscience se levait pour poser une question, Abu Artema entamait sa réponse en le remerciant pour son courage. Interrogé sur ce que les Israéliens pouvaient faire de leur côté pour changer la situation, Abu Artema a choisi des propositions plus générales : « Nous devons abattre les murs de la discrimination. Sans une réalité différente, nous n’aurons ni sécurité, ni vraie solution. »

Il faut que les gens soient capables de transformer leurs mots en armes. Leurs armes doivent être leurs mots ou leurs actions non-violentes. Prendre une position et l’utiliser comme un outil », a-t-il dit au public.

Eran-Vardi qui, elle aussi, a été inspirée par Abu Artema quand elle a décidé de dire non l’année dernière, a dit qu’elle avait été très émue en l’écoutant parler. « J’ai lu les lettres de Hillel et d’Ahmed alors que j’avais déjà réfléchi à un refus. Cela m’a aidée à parvenir à ma décision finale et à comprendre toutes ses complexités. »

« Il disent que nous n’avons pas de partenaire [palestinien], mais nous voyons là des gens qui veulent vivre en paix et en égalité avec nous », a dit Rafaelov après la réunion. « Cela me donne l’espoir que les choses peuvent changer et que l’occupation prendra fin un jour. »

Au début du mois, un organisme disciplinaire des FDI a condamné Rafaelov à une septième peine de prison pour son refus de la conscription. Rafaelov, 18 ans, de Kiryat Motzkin dans le nord d’Israël, a passé en tout 87 jours derrière les barreaux.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : +972

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