Décembre 2018 : tirs meurtriers de l’armée israélienne sur trois Palestiniens qui auraient délibérément tenté de foncer sur des Israéliens lors d’incidents inexistants

3 janvier 2019

Pendant une période de neuf jours en décembre, les forces de sécurité israéliennes ont abattu trois Palestiniens en Cisjordanie au motif qu’ils auraient tenté de mener contre des Israéliens des attaques à la voiture bélier, ces prétendus incidents n’ayant jamais eu lieu. Ces trois victimes ont toutes été abattues alors qu’elles ne mettaient en danger ni la vie des forces de sécurité ni celle de quiconque. Leur mort est la conséquence directe d’une politique d’ouverture du feu irresponsable et illégale qui permet et cautionne de façon rétroactive le recours à des tirs meurtriers dans des situations qui ne les justifient pas.

11 déc. 2018 : ‘Omar ‘Awwad (24 ans) est atteint dans le dos par des tirs meurtriers de forces de sécurité alors qu’il s’éloigne en voiture, rentrant chez lui après avoir travaillé à fondre du cuivre. La police affirme que les agents des forces de sécurité ont tiré à balles réelles dans le dos d’‘Awwad parce qu’ils le soupçonnaient d’avoir tenté de foncer sur eux. Aucun agent des forces de sécurité n’a été blessé. Aucun d’eux n’a dispensé d’assistance médicale à ‘Awwad.

13 déc. 2018 : Hamdan ‘Ardah (58 ans), qui se dirige en voiture vers la zone industrielle d’al-Birah, est blessé mortellement par des soldats, vraisemblablement après avoir été surpris par leur présence. Selon des informations fournies par les médias, ‘Ardah a heurté accidentellement un soldat, qui a subi une blessure légère. Les soldats ont ouvert sur ‘Ardah un feu nourri et n’ont pas cessé de tirer, alors même qu’il avait été touché et que son véhicule s’était arrêté. Ils ont empêché une équipe médicale qui arrivait sur les lieux de se rapprocher d’‘Ardah.

20 déc. 2018 : Qassem ‘Abassi (17 ans) est atteint dans le dos par des tirs meurtriers au moment où la voiture qui le conduit à Naplouse pour un voyage récréatif en compagnie de trois membres de sa famille s’éloigne du checkpoint de Beit El-DCO. Les soldats ne couraient aucun danger, ni lorsque la voiture était proche du checkpoint ni lorsqu’elle s’en est éloignée.

Ces faits sont la conséquence directe et prévisible d’une politique d’ouverture du feu irresponsable et illégale appliquée en Cisjordanie. En vertu de cette politique, les forces de sécurité peuvent utiliser une force létale même dans des situations où personne ne court un danger réel. Ce mépris choquant pour la vie des Palestiniens se prolonge lorsque les forces de sécurité n’apportent aucune assistance médicale aux blessés ou ne laissent pas les équipes médicales faire leur travail.

Après le meurtre d’‘Abassi, la troisième victime, le général de brigade Eran Niv, chef de la division de Judée-Samarie, a affirmé : « Nous tuons des gens que nous n’avions pas l’intention de tuer ». Cette réflexion judicieuse d’un haut gradé n’aura sans doute pas de répercussion sur le terrain. Même si les ramifications de cette politique criminelle sont connues depuis longtemps, elle est toujours en vigueur et les consignes n’ont pas été changées. De plus, dans le passé, des centaines d’homicides découlant de cette politique ont été blanchis, et l’on peut s’attendre à ce que le Bureau de l’Avocat général des armées fasse également un travail approfondi de blanchiment de ces trois affaires récentes. Étant donné l’absence d’obligation de rendre des comptes, associée à une opinion publique alimentée par les déclarations de personnalités et de décideurs politiques qui encouragent l’ouverture du feu, les tirs létaux injustifiés contre des Palestiniens qui ne mettent personne en danger vont certainement continuer.

L’homicide d’‘Omar ‘Awwad, à l’ouest de la ville d’Idhna, 11 déc. 2018 :

Omar Awwad. Photo DR

Vers 8h00, mardi 11 déc. 2018, ‘Omar ‘Awwad, 24 ans, habitant d’Idhna, ville située à l’ouest d’Hébron, s’est rendu dans une zone proche de la Barrière de séparation pour fondre du cuivre, dont la vente constituait sa source de revenus. À environ 9h00, tandis qu’il avait pris le chemin du retour, il a atteint à la périphérie ouest d’Idhna un croisement où un véhicule des forces de sécurité bloquait la route de droite. ‘Awwad a tourné à gauche, s’engageant sur une route qui monte vers la ville. Deux membres des forces de sécurité se tenant près du véhicule qui bloquait le croisement ont ouvert le feu sur sa voiture à une distance d’environ 15 mètres, pendant qu’elle s’éloignait d’eux. ‘Awwad, blessé, est sorti de la route et s’est arrêté. Selon des témoignages recueillis par B’Tselem, ‘Awwad était alors encore vivant, mais les membres des forces de sécurité présents sur les lieux ne lui ont dispensé aucun traitement médical. Des habitants arrivés à ce moment-là ont essayé de le sortir de sa voiture, mais 15 minutes se sont écoulées avant qu’il soit conduit à l’hôpital dans une ambulance du Croissant rouge. Il a été déclaré mort à son arrivée. Selon les informations fournies à B’Tselem, il avait été blessé dans le dos par des balles réelles.

Tout de suite après les faits, la police a émis le communiqué suivant : « Il y a peu de temps, des agents de la police des frontières ont ouvert le feu sur un véhicule palestinien soupçonné d’avoir cherché à foncer sur eux pendant qu’ils menaient des opérations de l’Administration civile dans la ville d’Idhna. Personne n’a été blessé lors de cet incident. »

L’homicide d’Hamdan ‘Ardah, al-Birah, 13 déc. 2018 :

Hamdan Ardah. Photo DR

Jeudi 13 déc. 2018, un Palestinien a ouvert le feu sur une halte d’autostop près de l’entrée de la colonie de Givat Assaf, à l’est de Ramallah. Il a tué deux soldats et blessé grièvement un autre soldat et une femme. À la suite de cet attentat, l’armée a entrepris des investigations à al-Birah, au nord de Ramallah.

À environ 16h30, Hamdan ‘Ardah, 58 ans, habitant de Ramallah, avait quitté son domicile pour se diriger en voiture vers la zone industrielle d’al-Birah, où se trouve une usine dont il assurait la gestion. Un groupe de soldats se tenait derrière un virage prononcé de la route, tandis qu’un autre menait une fouille dans un bâtiment proche appartenant à une société de commerce. Lorsqu’‘Ardah a atteint le virage, il a ralenti et a changé de trajet, se dirigeant vers l’entrée du bâtiment, sans doute en raison de sa surprise de trouver des soldats sur les lieux. Les soldats lui ont lancé des cris et ont immédiatement déclenché un feu nourri contre sa voiture. Selon des informations données par les médias, la voiture a heurté un des soldats, provoquant une blessure légère. Une brève vidéo obtenue par B’Tselem montre clairement que les tirs contre ‘Ardah ont continué alors qu’il avait été touché et que sa voiture s’était arrêtée. Environ dix minutes plus tard, une ambulance du Croissant rouge palestinien est arrivée sur les lieux, mais les soldats ont empêché l’équipe médicale de s’approcher de la voiture. Au bout d’une vingtaine de minutes, une ambulance militaire est arrivée et a évacué ‘Ardah. Israël détient son corps et refuse de le rendre à sa famille.

Le jour même, le porte-parole des FDI a déclaré :« Un terroriste a tenté d’utiliser son véhicule en vue d’une attaque à la voiture bélier contre des combattants des FDI qui menaient des activités opérationnelles. Un combattant des FDI a été légèrement blessé. Les forces de sécurité présentes sur les lieux ont réagi en tirant sur le terroriste et en le neutralisant ».* Cependant, selon des informations des médias, l’armée n’a pas défini cet épisode comme un « attentat par véhicule ».

*Nous donnons ici la traduction du tweet en hébreu

Vidéo : Les tirs contre ‘Ardah continuent alors que son véhicule s’est arrêté

L’homicide de Qassem ‘Abassi, checkpoint de Beit El-DCO, 20 déc. 2018 :

Qassem Abassi. Photo DR

Le soir du jeudi 20 déc. 2018, quatre membres de la famille ‘Abassi, qui vit à Ras al-‘Amud, quartier de Jérusalem-Est, se dirigeaient vers Naplouse. Près du croisement de Givat Assaf, ces quatre personnes se sont trouvées dans un embouteillage. Un policier qui était à proximité les a informés que la route de Naplouse était bloquée ; ils ont alors fait volte-face, prenant la direction de Ramallah en traversant un secteur qu’ils connaissaient mal. Lorsqu’ils sont arrivés au rond-point proche du checkpoint Beit El-DCO, ils ont tourné à droite, se dirigeant vers le village de Beitin. Après s’être rendu compte qu’ils avaient pris la mauvaise direction, ils ont rebroussé chemin et sont repartis vers le rond-point. Les soldats leur ont crié de s’arrêter et ont tiré des balles réelles, dont l’armée prétend qu’elles ont été tirées en l’air. Quand les quatre hommes sont revenus au rond-point proche du checkpoint, ils ont de nouveau fait une erreur, repartant vers Jérusalem. D’autres soldats au voisinage du checkpoint leur ont tiré directement dessus à balles réelles. Les coups de feu ont atteint les portières et les roues de la voiture du côté gauche et ont touché deux des passagers. Qassem ‘Abassi, 17 ans, assis derrière le conducteur, a été tué. Le conducteur a été blessé par des éclats mais il est parvenu à continuer de conduire. Au bout d’environ une minute, alors que la voiture était à plusieurs centaines de mètres du checkpoint, une jeep de l’armée est arrivée par derrière et a ordonné au conducteur de s’arrêter. Deux soldats sont sortis de la jeep et ont ordonné aux passagers de quitter le véhicule et d’en sortir Qassem ‘Abassi.

Abassi a été emmené par une ambulance de l’armée. Au bout d’environ une heure, les trois autres occupants de la voiture ont également été emmenés par une ambulance israélienne qui était arrivée. Selon des informations des médias, les résultats de l’autopsie montrent qu’‘Abassi a reçu un coup de feu dans le dos, tiré par derrière. Le soir même, l’armée a affirmé : « Il y a peu de temps, un véhicule a forcé le passage au Checkpoint Focus… un soldat présent sur les lieux a riposté en ouvrant le feu. » Le lendemain, l’armée a annoncé qu’en fait, la voiture n’avait pas forcé le passage au checkpoint.

Source : B’tselem.org
Traduction : SM pour Agence Média Palestine

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