Élections israéliennes : qui remportera le combat pour détruire Gaza ?

Richard Silverstein – 21 novembre 2018

Les successeurs potentiels de Netanyahou tentent de démontrer leurs références en matière de sécurité et se livrent à une course à la surenchère dans la haine que chacun voue au Hamas

La semaine dernière, le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman a démissionné de son poste, donnant lieu à une crise au sein du gouvernement de coalition. 

Bien que Lieberman et les médias israéliens aient évoqué une décision motivée par la clémence du Premier ministre Benyamin Netanyahou face aux tirs de roquettes lancés depuis Gaza contre des communautés du sud d’Israël, il est beaucoup plus probable qu’il s’agisse d’une posture politique adoptée en prévision des élections nationales, qui devraient être convoquées sous peu.

Sans le parti de Lieberman, la coalition au pouvoir ne dispose que d’une majorité d’un siège, ce qui rend le gouvernement très fragile. Netanyahou doit également maintenir la participation de son principal rival, Naftali Bennett du Foyer juif – néanmoins, Bennett s’est montré dur en affaires en exigeant le ministère de la Défense en échange de la poursuite de son soutien.

« Israël a cessé de gagner »

Au lieu de cela, Netanyahou a annoncé qu’il assumerait lui-même ce portefeuille. Bennett a alors indiqué qu’il démissionnerait également, avant toutefois de revenir sur cette menace dans une déclaration lundi matin tout en critiquant le leadership de Netanyahou. Sous ce gouvernement, « Israël a cessé de gagner », a-t-il déclaré.

« Nous imposons contrainte sur contrainte à nos combattants, des contraintes légales et des contraintes conceptuelles. Nos combattants ont plus peur du procureur militaire que de Yahya Sinouar », a déclaré Bennett en référence au chef du Hamas à Gaza.

Netanyahou a de nombreux rivaux impatients de prendre sa place. Ils voient tous une faiblesse et souhaitent l’exploiter. Finalement, quelqu’un va secouer le cocotier et détruire la coalition

C’est un air que les Israéliens ont déjà entendu à de nombreuses reprises. Si la force ne fonctionne pas, il faudra plus de force. Il n’y en aura jamais assez. Pourtant, à chaque invasion de Gaza, Israël tue plus que la fois précédente, sans jamais parvenir toutefois à écraser la résistance palestinienne. 

Néanmoins, les électeurs israéliens veulent toujours croire qu’il existe une solution ultime qui permettra d’instaurer une paix permanente sans abandonner quoi que ce soit de vital pour les intérêts israéliens (colonies, Jérusalem, etc.). C’est un rêve tentant mais illusoire.

Quelle que soit la décision de Bennett, c’est désormais écrit. Dès qu’une menace de démission est émise par un ministre de haut rang, le ton est donné. Avec le départ de Lieberman, l’équilibre des pouvoirs au sein du gouvernement a changé. Netanyahou a de nombreux rivaux impatients de prendre sa place. Ils voient tous une faiblesse et souhaitent l’exploiter. Finalement, quelqu’un va secouer le cocotier et détruire la coalition.

Un ennemi redoutable

Lorsque l’heure de ces élections sera venue, une lutte acharnée se jouera entre le Likoud de Netanyahou, Israel Beitenou de Lieberman et le Foyer juif de Bennett quant à savoir qui sera le plus dur en matière de sécurité. Dans la politique israélienne, les rênes de la sécurité à outrance se tiennent en se montrant dur envers les Palestiniens. Cela ressemble un peu aux slogans indiquant qui fait preuve de dureté dans la lutte contre la criminalité ou l’« immigration clandestine » dans d’autres pays occidentaux.

Netanyahou est toujours en position de force. Bien que le public ne l’apprécie pas particulièrement, il lui fait confiance pour protéger les intérêts d’Israël en matière de sécurité. Des sondages indiquent que le Likoud obtiendrait le même nombre de sièges aujourd’hui que lors des dernières élections. Ainsi, même si ses rivaux internes cherchent à le déloger, il est un ennemi rusé et redoutable.

Au cours des derniers mois, le gouvernement Netanyahou a pris des mesures pour assouplir le siège de Gaza, notamment en augmentant le nombre de camions important des marchandises dans l’enclave et en ouvrant le passage frontalier de Kerem Shalom.

Le Qatar a envoyé 15 millions de dollars dans des mallettes pour payer des salaires partiels aux travailleurs gazaouis qui n’avaient pas été payés depuis des mois et acheminé du carburant pour alimenter les centrales électriques et les usines de traitement de l’eau et des eaux usées.

La zone de pêche a été étendue à neuf milles marins dans le sud de Gaza.

Les ministres israéliens les plus bellicistes se sont plaints amèrement de l’assouplissement de la position d’Israël vis-à-vis de Gaza et de ses dirigeants du Hamas. Des protestations et des critiques se sont fait entendre du côté de Lieberman, Bennett et consorts. À un moment donné, Lieberman a fini par fermer le passage frontalier, interdisant aux camions d’entrer à Gaza.

Une stratégie de surveillance

Puis, il y a une semaine, l’armée israélienne a envoyé un commando à Gaza qui, selon la version de l’armée israélienne, était censé installer des équipements de surveillance électronique, ce qui a déclenché des échanges de tirs nourris. Le commandant du Hamas Nour Baraka et six autres Palestiniens, ainsi qu’un haut responsable israélien, ont été tués.

Suite à cela, le commando israélien a été contraint d’abandonner des équipements destinés à espionner les militants gazaouis. Ils seraient à présent entre les mains du Hamas ; le média israélien Walla a précisé que l’armée israélienne « [évaluait] actuellement la situation au regard des dommages causés par la capture par le Hamas de ces outils [de surveillance] électronique. On peut supposer que cela a nui considérablement aux activités [d’espionnage] de l’armée à Gaza. »

C’est précisément ce genre de trésor qui pourrait intéresser à la fois le Hezbollah et l’Iran, qui sont également des cibles de l’espionnage israélien. Les informations rapportées par Walla se fondent en partie sur les comptes rendus de l’assaut relayés par les médias palestiniens.

Le timing de cet assaut semble étrange étant donné que juste avant, Netanyahou avait semblé adopter une position complètement modérée en déclarant qu’Israël n’avait aucun intérêt à livrer une « guerre inutile ». Il semble probable que l’armée israélienne ait considéré l’opération commando comme une mission de routine sans s’attendre à une interception. 

Une fois que cette interception a eu lieu, l’enfer s’est déchaîné. En réponse à la mort de ses combattants, le Hamas a lancé des centaines de roquettes en direction du sud d’Israël. Plusieurs dizaines d’Israéliens ont été blessés et un travailleur palestinien a été tué en Israël.

Alors même qu’Israël et le Hamas semblaient se diriger vers une nouvelle guerre et une réplique du désastre de 2014, l’Égypte est intervenue pour négocier un cessez-le-feu. Les deux parties ont reculé d’un pas devant le précipice et le calme a été rétabli.

Des manœuvres politiques

Néanmoins, Israël n’a jamais respecté longtemps ces cessez-le-feu, les violant régulièrement chaque fois que ses intérêts le lui demandaient. Ensuite, lorsque le Hamas réagit avec des contre-mesures, en tirant des roquettes vers Israël, ce dernier reproche aux militants d’avoir déclenché les hostilités.

Les Gazaouis ont célébré la démission de Lieberman comme une victoire politique. Ils avaient raison, en ce sens qu’Israël a perdu un commandant de haut rang dans sa mission bâclée, que ses capacités d’espionnage ont été compromises et que le sud d’Israël a été plongé dans une période de grande terreur, malgré la prétendue protection du système antimissile baptisé Dôme de fer.

La démission de Lieberman n’avait pas grand-chose à voir avec Gaza. Il s’agissait plutôt de poser un jalon auprès des électeurs les plus bellicistes d’Israël, qui constituent un segment décisif de l’électorat

Mais sa démission n’avait pas grand-chose à voir avec Gaza, si ce n’est rien. Il s’agissait plutôt de poser un jalon auprès des électeurs les plus bellicistes d’Israël, qui constituent un segment décisif de l’électorat.

Il peut maintenant leur dire qu’il a été un ministre de la Défense fort, mais que lorsque Netanyahou a rejeté son approche, il a démissionné, ne pouvant accepter la clémence envers les « terroristes » palestiniens. Lieberman évite également les critiques venant de Bennett, qui l’a attaqué pour sa « faiblesse » et ses politiques « de gauche » qui ont choyé Gaza.

La bataille est ouverte pour déterminer qui remplacera Netanyahou à l’approche de la fin de sa carrière politique, marquée aujourd’hui par quatre scandales de corruption. Une condamnation dans une seule de ces affaires mettrait fin à son règne. Ses successeurs potentiels tentent désormais de démontrer leurs références en matière de sécurité et se livrent à une course à la surenchère dans la haine que chacun voue au Hamas.

– Richard Silverstein est l’auteur du blog « Tikum Olam » qui révèle les excès de la politique de sécurité nationale israélienne. Son travail a été publié dans Haaretz, le Forward, le Seattle Times et le Los Angeles Times. Il a contribué au recueil d’essais dédié à la guerre du Liban de 2006, A Time to speak out (Verso) et est l’auteur d’un autre essai dans une collection à venir, Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield).

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des manifestants palestiniens brûlent des photos de l’ancien ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman, à Gaza, le 14 novembre 2018 (AFP).

Source : Middle East Eye

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