Défiant le lobby israélien, le Labour vote pour un gel des exportations d’armes

Par Asa Winstanley, 26 septembre 2018

 

Les délégués écoutent Colin Monehen, un délégué de Harlow, proposer une motion pour arrêter les ventes d’armes britanniques à Israël, durant la conférence du Parti travailliste à Liverpool le 25 septembre.

Par une décision historique, la conférence annuelle du Parti travailliste mardi a voté pour l’arrêt des ventes d’armes par le Royaume-Uni à Israël.

Mais The Electronic Intifada a appris qu’Emily Thornberry, la femme qui deviendrait ministre des Affaires étrangères si un gouvernement travailliste était élu demain, avait essayé en privé de saboter la motion.

Bien qu’Emily Thornberry soit une alliée proche du leader des travaillistes, ainsi que de Jeremy Corbyn, soutien de longue date de la Palestine, elle soutient aussi les Travaillistes amis d’Israël et s’oppose à un embargo sur les armes.

Au milieu d’une mer de drapeaux palestiniens et des chants de « Free Palestine », les délégués ont débattu d’une motion condamnant le massacre par Israël de manifestants palestiniens – plus de 140 à cette date – depuis les manifestations de la Grande marche du retour qui ont commencé le 30 mars.

La motion, acceptée quasiment à l’unanimité, appelle à un gel immédiat des ventes d’armes du Royaume-Uni à Israël.

Depuis 2014, le gouvernement du Royaume-Uni a approuvé des licences d’exportation d’armes et autres technologies militaires pour une valeur de 660 millions de dollars, ce qui inclut également des composants de missiles aériens, de drones et de fusils de sniper, a déclaré la Campagne de solidarité avec la Palestine dans un communiqué de presse.

Le Comité national de Boycott, Désinvestissement et Sanctions pour la Palestine, le comité de direction du mouvement international de BDS, a fait l’éloge du vote du Parti travailliste pour avoir « ravivé l’espoir que le moment sud-africain d’Israël se rapproche ».

« Réviser » ou « geler » ?

E. Thornberry a dit dans le passé qu’un gouvernement travailliste « réviserait » les ventes d’armes à Israël – ce qui est bien éloigné du gel auquel la motion de mardi appelle.

Elle a répété sa promesse de revoir les ventes d’armes à Israël lors d’une réunion des Travaillistes amis de la Palestine, à la conférence de lundi soir, a déclaré un militant à The Electronic Intifada.

Mais de multiples sources ont affirmé à The Electronic Intifada qu’elle avait fait pression sur ceux des militants qui étaient derrière la motion pour qu’ils y apportent des changements qui l’auraient vidée de son sens.

E. Thornberry ne demandait pas seulement que l’appel à un gel immédiat du commerce d’armes soit retiré, mais elle voulait également qu’on supprime une ligne mentionnant « les victimes palestiniennes de la Nakba » – une référence à l’expulsion par Israël de quelques 800 000 Palestiniens pour l’établissement d’un « État juif » en 1948.

Ceux qui avaient proposé la motion ont refusé de commenter.

Mais des sources bien informées ont révélé à The Electronic Intifada que, pendant une heure de réunion E. Thornberry et ses alliés avaient tenté de faire pression sur les militants locaux du Parti travailliste à Harlow et Wolverhampton South West pour qu’ils édulcorent la proposition de motion.

Celui qui a présenté la motion, Colin Monehen, a fait référence de manière à peine voilée à la tentative d’E. Thornberry, lors de son discours aux délégués.

Alors qu’Emily Thornberry était assise sur l’estrade non loin, il a déclaré : « Il y en a que le mot Nakba rend nerveux. Mais la Nakba a bien eu lieu, et ces gens ont bien été chassés de leurs maisons, et il faut que ce fait soit reconnu ».

https://twitter.com/zainulabbadin/status/1044608310626963456

La tactique d’E. Thornberry a échoué et, si la motion a été modifiée, c’est plutôt dans le sens d’un léger renforcement. La proposition de départ demandait qu’on gèle les ventes d’armes après les résultats d’une enquête indépendante sur les massacres israéliens à Gaza, alors que le texte qui a été adopté ne fait pas dépendre le gel des ventes d’une enquête.

Le directeur de la Campagne de solidarité avec la Palestine, Ben Jamal, a déclaré : « Cette incroyable démonstration de soutien et cette motion historique manifestent la force des sentiments de la base du parti. Les membres du Labour veulent montrer une réelle solidarité avec les Palestiniens ».

« Étant donné qu’Israël continue à utiliser des balles réelles pour tuer des manifestants palestiniens non armés, il n’est pas surprenant qu’il y ait un soutien clair à un gel immédiat des ventes d’armes à Israël », a ajouté Jamal.

Il n’y a pas de stand des Travaillistes amis d’Israël (Labour Friends of Israel, LFI) à la conférence cette année. Le journal pro-israélien Jewish News a rapporté que c’était la première fois « de mémoire récente ».

Une source anonyme a affirmé au journal que « l’an dernier, le stand de LFI à la conférence avait attiré comme un aimant les adeptes des théories conspirationnistes et les jeunes tenant le stand avaient été mis dans des situations inconfortables ».

En janvier 2017, un reportage en caméra cachée d’Al-Jazeera au stand de LFI à la conférence du Parti travailliste en 2016 avait révélé que l’ambassade israélienne avait promis à Joan Ryan, de LFI, que les législateurs recevraient « plus d’un million de livres » (1,3 million de dollars) en visites de propagande en Israël.

Le reportage révélait également que Joan Ryan avait qualifié de but en blanc d’« anti-sémite », dans le cadre d’une discussion à ce même stand, un militant du Parti travailliste qui remettait en question la colonisation des terres palestiniennes dans les territoires occupés, au nom du droit international.

Empêchées de s’exprimer

Pendant le débat, le président a fait taire la chercheuse Hilary Wise qui encourageait les délégués à regarder le film d’Al Jazeera, The Lobby.

Rhea Wolfson a sermonné H. Wise : « Je vous demanderais de faire très attention à votre langage ».

Wolfson est membre du Mouvement travailliste juif, un groupe qui entretient des liens étroits avec l’ambassade israélienne.

Le soutien populaire massif à la Palestine, au sein de la base du Parti travailliste, a mis en relief l’échec des tentatives du lobby israélien pour gagner de l’influence dans le parti.

Alors que l’isolement des militants pro-Israël au sein du Parti travailliste apparaissait clairement, certains d’entre eux se sont même tournés vers des tactiques encore plus extrêmes.

Mardi soir, un film sur la militante juive noir anti-sioniste Jackie Walker a été interrompu par une menace à la bombe.

https://twitter.com/TheMendozaWoman/status/1044703972056084480

https://twitter.com/TheMendozaWoman/status/1044663304726224896

The Political Lynching of Jackie Walker (sur le lynchage politique de Jackie Walker) devait être montré en première, mardi soir, en marge de la conférence. La projection n’avait commencé que depuis 15 minutes lorsque les organisateurs ont été contraints d’annuler l’événement.

Walker a dit à The Electronic Intifada qu’un inconnu avait téléphoné et déclaré : « Il y a deux bombes dans le bâtiment, qui vont tuer de nombreuses personnes ».

Walker a ouvertement critiqué la chasse aux sorcières engagée par le Parti travailliste contre les anti-sionistes, et son appartenance au parti a été suspendue, à cause de ses opinions.

Source : The Electronic Intifada
Traduction: MUV pour l’Agence Media Palestine

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