Elor Azaria, le meurtrier devenu « roi », mène une vie de château en Israël

29 août 2018


Elor Azaria (Reuters)

Il a purgé la moitié de sa peine. Désormais, le soldat israélien dont le meurtre d’un Palestinien blessé avait scandalisé fait l’objet d’une vénération en Israël, où il bénéficie de nombreux privilèges et pourrait devenir avocat.

Depuis sa sortie de prison il y a quelques mois, un ancien soldat israélien condamné par un tribunal militaire pour l’exécution d’un Palestinien mène désormais en Israël une vie de château, faite de cadeaux et de privilèges, a révélé un article publié par le site d’information israélien Mako.

Entre les propositions de vacances tous frais payés et les cocktails offerts, Elor Azaria – ou « notre roi », comme l’appellent ses admirateurs – donne désormais à ses camarades soldats des conseils sur l’attitude à adopter face aux Palestiniens et envisage de poursuivre une carrière en droit pour venir en aide à ceux qui pourraient se retrouver dans sa situation.

« De nombreux soldats le considèrent comme une sorte de mentor depuis son incident. Elor leur donne des conseils pour servir dans les territoires [palestiniens] »

– Un ami d’Elor Azaria

Franco-Israélien âgé de 22 ans, Azaria a acquis une notoriété internationale en mars 2016 après avoir abattu Abd al Fattah Yusri al-Sharif, un Palestinien de 21 ans, dans la ville d’Hébron, en Cisjordanie occupée par Israël.

Sharif et un autre Palestinien, Ramzi Aziz al-Tamimi al-Qasrawi, âgé de 21 ans, ont tous deux été abattus après une tentative d’attaque à l’arme blanche contre des soldats israéliens.

Onze minutes après les premiers tirs, Azaria a été filmé en train de marcher vers la scène et d’abattre Sharif, qui était étendu par terre et inerte.

Il a ensuite serré la main à Baruch Marzel, un ultranationaliste notoire qui vit dans une colonie illégale à Hébron et qui est connu pour sa violence envers les Palestiniens et les Israéliens de gauche.

Alors que les juges militaires et les experts médiatiques débattaient de son sort au cours de son procès, des ministres israéliens ont ouvertement exprimé leur solidarité avec Azaria et défendu une amnistie générale pour ses actes.

« Un héros israélien »

Après avoir été condamné à dix-huit mois de prison et purgé seulement la moitié de sa peine, Azaria est devenu une « cause célèbre » et a été accueilli en héros par le public israélien, selon Mako.

Un propriétaire de boîte de nuit de la région de Tel Aviv a fait part au magazine du culte qu’il voue à Azaria chaque fois qu’il franchit la porte de son établissement.

« Qu’est-ce que cela offre aux colons ? Ce n’est pas gentil du tout de l’encourager, mais nous savons que c’est la réalité de notre vie »

– Abu Tareq al-Sharif, cousin d’Abd al-Fattah Yasri al-Sharif

« Quand il est arrivé pour la première fois après sa libération de prison, j’ai coupé la musique au milieu [de la chanson], je suis allé à l’espace DJ et j’ai annoncé à tout le monde au micro que nous étions rejoints ce jour-là par notre roi, Elor, a raconté Ras Buskila au magazine. Les gens l’ont applaudi, sont venus le prendre dans leurs bras et faire des photos avec lui. Depuis, presque chaque fois qu’il vient, je le laisse choisir la musique. »

« À mes yeux, il est un héros israélien, a-t-il ajouté. Mes frères et moi avons servi dans la [Brigade] Golani et nous aurions fait exactement la même chose que lui, ou même tiré quelques balles de plus. Nous lui offrons à boire … pour moi, il peut boire autant qu’il veut chez moi et, bien sûr, il ne paie pas les frais d’entrée. J’accorde des réductions à ses amis. Il est la célébrité locale et il mérite ce genre de traitement. »

Au cours des dernières semaines, Azaria a été invité à plusieurs fêtes pour célébrer sa libération, notamment dans une colonie à Hébron. Mais tout le monde n’était pas d’humeur festive : de l’autre côté de la ville, Mako a échangé avec Abu Tareq al-Sharif, cousin d’Abd al-Fattah Yusri al-Sharif.

« Je n’aime pas du tout ces célébrations. Qu’est-ce que cela offre aux colons ? Ce n’est pas gentil du tout de l’encourager, mais nous savons que c’est la réalité de notre vie », a-t-il déploré.

Mais les privilèges ne s’arrêtent pas là : un confident d’Azaria a indiqué à Mako que quelques jours à peine après la libération d’Azaria en mai, un millionnaire juif américain lui avait offert des vacances tous frais payés dans une destination touristique d’Europe occidentale.

Azaria a fait don de ce forfait vacances à deux autres soldats israéliens, de peur d’être poursuivi ou même arrêté s’il quittait le pays.

« Il peut boire autant qu’il veut chez moi et, bien sûr, il ne paie pas les frais d’entrée. J’accorde des réductions à ses amis. Il est la célébrité locale et il mérite ce genre de traitement »

– Ras Buskila, propriétaire d’une boîte de nuit à Tel Aviv

Des activistes pro-palestiniens en Europe ont accusé certains hauts responsables israéliens de complicité de crimes de guerre contre les Palestiniens pour leur rôle respectif dans les campagnes militaires israéliennes contre Gaza et ont appelé à leur arrestation dès lors qu’ils entreraient dans l’UE.

Si, jusqu’à présent, les dirigeants européens ont largement tenu compte des plaidoyers du gouvernement israélien et rejeté ces appels, la famille d’Azaria craint que cette exception ne soit pas faite dans le cas de leur fils, a rapporté Mako.

Tant qu’il restera en Israël, en revanche, si l’on se fie à l’article de Mako, Azaria pourra s’attendre à recevoir à la fois un soutien populaire et une pléthore d’opportunités financières, y compris des propositions pour faire de son histoire un livre ou un film, a rapporté le magazine.

Son passage en prison maintenant derrière lui, Azaria, selon Mako, échange régulièrement avec d’autres Israéliens servant dans l’armée, qui se tournent vers lui pour savoir comment traiter les Palestiniens.

« De nombreux soldats le considèrent comme une sorte de mentor depuis son incident, a indiqué un ami d’Azaria à Mako. Elor leur donne des conseils pour servir dans les territoires. »

Selon le cercle intime d’Azaria, ce dernier envisage aujourd’hui d’étudier le droit pour cette même raison. « Il veut être avocat, représenter des soldats qui se retrouvent dans une situation similaire à la sienne, les aider », a déclaré un ami.

Néanmoins, tout n’est pas rose pour Elor Azaria : le ministère israélien de la Sécurité intérieure a récemment rejeté sa demande de permis de port d’armes à feu.

Bien que le ministère assouplisse actuellement ses réglementations et augmente le nombre de civils israéliens autorisés à transporter des armes de poing par centaines de milliers, Azaria a été interdit d’en faire partie, affirmant qu’il constituait « une menace publique ».

 Source : Middle East Eye

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