L’infirmière de Gaza tuée par Israël a été visée dans le dos

Par Ali Abunimah – 2 juin 2018

Une photo prise le 1er avril montre l’infirmière Razan al-Najjar en train de soigner des blessés sous une tente de soins d’urgence pendant les manifestations à Gaza près de la frontière avec Israël. Al-Najjar a été mortellement atteinte par un sniper israélien alors qu’elle aidait des manifestants blessés le 1er juin près de Khan Younis. (Ashraf Amra / APA images)

Les forces d’occupation israéliennes ont abattu une infirmière volontaire et blessé des dizaines de personnes, alors qu’elles continuaient à attaquer aveuglément des Palestiniens qui participaient aux manifestations de la Grande Marche du Retour pour le dixième vendredi consécutif.

Razan Ashraf Abdul Qadir al-Najjar, 21 ans, participait aux soins et à l’évacuation des manifestants blessés à l’Est de Khan Younis lorsqu’elle a été mortellement atteinte dans le dos vendredi soir.

Elle se trouvait à environ 100 mètres de la barrière frontalière d’Israël au moment où elle a été abattue et elle portait un vêtement qui l’identifiait clairement comme infirmière, a déclaré l’association de défense des droits Al Mezan.

Al-Najjar s’était fait connaître pour sa bravoure et son insistance à mener à bien ses opérations de sauvetage médical malgré le danger évident.

Elle avait déjà été blessée par inhalation de gaz lacrymogène et, le 13 avril, s’était fracturé le poignet alors qu’elle courait pour s’occuper d’un blessé. Mais al-Najjar a refusé d’aller à l’hôpital ce jour là et a continué à travailler sur le terrain.

« C’est mon devoir et ma responsabilité d’être là et d’aider ceux qui sont blessés », a-t-elle dit à Al Jazeera.

Elle a aussi été témoin des derniers moments de quelques uns de ceux qui ont été mortellement blessés avant elle.

« Cela me brise le coeur que certains de ces jeunes hommes, qui ont été blessés ou tués, aient exprimé leurs dernières volontés devant moi », a-t-elle dit à Al Jazeera. « Certains m’ont même donné leurs accessoires [en cadeau] avant de mourir. »

Al-Najjar a précédemment parlé de son travail dans une interview télévisée, largement partagée sur les réseaux sociaux après la nouvelle de sa mort :

https://twitter.com/MuhammadSmiry/status/1002660778099560448

De nombreux utilisateurs de Twitter, surtout de Gaza, ont rendu hommage à al-Najjar :

https://twitter.com/GreatReturnMa/status/1002592144337620992

https://twitter.com/Joo_Gaza/status/1002655634406498305

Les médias palestiniens ont partagé des photos de la famille et des collègues d’al-Najjar pleurant sa mort :

https://twitter.com/basemn63/status/1002729275102031872

Le Dr. Ashraf al-Qedra, porte-parole du ministère de la Santé de Gaza, a rendu hommage à Al-Najjar en tant que volontaire humanitaire dévouée, qui n’a pas abandonné son poste jusqu’au moment où elle a « donné sa vie en martyre ».

Samedi, des milliers de personnes ont suivi les funérailles d’al-Najjar, tandis que des collègues portaient son cadavre, recouvert du drapeau palestinien et de la blouse médicale trempée de sang qu’elle portait quand elle a été abattue :

https://twitter.com/qudsn/status/1002830656672550912

https://twitter.com/qudsn/status/1002857282567331840

Al-Najjar est la deuxième secouriste à être tuée par les forces israéliennes depuis le début des manifestations de la Grande Marche du Retour le 30 mars.

Deux semaines plus tôt, les snipers israéliens avaient mortellement touché l’ambulancier Mousa Jaber Abu Hassanein.

Environ une heure avant d’être abattu, Abu Hassanein avait aidé à secourir l’un de ses collègues, le médecin canadien Tarek Loubani, qui avait été blessé par une balle israélienne.

Loubani a dit plus tard à The Electronic Intifada Podcast comment il avait été atteint à la jambe alors que tout était tranquille autour de lui : « Ni pneus en flamme, ni fumée, ni gaz lacrymogènes, personne ne s’agitant devant la zone tampon. Juste une équipe médicale clairement identifiable bien à l’écart des autres.

Depuis le début des manifestations, les forces israéliennes ont blessé près de 50 travailleurs médicaux à Gaza.

Chirurgiens de guerre

Vendredi dernier, comme elles le font toutes les semaines, les forces israéliennes ont tiré à balles réelles, des balles de métal enrobé de caoutchouc et du gaz lacrymogène, sur les Palestiniens le long de la frontière orientale de Gaza, blessant près de 100 personnes, plus de 30 d’entre elles à balles réelles, selon Al Mezan.

https://twitter.com/GreatReturnMa/status/1002601303741169664

« Les manifestants ne représentaient ni danger ni menace pour la sécurité des soldats, ce qui confirme que les violations commises par ces forces sont graves et systématiques et s’apparentent à des crimes de guerre », a déclaré l’association de défense des droits de l’Homme.

Depuis la fin du mois de mars, les forces israéliennes ont tué 129 personnes à Gaza, dont 15 enfants, 98 d’entre elles au cours des manifestations, selon Al Mezan.

Alors qu’Israël continuait vendredi à faire grimper ce tribut effarant, le système de santé de Gaza avait déjà dépassé ses capacités à faire face à l’accumulation de personnes blessées par des balles à fragmentation, provoquant d’horribles blessures et qui requièrent des traitements intensifs et complexes laissant souvent les victimes infirmes à vie.

Plus de 13.000 personnes ont été blessées depuis le début des manifestations, dont celles qui ont souffert de l’inhalation de gaz lacrymogène. Des plus de 7.000 personnes qui ont souffert de blessures autres que celles dues aux gaz lacrymogènes, plus de la moitié ont été abattues à balles réelles.

Jeudi, le Comité International de la Croix Rouge a annoncé qu’il envoyait deux équipes de chirurgiens de guerre et des fournitures médicales à Gaza pour renforcer un système de santé dont il a dit qu’il était « sur le point de s’effondrer ».

Le CICR a dit que la priorité pour sa mission de six mois serait de traiter les victimes blessées par balles, parmi lesquelles environ 1.350 patients ayant chacun besoin de trois à cinq opérations.

https://twitter.com/ICRC_NYC/status/1002197558469545984

« Une telle charge de travail accablerait n’importe quel système de santé », a déclaré le CICR. « A Gaza, la situation est aggravée par le manque chronique de médicaments, d’équipements et d’électricité. »

Taudis toxiques

Les manifestations répétées à Gaza réclament le droit des réfugiés palestiniens à retourner chez eux sur leurs terres, qui sont maintenant en Israël, et exigent qu’Israël mette fin au siège de plus d’une décennie sur leur territoire.

Les deux millions de résidents de Gaza sont « maintenus en cage dans des taudis toxiques de leur naissance à leur mort », a dit vendredi Zeid Ra’ad al-Hussein, responsable des droits de l’Homme aux Nations Unies, dans une session spéciale du Conseil aux Droits de l’Homme de l’ONU.

Zeid a dit aussi qu’il y a « très peu de signes » indiquant qu’Israël fasse quoi que ce soit pour réduire au minimum le nombre de morts.

Il a confirmé que « les seules actions des manifestants ne semblent pas constituer de menace imminente sur la vie ou des blessures mortelles qui pourraient justifier l’utilisation d’une force létale ».

Zeid a parlé au Conseil alors que celui-ci envisageait un projet de résolution sur l’envoi à Gaza d’un enquête internationale pour crimes de guerre.

La semaine dernière, le Conseil des Droits de l’Homme a voté, par 29 voix contre 2, la décision de mettre en place une enquête indépendante sur la violence à Gaza.

Seuls les Etats Unis et l’Australie ont voté contre une enquête, mais plusieurs gouvernements de l’Union Européenne, dont le Royaume Uni et l’Allemagne, faisaient partie des 14 qui se sont abstenus.

L’Assistance Médicale pour les Palestiniens, organisation caritative qui a fourni une aide d’urgence dans le contexte de catastrophe croissante, et une dizaine d’autres organisations, ont critiqué le refus du gouvernement britannique de soutenir une enquête « pour établir les violations du droit international dans le contexte de manifestations civiles à grande échelle à Gaza.

Mais les tentatives pour tenir Israël pour responsable se poursuivent face à l’opposition intransigeante des partisans d’Israël.

Vendredi soir, le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté un projet de résolution présenté par le Koweit, pour déplorer « la force excessive, disproportionnée et aveugle déployée par les forces israéliennes » et demander des « mesures pour garantir la sûreté et la protection des civils palestiniens.

Il a aussi demandé la fin du blocus de Gaza et déploré « le tir de roquettes depuis la Bande de Gaza contre des zones civiles israéliennes ».

Dix pays, dont la Russie et la France, membres permanents, ont voté pour. Quatre, dont la Grande Bretagne, se sont abstenus.

Bien qu’ayant assez de voix pour passer, la résolution a été torpillée par l’ambassadrice américaine Nikki Haley qui – comme elle l’avait promis – a mis le veto de son pays.

Haley a produit son propre projet de résolution absolvant Israël de toute responsabilité dans la violence à Gaza et faisant porter tous le blâme sur le Hamas.

Les Etats Unis ont été le seul pays à voter pour.

Cet article a été mis à jour depuis sa première publication.

Source : The Electronic Intifada
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

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