En Israël, l’amour connaît des frontières

Un couple palestinien dans l’impossibilité de vivre en Israël

Khouloud Badawi, 14 février 2018

Kiffah Massarwi devant le palais de Charlottenburg à Berlin, en Allemagne, avec son fils Marwan Abotair, son mari Yazed Abotair et sa fille Mai Abotair. Les lois du mariage discriminatoires en Israël empêchent Yazed Abotair de vivre en Israël en dépit de la citoyenneté israélienne de sa femme et de ses deux enfants, simplement parce qu’il est originaire des Territoires Palestiniens Occupés.  © 2017 Kifah Massarwi

 

En juillet 2003, Yazed Abotair, un ingénieur de la bande de Gaza, a rencontré sa femme en Allemagne où elle venait de donner une conférence sur la paix israélo-palestinienne. Kifah Massarwi était aussi palestinienne – mais citoyenne d’Israël – et éducatrice et organisatrice communautaire. Captivé, Abotair s’est rapproché de Massarwi après la conférence et lui a donné son numéro. Massarwi l’a appelé deux jours plus tard et ils sont rapidement tombés amoureux. 

Ils se sont mariés en octobre de cette année-là mais, apparemment, c’était trois mois trop tard : le mois précis où ils se sont rencontrés, la Knesset a voté une loi « temporaire » de citoyenneté et d’entrée en Israël interdisant aux Palestiniens des Territoires Palestiniens Occupés (TPO) d’obtenir la citoyenneté ou le statut de résident – même s’ils étaient mariés à des citoyen-ne-s israélien-ne-s ou à des résident-e-s permanent-e-s.

La loi signifiait qu’Abotair ne pouvait pas participer à son propre mariage ni vivre en Israël. En violation du droit international, cela prive aussi Massarwi du droit, dont jouissent les autres citoyens israéliens, de vivre avec son partenaire dans son pays,  uniquement parce qu’il vient des TPO. Les épouses étrangères accèdent normalement à la citoyenneté après avoir vécu en Israël un minimum de quatre ans. Si elles sont juives, la citoyenneté israélienne leur est immédiatement octroyée. Depuis, la Knesset a renouvelé cette loi discriminatoire chaque année. 

Le résultat est que le couple vit en Allemagne. Leurs deux enfants, Marwan, 12 ans et Mai, 11 ans, sont tous deux citoyens israéliens mais dans l’impossibilité de vivre en Israël avec leur père. Massarwi a passé les premiers mois de leur mariage à rechercher des failles qui leur permettraient de vivre ensemble en Israël près de sa famille. Elle fit la demande d’un permis de visite temporaire pour Abotair sous l’égide d’un amendement de 2005 qui permet aux femmes de plus de 25 ans et aux hommes de plus de 35 ans de faire cette demande mais, près d’une décennie et demi plus tard, elle attend encore la réponse. 

Massarwi a précisé à Human Rights Watch que la loi l’a forcée à « choisir entre mon mari et tout le reste ». Elle a choisi de rester avec Abotair en Allemagne, mais cela veut dire qu’elle doit passer de longues et difficiles périodes loin de sa famille, en particulier de sa mère malade. 

Au moins 30 000 familles de citoyens israéliens, presque tous palestiniens, de même que des milliers de Palestiniens de Jérusalem-Est détenteurs du statut de résident permanent font face à cette situation fâcheuse, selon le centre Mossawa, un groupe dédié aux droits humains en Israël qui défend les droits des Palestiniens. L’amour l’emporte souvent, mais le prix à payer est très élevé. Comme l’a dit Massarwi, « je vis heureuse avec mon mari et mes enfants en Allemagne, mais l’exil n’est pas un luxe, car rien ne vaut son pays ». 

Traduction : SF pour l’Agence Media Palestine

Source : HRW

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