54 patients sont morts en attendant l’autorisation d’Israël de sortir de Gaza

Par Ali Abunimah, le 14 février 2018

Les malades du cancer prennent part à une manifestation en décembre 2016 à Gaza ville pour réclamer qu’on les autorise à se déplacer pour suivre leur traitement. En 2017, 54 patients, dont la majorité étaient des malades du cancer, sont morts à Gaza après qu’Israël a refusé ou différé ces autorisations.
(Mohammed Asad / APA images)

Cinquante-quatre Palestiniens sont morts l’année dernière en attendant les permis israéliens pour quitter la Bande de Gaza pour traitement médical.

L’une d’entre eux était Faten Ahmed, jeune femme de 26 ans atteinte d’une forme rare de cancer. Elle est morte en août alors qu’elle attendait un permis israélien pour aller suivre une chimiothérapie et une radiothérapie qui n’existent pas à Gaza.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, elle avait déjà raté huit rendez-vous à l’hôpital après qu’Israël a refusé ou différé « l’agrément de sécurité ».

Faten Ahmed a été l’une des cinq femmes mortes du cancer durant ce seul mois, en attente d’une autorisation israélienne qui n’est jamais arrivée.

Globalement, 46 de ceux qui sont morts l’année dernière en attente de permis étaient des malades du cancer.

Un nombre choquant de décès

Ce bilan impressionnant souligne l’impact du siège israélien, toujours plus étouffant, sur les deux millions de personnes qui vivent à Gaza.

« Nous voyons Israël refuser ou différer de plus en plus l’accès à des traitements potentiellement salvateurs contre le cancer et autres maladies hors de Gaza avec, pour conséquence, un nombre effroyablement haut de patients qui meurent, tandis que le système de santé de Gaza – soumis à cinquante ans d’occupation et dix ans de blocus – est de moins en moins à même de faire face aux besoins de sa population », a dit mardi Aimee Shalan, PDG de l’Aide Médicale pour les Palestiniens.

Sa fondation, avec Amnesty International, Human Rights Watch, le Centre Al Mezan pour les Droits de l’Homme et Médecins pour les Droits de l’Homme Israël, a envoyé un appel urgent à Israël pour qu’il « lève les considérables restrictions illégales sur la liberté de circulation de la population de Gaza, et plus particulièrement sur ceux qui ont de sérieux problèmes de santé ».

En 2017, les autorités d’occupation israéliennes n’ont satisfait qu’à 54 % des demandes de permis pour sortir de Gaza pour des rendez-vous médicaux, taux le plus bas depuis que l’Organisation Mondiale de la Santé a commencé à collecter les données en 2008.

Israël a dramatiquement resserré l’étranglement meurtrier ; son taux de délivrance de permis est tombé de 91 % en 2012 à 82 % en 2014, puis 62 % en 2016, avant d’atteindre son taux le plus bas l’année dernière.

Les associations de santé et de défense des droits de l’Homme font remarquer que l’ONU et le Comité International de la Croix Rouge ont déclaré que le blocus par terre, par mer et par air sur Gaza, qui empêche sa population de circuler, est une « punition collective » – un crime de guerre.

« Les Palestiniens de Gaza ont raté au moins 11.000 rendez-vous médicaux programmés en 2017 après que les autorités israéliennes ont refusé ou n’ont pas répondu à temps aux demandes de permis », déclarent ces associations.

L’Egypte et l’Autorité Palestinienne complices

Les associations font également remarquer que l’Egypte et l’Autorité Palestinienne basée à Ramallah ont joué un rôle dans la dégradation de la situation : « L’Egypte a gardé le passage de Rafah presque toujours fermé en 2013 pour la population de Gaza, ce qui a contribué à restreindre l’accès aux soins de santé. »

« En tant qu’Etat voisin d’un territoire qui subit une crise humanitaire prolongée, l’Egypte devrait faciliter l’accès humanitaire pour cette population », ont-elles déclaré. « Néanmoins, la responsabilité ultime demeure dans les mains d’Israël, puissance occupante. »

L’Autorité Palestinienne a aussi sérieusement réduit ses autorisations financières pour les traitements médicaux hors de Gaza dans le cadre de ses sanctions qui visent à obliger le Hamas à transmettre le contrôle sur la gouvernance de Gaza.

Ces restrictions de l’AP ont causé au moins un décès, selon les associations. Mais les autorités médicales de Gaza ont dit que plus d’une douzaine de personnes, dont une petite fille de 3 ans souffrant d’un problème cardiaque, sont mortes en attendant l’autorisation de paiement par Ramallah.

Tout ceci se passe en pleine crise induite par le siège continu qui a provoqué l’effondrement de parties essentielles du système de santé.

« Avec la pauvreté et le chômage largement généralisés, au moins 10 % des jeunes enfants souffrent de retards dus à une malnutrition chronique, jusqu’à la moitié de tous les médicaments et articles médicaux à Gaza sont complètement épuisés ou le seront dans moins d’un mois, et les coupures chroniques d’électricité ont amené les fonctionnaires à couper dans les services de santé ou autres services essentiels », ont déclaré les associations médicales et de défense des droits.

Mettre fin au siège

Au début du mois, les hôpitaux de Gaza ont commencé à fermer parce que les groupes électrogènes de secours n’étaient plus alimentés en fuel, obligeant le report de centaines d’opérations.

Mercredi, RT a envoyé de Gaza ce rapport sur la condition des malades du cancer. La correspondante Anya Parampil a parlé à Zakia dont le mari est mort après avoir été maintes fois empêché d’aller à Jérusalem pour une opération chirurgicale.

La chaîne a également diffusé un rapport sur l’aggravation de la situation dans les hôpitaux du territoire.

A la suite des mises en garde de l’ONU sur l’imminence d’une catastrophe, le Qatar et les Emirats Arabes Unis ont engagé la semaine dernière, 11 millions $ de financement à court terme pour prévenir une catastrophe encore pire dans les quelques mois à venir.

Cependant, comme le font remarquer les associations de défense des droits de l’Homme, il n’y a pas d’autre solution à long terme que de mettre fin au siège.

« Les restrictions imposées par le gouvernement israélien sur la circulation sont directement liées à la mort des patients et aux souffrances qui en découlent, alors que les malades cherchent un permis », a dit Issam Younis, directeur d’Al Mezan.

« Ces pratiques constituent une partie du régime d’enfermement et de permis qui empêche les malades de vivre dans la dignité et viole le droit à la vie. »

L’Aide Médicale pour les Palestiniens basée au Royaume-Uni appelle le public à contacter les législateurs du parlement britannique et à « leur demander d’exhorter le gouvernement britannique à intervenir pour sauver des vies à Gaza ».

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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