L’ONU tait les noms des entreprises qui tirent profit des colonies israéliennes

Par Ali Abunimah, 31 Janvier 2018 

La presse israélienne affirme qu’une liste de l’ONU de sociétés impliquées dans les colonies israéliennes n’a pas été divulguée à cause de pressions subies par les Etats-Unis et Israël, mais le Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’homme affirme que les noms de ces entreprises vont être publiés. (Mahfouz Abu Turk/images APA)

Le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme n’a pas divulgué la liste des entreprises impliquées dans les colonies illégales d’Israël en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem Est et les Plateaux du Golan syrien. 

Barak Ravid, correspondant diplomatique pour Channel 10 en Israël, rapporte que l’ONU a reporté “pour une durée indéterminée” la publication de cette liste de sociétés “après avoir subi de fortes pressions” de la part des Etats-Unis et d’Israël.

Mais le bureau du Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a déclaré dans un rapport publié mercredi qu’il “prévoit de fournir les noms des entreprises… dans une mise à jour ultérieure.”

Le rapport du Haut-commissariat, dirigé par Zeid Ra’ad Al Hussein, explique que les chercheur.se.s de l’ONU ont dressé une liste de 206 entreprises “sujettes à de plus amples recherches et examens” dus à leurs activités dans les colonies.

Le rapport explique que la majorité de ces entreprises sont “domiciliées en Israël ou dans les colonies, ensuite viennent les Etats-Unis d’Amérique, l’Allemagne, les Pays Bas et la France.”

L’ONU déclare avoir écrit aux gouvernements des 21 pays d’origine des entreprises de sa liste et que 15 d’entre eux soutiennent l’ONU dans sa démarche de contacter les entreprises directement au sujet de leurs activités.

L’ONU dit avoir contacté plus de 60 entreprises mais qu’à cause de contraintes de temps et de ressources elle n’a pas encore pu écrire aux autres dans le cadre de ce qu’elle décrit comme un processus visant à déterminer la nature et l’importance des activités des entreprises.  

Auparavant, des articles dans la presse avaient identifié que la liste de l’ONU incluait des marques internationales célèbres comme Coca-Cola, HP, Motorola et Remax, ainsi que des dizaines d’entreprises israéliennes, y compris des banques importantes. 

Un “rôle clé” dans les violations

L’article affirme qu’ “avant que les décisions concernant ces entreprises ne soient rendues publiques, [le Haut-commissariat aux droits de l’homme] devra mettre au courant les entreprises concernées.”

D’après l’article, “les sociétés jouent un rôle clé permettant le développement de l’entreprise coloniale en générale, contribuant à la confiscation par Israël du territoire et au transfert de ses populations via le développement commercial.”

Le Haut-commissariat a déclaré que son mandat, donné par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, à constituer une base de données “ne s’applique pas aux entreprises qui fournissent aux Forces de Défense Israéliennes des armes ou autres équipements utilisés lors d’opérations militaires, il ne concerne pas non plus les entreprises impliquées dans le contrôle de l’accès de et vers Gaza.”

Fausses excuses

L’un des principaux arguments utilisés par les entreprises pour justifier leurs activités dans les colonies est qu’elles “fournissent des emplois aux familles palestiniennes et aident à soutenir l’économie palestinienne,” explique l’article.

Mais le Haut Commissariat aux droits de l’homme réfute cela, observant que “cet argument ne reconnait pas que la présence des colonies en territoire palestinien occupé, qui est illégale, affecte négativement l’économie palestinienne et réduit les opportunités de développement des entreprises palestiniennes.”

Se référant aux principes directeurs des nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, l’article réfute également d’autres arguments utilisés par les entreprises afin de justifier leurs activités.  

Le rapport pousse les pays d’origine des entreprises à agir. “Etant donné l’implication directe d’Israël dans l’établissement, le maintien et le développement des colonies,” le Haut Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme déclare qu’il “considère que le rôle des pays d’origine des entreprises transnationales est essentiel pour aider à la fois les entreprises et Israël à s’assurer que les entreprises ne sont pas impliquées dans des violations des droits de l’homme.”

Il est un consensus de plus en plus répandu parmi les défenseurs des droits humains et des juristes que toute activité dans les colonies est incompatible avec le respect des droits humains et que cela constitue une violation du droit international.

Amnesty International a déclaré que tous les états “doivent interdire les produits des colonies israéliennes afin d’aider à mettre fin à un demi siècle de violations contre les Palestiniens.”

Human Rights Watch a appelé les entreprises à mettre fin à toutes leurs activités dans ou avec les colonies israéliennes.  

Les entreprises des colonies contribuent inévitablement à la politique israélienne de dépossession et de violente discrimination envers les Palestiniens, tout en profitant du vol par Israël des terres et des ressources palestiniennes,” a déclaré Arvind Ganesan de Human Rights Watch.

Pressions

Que la décision de l’ONU de taire les noms des entreprises soit simplement due à un retard technique ou à un recul politique, il ne fait aucun doute sur le fait que le Haut Commissariat aux droits de l’homme a subit de fortes pressions pour qu’il ne publie jamais la liste.

On ne sait pas bien ce qu’il va se passer ensuite ; le travail était jusque là mené sous la direction de Zeid Ra’ad Al Hussein, mais l’actuel haut-commissaire a annoncé qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat lorsque celui-ci se terminera en Septembre. 

Cette date devrait donc être considérée en pratique comme date limite pour que la liste soit publiée. 

Le retrait l’année dernière du rapport emblématique sur l’apartheid israélien est un bon exemple sur comment l’ONU s’incline devant les pressions politiques.

La liste devait à l’origine être publiée en décembre, mais quand des articles ont émergé en novembre disant que la publication serait reportée, Human Rights Watch s’inquiéta assez pour réitérer le besoin de rendre cette liste publique.

Human Rights Watch salua le rapport intermédiaire de mercredi malgré l’absence de noms, mais insista sur le fait que la mission devait être menée à bien.  

 » Le rapport d’aujourd’hui montre le progrès fait pour identifier et communiquer avec les entreprises qui participent à de grave violations des droits dans les colonies israéliennes en Cisjordanie. L’ONU doit poursuivre ce travail de conseil auprès des entreprises sur leurs responsabilités concernant les droits de l’homme et publier les noms de celles qui continuent d’opérer dans les colonies. » 

Le rapport d’aujourd’hui montre le progrès fait pour identifier et communiquer avec les entreprises qui participent à de graves violations des droits dans les colonies israéliennes en Cisjordanie,” déclare Sari Bashi, le directeur de plaidoyer pour la Palestine de l’association. “L’ONU devrait poursuivre ce travail de conseil auprès des entreprises sur leurs responsabilités concernant les droits de l’homme et publier les noms de celles qui continuent d’opérer dans les colonies.”

Des dizaines d’organisations des droits palestiniens et de la société civile en appelèrent la semaine dernière à l’ONU pour qu’elle “s’assure que la liste soit publiée dans les temps ainsi qu’une actualisation annuelle,” qu’elles disent être “un outil important pour mettre fin à la complicité des entreprises dans l’occupation israélienne prolongée.”

Omar Barghouti, un cofondateur de BDS (boycott, désinvestissement et sanctions), mouvement pour les droits des Palestiniens, avait précédemment salué la liste comme “première étape concrète et pratique [de l’ONU] pour s’assurer qu’Israël soit tenu responsable de ses violations continues des droits des Palestiniens.”

Traduction: Lauriane G. pour l’Agence Média Palestine  

Source: Electronic Intifada

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