Les vedettes du documentaire palestinien nominé aux Oscars emprisonnées par Israël

 

Par Asa Winstanley, 24 décembre 2017

Un des refrains les plus fastidieux des libéraux dans les rares occasions où ils parlent de la Palestine est «  Où est le Gandhi palestinien ? ».

Cet argument ennuyeux est périodiquement déterré par quelque je-sais-tout sans la moindre idée de quoi il parle, mais qui semble croire que c’est une pensée originale.

Je pense que je l’ai rencontré pour la première fois en 2001 dans le livre de Michael Moore « Stupid White Men » (Stupides hommes blancs). Bien que le livre soit amusant à bien des égards, le chapitre dans lequel il sermonne les Palestiniens sur les raisons pour lesquelles ils ne sont pas encore libres est, au mieux, embarrassant.

Il écrit que les Palestiniens devraient arrêter d’utiliser la résistance armée et qu’ils devraient adopter à la place la tactique de Gandhi —s’allonger devant les tanks israéliens et ainsi de suite. Il dit quelque chose du type : «  beaucoup d’entre vous mourront mais le monde sera de votre côté ».

Malheureusement ce genre d’argument de poubelle n’est que trop commun, particulièrement aux USA. Même en laissant de côté la pure grossièreté d’un riche Américain blanc sermonnant les Palestiniens sur la bonne façon de résister, c’est aussi de la pure ignorance historique.

L’argument est toujours offert comme si les Palestiniens n’avaient jamais essayé la résistance non-violente, et il est avancé comme une idée censée être neuve.

En réalité, les Palestiniens utilisent constamment la protestation non-armée et non-violente contre Israël. Les formes non-violentes de résistance palestinienne sont vieilles comme le sionisme lui-même. Il ne pourrait en être autrement — même si elle reçoit le soutien du sentiment populaire (comme c’est le cas en Palestine), la résistance armée est par définition l’action d’une avant-garde minoritaire.

Le soulèvement palestinien de 1936 contre l’occupation britannique et le colonialisme sioniste, par exemple, a commencé comme une grève générale. C’est seulement plus tard qu’il s’est développé en insurrection et guérilla armées, en réponse à la brutalité des Britanniques et de leurs alliés dans le mouvement sioniste.

Même après que la majorité de la population palestinienne fut expulsée par les milices sionistes en 1948, les premiers actes de résistance au lendemain de cette Nakba étaient des actes de défi, simples et spontanés — et ils étaient entièrement pacifiques.

C’étaient ceux de nombreux villageois palestiniens chassés par des voyous israéliens armés, ce qui avait fait d’eux des réfugiés. Beaucoup de fermiers revinrent après que les tirs se furent calmés et retraversèrent les lignes de cessez-le-feu pour s’occuper de leurs fermes, de leurs arbres fruitiers et de leurs vergers. Pour revenir.

Ces lieux étaient occupés par des soldats de la nouvelle armée israélienne, qui ont abattu à vue ces prétendus « infiltrateurs ». L’assassinat de civils palestiniens est aussi vieux que le sionisme, lui aussi.

Dans ces actes brutaux étaient semées les graines de l’établissement des premiers groupes de résistance armée palestiniens après 1948, comme le Fatah.

La triste réalité de la couverture de la Palestine par les médias occidentaux est qu’ils y prêtent rarement beaucoup d’attention sauf s’il y a de violentes représailles par des Palestiniens. La violence institutionnelle israélienne de l’occupation, plus grande, récurrente, fréquente, systématique, reçoit bien moins d’attention.

À cause de cela, la résistance palestinienne non armée tend à être à peu près ignorée. Il y a des exceptions à cette règle générale, comme pendant la Première Intifada, quand ce soulèvement populaire palestinien fit une brève percée médiatique — surtout grâce à la pure brutalité de la réponse israélienne au mouvement de protestation.

Mais il y a eu d’autres exceptions au cours des années. Le village de Bil’in en Cisjordanie, par exemple, a pendant des années organisé des manifestations hebdomadaires contre le mur d’apartheid israélien et les colonies, qui tous deux annexent des terres du village.

Vue du camp de réfugiés palestiniens derrière le mur d’apartheid d’Israël à Jérusalem-Est le 3 décembre 2014 [Muammar Awad/Apaimages]

Un réalisateur de ce village a fait, avec un ami israélien, le film « 5 Broken Cameras (5 caméras brisées) », racontant l’histoire du village. Le documentaire était si convaincant qu’il a été nominé aux Oscars, et plus tard a gagné un Emmy Award.

Mais au cours des derniers mois, Israël a arrêté et emprisonné plusieurs des personnes figurant dans ce film.

L’enseignant Abdallah Abu Rahma, chef du mouvement de protestation, a été enlevé par les forces israéliennes au milieu de la nuit, puis emprisonné sans procès civil pendant près d’un mois. Ce n’est que la dernière arrestation d’Abdallah. Les charges retenues contre lui dans le système judiciaire bidon d’Israël ont inclus celle d’« organiser et participer à une manifestation illégale » et celle de « provocation ».

La justice militaire d’Israël en Cisjordanie est une mascarade de justice, et est raciste de manière inhérente. Les colons juifs qui vivent aussi en Cisjordanie —les rares fois où ils sont inculpés— sont soumis au système juridique civil, séparé et inégalitaire, d’Israël.

Si Abdallah a maintenant été relâché, d’autres personnes du village restent emprisonnées.

Parmi elles se trouve Ashraf Abu Rahma, un Palestinien de gauche qui a été capturé par les troupes israéliennes à la fin d’octobre. Le Mouvement de solidarité internationale lève des fonds pour aider à sa libération. Le groupe explique qu’Ashraf a été capturé « alors qu’il faisait visiter à des militants solidaires français les terres que son village de Bil’in a récupérées de la proche colonie israélienne de Modi’in Elite grâce à leurs originales manifestations populaires ».

Au cours des années, Ashraf a été arrêté de nombreuses fois par les Israéliens pour sa résistance non-violente. Son frère et sa soeur ont été tous deux assassinés par des soldats israéliens au cours de manifestations contre leur occupation du village.

En 2008, le traitement d’Ashraf aux mains des voyous de l’armée israélienne a brièvement capté un peu d’attention des médias. Pendant une manifestation à un village voisin, ils l’ont enchaîné et bâillonné. Alors qu’il était ainsi neutralisé et ne posait aucune menace d’aucune sorte, les lâches soldats israéliens lui ont sadiquement tiré dans le pied avec une balle en acier enrobée de caoutchouc. Mais il s’est remis et a continué à participer à la résistance non armée.

Libérez Ashraf Abu Rahma et tous les prisonniers politiques palestiniens !

Traduction: Catherine G. pour l’Agence Média Palestine  

Source: Middle East Monitor

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