Les forces israéliennes visent des écoles et des enseignants palestiniens à Jérusalem Est et à Hebron

Par Sheren Khalel, 8 novembre 2017

Élèves palestiniennes dans leur salle de classe dans le village d’al-Samou, au sud de la ville de Hebron en Cisjordanie, 25 octobre 2016. (Photo: Wisam Hashlamoun/ APA Images)

 

Les forces de police israéliennes sont entrées dans l’école Zahwat al-Quds de Jérusalem Est occupée et ont arrêté le directeur de l’école ainsi que trois professeurs devant les élèves, avant de fermer l’école et de donner l’ordre aux parents de trouver une autre école pour leurs enfants, selon l’agence de presse palestinienne officielle, Wafa.

Ces faits se sont produits à Jérusalem Est le lendemain de l’arrestation de plusieurs enseignants qui étaient en chemin vers l’école, par les forces israéliennes dans les collines au sud d’Hebron, en présence de leurs élèves.

Mondoweiss s’est adressé à la fois à l’armée israélienne à propos des incidents de Hebron et au porte parole de la police israélienne, Micky Rosenfeld, à propos de l’incident de Jérusalem, mais aucun n’a voulu faire de commentaires immédiatement.

Les raisons de la fermeture de l’école de Jérusalem Est ne sont pas claires, mais mardi, les parents, les enseignants et les élèves ont organisé une manifestation devant l’école et ont exigé qu’elle soit rouverte.

Tandis que l’école de Jérusalem Est a été initialement enregistrée et autorisée par les autorités israéliennes, le permis a été révoqué l’an dernier, vu que l’administration de l’école refusait d’appliquer le cursus israélien, lequel par exemple interdit d’enseigner la Nakba de 1948 aux élèves. La dépêche de Wafa disait que la municipalité israélienne de Jérusalem Ouest « avait depuis longtemps recours à des incitations financière et à la coercition » pour « imposer le cursus israélien aux écoles palestiniennes de Jérusalem Est » ; les administrations ont rejeté cette obligation, ce qui a conduit Israël à refuser la reconnaissance officielle à ces écoles.

L’école a en revanche été administrée avec un permis d’exercer émis par le Département du Waqf islamique, une autorité jordanienne qui contrôle principalement les sites religieux musulmans de Jérusalem Est mais administre aussi les écoles d’environ un quart des élèves de Jérusalem Est.

Cette école est l’une des nombreuses institutions scolaires palestiniennes qui se trouvent dans cette situation ; pourquoi l’école Zahwat al-Quds a-t-elle été spécialement visée ? On ne le sait toujours pas.

 

Les effets Physiologiques de la violence

Un travailleur social local de Cisjordanie, qui travaille avec des enfants traumatisés par les forces israéliennes, a parlé à Mondoweiss de ce ciblage récent d’enseignants, mais il a demandé à garder l’anonymat pour sa propre sécurité et celle de ses élèves.

Le travailleur social a dit qu’il était alerté par les nouvelles de fermetures d’écoles mais qu’il était surtout préoccupé de la façon dont ces événements affecteraient les élèves et leur santé psychique.

Il a expliqué que les enfants palestiniens en particulier éprouvent un fort besoin « d’espaces sûrs ». Étant donné que les maisons et les quartiers des Palestiniens sont l’objet de fréquentes attaques, les écoles sont généralement un des seuls endroits où les enfants se sentent en sécurité, dit-il.

Arrêter des enseignants devant leurs élèves est aussi préoccupant, a-t-il expliqué, parce que les enseignants sont vus comme «  de bons modèles ». Si l’on tient compte que 40% de la population masculine de Cisjordanie a passé du temps dans les prisons israéliennes, les enfants palestiniens sont tout à fait au courant que leurs parents et d’autres membres de la famille, les hommes en particulier,  sont facilement en danger d’arrestation, mais les enseignants sont souvent vus par les enfants comme un élément de stabilité dans leur vie.

« Quand nous parlons aux enfants d’espaces sécurisés, les enfants citent toujours l’école et la classe comme espace sécurisé pour eux, alors imaginez que ces enfants, tellement ennuyés dans leur vie quotidienne et confrontés à ces grandes frayeurs, voient que le seul endroit qu’ils pensaient sûr est attaqué » dit-il. « Alors on en arrive à une situation où ils ont peur tout le temps, ils n’ont pas de sentiment de sécurité, au contraire ils se sentent tout le temps en danger ».

À cause du tabou sur la santé mentale dans tout le Moyen Orient et de la normalisation de la violence après des décennies d’occupation, les enfants palestiniens peuvent ne pas avoir de façon saine d’exprimer leurs craintes chez eux. Les écoles sont d’habitude vigilantes sur des symptômes plus graves de traumatisme, mais faute de sentir que l’environnement est sécurisant, ils sont moins enclins à l’ouverture, a-t-il expliqué.

« Les enfants devraient pouvoir ressentir que leurs familles peuvent les protéger – en particulier les parents devraient être une source d’énergie et de sécurité, mais ce n’est pas le cas, parce que les enfants voient, entendent et comprennent que leurs parents sont sans pouvoir face à la possibilité d’être arrêtés et que maintenant les professeurs et l’école ne peuvent pas les sauver non plus – voilà ce qu’ils vont ressentir » dit-il. « Je ne pense pas me tromper en disant que les enfants qui ont fait l’expérience de voir leurs professeurs emmenés par les soldats ou la police, par dessus tout le reste, pourraient vraiment commencer à développer des symptômes de troubles de stress post traumatique ».

« Les enfants ont une imagination merveilleuse, et ces images de violence ne s’en vont pas, elles ressortent en cauchemars, dans des réactions extrêmes à des faits mineurs, dans des problèmes généraux de comportement et d’attitude, d’agressivité, de peur permanente, des choses comme ça » dit-il.

Même dans le cas peu probable où l’un des élèves n’aurait pas déjà été confronté à la violence de l’occupation, ils restent vulnérables, a expliqué le travailleur social.

« Disons que ces incidents à l’école étaient les premières pressions psychologiques auxquelles ils ont eu affaire, mais que cela ne veut pas dire qu’ils puissent les gérer. Cela peut toujours affecter leur équilibre, mais pour être honnête, il est plus que probable que ce n’ait pas été leur première expérience de la violence. Les enfants palestiniens voient constamment ce genre de choses dans leur société, avec les invasions, les attaques de nuit etc., mais pas vraiment à l’école. Il suffit d’une fois où ils voient leur professeur arrêté et la police fermer l’école pour qu’ils subissent un grand choc qui aura des effets durables.

Traduction : SF pour l’Agence Media Palestine

Source : Mondoweiss

Retour haut de page