Les 13 questions sur la vie en Palestine que les non-Palestiniens me posent toujours

Par Inès Abdel Razek, le 11 octobre 2017

Bethléem, Cisjordanie

Je suis Palestinienne du côté paternel de ma famille et ce mois-ci j’ai déménagé en Palestine. J’ai été élevée en France, j’ai travaillé dans des organisations internationales en Europe, puis en Afrique de l’Est, et j’ai aussi vécu en Amérique du Sud. Beaucoup de mes collègues, amis et relations n’ont aucun lien à la Terre sainte. Mais ils s’y intéressent et fantasment aussi dessus. C’est pourquoi, au cours de nombreuses discussions amicales avec des proches qui voulaient savoir pourquoi je déménageais là-bas, ce que cela signifiait, comment ce serait, je me suis retrouvée en train de répondre aux mêmes questions, encore et encore, des questions suscitées par une curiosité sincère et authentique.

Je ne m’étais pas vraiment attendue à ce que tant de ces questions soient récurrentes. Parce qu’elles pourraient être vues comme élémentaires par certains d’entre nous, Palestiniens, et par les personnes qui suivent la situation sur le terrain, elles m’ont fait comprendre à quel point la plupart des gens (des citoyens éduqués, cultivés, d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Amérique latine et d’Afrique) ne sont pas bien informés sur ce que cela signifie d’être Palestinien, en relation à notre pays (i.e. territoire), la Palestine.

Par Palestine, j’entends les territoires palestiniens occupés (Tpo), y compris la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est. (voir la carte interactive ci-dessous pour localiser les territoires, les colonies, les barrages, etc.)

(Carte: Nations Unies)

Pendant ces conversations, j’aurais aimé disposer d’une brochure simple à tendre à mes interlocuteurs et qui donnerait les réponses que je finissais par répéter consciencieusement.

C’est de là que l’idée de ce FAQ a émergé. 

Malgré plusieurs décennies d’un conflit bien couvert par les médias, ce genre d’informations simples et claires sur la réalité quotidienne des Palestiniens vivant et voyageant en Palestine est enterré et fragmenté dans de nombreux sites web, articles, photos et projets, créant des perceptions et des mythes qui ne correspondent pas à la réalité. 

Ceci n’est pas une tentative, une de plus, pour expliquer l’ensemble du conflit israélo-palestinien en dix points (même si on m’a demandé des milliards de fois entre deux bouchées de fromage « alors que pensez-vous du conflit ? » avec l’espoir d’une réponse facile en une minute), parce que cela aboutirait à un certain degré de démagogie et de sur-simplification.

Ceci n’est pas non plus un guide de voyage. Je suis consciente que nous manquons d’un bon guide de voyage généraliste avec toutes les informations « pratiques » dont les étrangers ont besoin quand ils viennent en visite (voir la question ci-dessous sur le tourisme). J’ai aussi inclus des liens à d’autres références et d’autres informations, au cas où les lecteurs et lectrices voudraient creuser. J’espère que les gens viendront [en Palestine] vérifier les choses par eux-mêmes pour mieux comprendre.

Voici les questions:

Q: Alors, où est la Palestine exactement ?

La Palestine, connue également sous le nom de Territoires palestiniens occupés (Tpo), inclut la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est.

(voir la carte interactive générale).

Selon les termes établis par les Accords d’Oslo (autrement dit, les accords de paix de 1993), la Cisjordanie a été divisée en trois zones : la zone A, qui est contrôlée civilement et du point de vue de la sécurité par l’Autorité palestinienne (18%); la zone B, qui est contrôlée civilement par l’Autorité palestinienne et militairement par Israël (21%); et la zone C, complètement contrôlée par Israël (61%). 

Q : Est-ce qu’il y a un aéroport en Palestine? Où atterrit-on ?

Non, il n’ y a pas d’aéroport palestinien. La Palestine est sous occupation militaire israélienne, ce qui signifie qu’elle ne contrôle aucune de ses frontières, ni son espace aérien. Donc on doit passer par une frontière, des services d’immigration et de sécurité contrôlées par Israël pour se rendre n’importe où en Palestine. On peut atterrir soit en Israël, soit en Jordanie, selon ses papiers d’identité (cf. ci-dessous). Les deux options principales pour arriver sont : atterrir à Tel-Aviv (Aéroport international Ben-Gourion) en Israël – l’option la plus simple si on en a le droit (la plupart de ceux qui possèdent un passeport étranger l’ont, la plupart de ceux qui possèdent des papiers palestiniens ne l’ont pas, voir ci-dessous) – ou à Amman (Aéroport international Reine-Alia) en Jordanie. La frontière entre la Jordanie et la Cisjordanie est située à environ 72 km de l’aéroport d’Amman et on doit la franchir par voie routière, en changeant de véhicule à la frontière. C’est aussi contrôlé par Israël. 

Q : Pourquoi a-t-on besoin d’un visa d’Israël si on est Palestinien et qu’on va vivre en Cisjordanie ? Est-ce qu’on n’a pas la nationalité palestinienne ? 

Pour la plupart des gens dans le monde, voyager ou résider dans son pays sont des concepts assez simples et on tombe dans l’une des catégories suivantes :

On a un pays, une patrie dont on détient un passeport, et on peut décider d’y rester, d’y vivre, d’y travailler ou d’en émigrer. C’est votre pays, là où vous n’êtes ni émigrant ou expatrié, ni touriste. 

Même si on est un réfugié fuyant la guerre ou un émigrant, on fait encore partie de sa patrie reconnue dans une situation désastreuse (la Syrie, le Soudan du Sud, l’Afghanistan et beaucoup d’autres pays). Par exemple, les Syriens restent des Syriens, avec une patrie désignée et reconnue comme étant la Syrie.

Quand on en vient à Israël et à la Palestine, si on est israélien, ou juif de n’importe quelle nationalité, la même chose s’applique : on a le droit de venir en Israël, de le visiter ou d’y vivre librement. Si on est de confession juive et non-israélien, on peut visiter avec un visa de touriste normal, mais en plus, selon la « loi de retour » israélienne, on a le droit d’acquérir la nationalité israélienne et le gouvernement vous soutiendra sur le plan logistique et financier si vous décidez d’emménager en Israël. Ceci s’appelle l’Aliyah. La seule zone où les Israéliens ne sont pas autorisés en Palestine est la zone A de la Cisjordanie. 

La situation est en revanche très différente pour les Palestiniens. La Palestine est un territoire occupé et en tant que tel, Israël contrôle toutes les frontières (ainsi que de nombreuses autres choses) et les Palestiniens n’ont pas les mêmes droits de base que les Israéliens. Pour entrer en Cisjordanie, à Gaza ou à Jérusalem-Est, on doit passer par une frontière administrée par Israël, par les services d’immigration et la sécurité nationale israéliens.

En tant que Palestinien, votre droit d’entrer, de visiter ou de travailler en Cisjordanie, à Gaza ou à Jérusalem dépend de votre statut (où vous êtes né, ou vous vivez).

Voici un résumé des différents statuts possibles et des droits correspondant en tant que Palestinien, à l’intérieur et internationalement. (Personnellement, j’ai le statut #6).

#1 Vous êtes de Cisjordanie

PAPIERS :

Vous avez une carte d’identité (verte) et un numéro d’identité, enregistrés par le gouvernement israélien. Vous avez un « document pour voyager » contrôlé par les autorités israéliennes (voir plus d’information ci-dessous) pour voyager à l’étranger (au lieu d’un passeport). Quelques résidents de Cisjordanie et de Jérusalem détiennent un passeport jordanien émis spécifiquement pour les Palestiniens (i.e. sans numéro national jordanien).

VOYAGES :

• Cisjordanie et Gaza : vous avez le droit de vivre et de travailler en Cisjordanie dans la zone sous contrôle civil de l’Autorité palestinienne (environ 39% de la Cisjordanie). Pour aller à Gaza, vous avez besoin d’un permis spécial d’Israël et peu sont accordés. Vous aurez besoin d’une justification familiale (un parent proche à Gaza) ou professionnelle (si vous travaillez dans une organisation humanitaire ou internationale).

Jérusalem et Israël : voyager à Jérusalem, en Israël ou à l’étranger nécessite un permis/une autorisation des autorités israéliennes — avec une justification (santé, famille, fêtes religieuses). Normalement, c’est seulement un permis pour la journée et vous n’êtes pas autorisé à y passer la nuit. Vous pouvez aussi obtenir un permis spécial d’Israël pour être employé par une compagnie israélienne, avec des critères restreints et en traversant des checkpoints à pied chaque jour pour travailler en Israël. La traversée du checkpoint et le passage à pied entre la Cisjordanie et Israël peuvent vous prendre entre 30mn et 3 heures selon le jour et l’affluence, parfois dans des conditions très difficiles.

FRONTIERE :

Vous ne pouvez voyager qu’à travers la frontière jordanienne (pont Allenby-Roi Hussein) et prendre l’avion à Amman. Vous ne pouvez pas voyager via l’aéroport international d’Israël sauf si vous avez un permis spécial. Le trajet par route à l’aéroport d’Amman vous prendra entre 3 et 12 heures selon le délai au checkpoint. Il y a aussi l’obstacle des coûts de transport et de droits d’entrée et de sortie qui sont élevés pour les Palestiniens (jusqu’à 200 $).

#2 Vous êtes un Palestinien « de 1948 » vivant en Israël

PAPIERS :

Vous disposez d’un passeport et d’une carte d’identité israéliens.

Votre famille a réussi à rester à l’intérieur d’Israël après la guerre de 1948 et vous êtes devenu citoyen israélien dans le nouvel état. 

VOYAGES :

Cisjordanie et Israël: Vous avez le droit de vivre et de travailler en Israël. Bien que ce ne soit pas autorisé par Israël, il est de facto accepté que vous puissiez travailler en Cisjordanie si vous préférez.

Gaza :

Vous ne pouvez pas aller à Gaza.

FRONTIERE :

Vous pouvez utiliser l’aéroport de Tel-Aviv ou traverser n’importe quelle frontière jordanienne et vous déplacer librement entre Israël, Jérusalem et la Cisjordanie.

#3 Vous êtes un Palestinien de Jérusalem

PAPIERS :

Vous détenez un « document de voyage » spécifique de résident de Jérusalem contrôlé par Israël (voire plus d’informations ci-dessous) pour voyager à l’étranger (au lieu d’un passeport). Quelques résidents de Cisjordanie et de Jérusalem détiennent un passeport jordanien émis spécifiquement pour les Palestiniens (i.e. sans numéro national jordanien).

VOYAGES :

Jérusalem et Israël :

Vous avez le droit de vivre et de travailler à Jérusalem, mais êtes considéré comme un résident permanent, et non un citoyen (une situation analogue à la Green Card aux États-Unis). Si vous vivez hors de Jérusalem (en Cisjordanie ou à l’étranger) pendant plusieurs années, votre document d’identité peut être révoqué, même si vous y êtes né et y avez été élevé. (Plus de 14 500 Palestiniens ont perdu leur droit de résidence depuis 1967). 

Vous avez le droit de visiter Israël et d’y travailler.

Cisjordanie :

Vous pouvez voyager librement en Cisjordanie. Si vous décidez de déménager en Cisjordanie (pour vous marier, ou pour des raisons familiales), vous perdrez votre statut de résident. 

Gaza :

Un permis spécial d’Israël est aussi nécessaire pour visiter Gaza et très peu sont accordés. Vous aurez besoin d’une justification familiale (parents proches à Gaza) ou professionnelle (si vous travaillez dans l’humanitaire ou la coopération internationale).

FRONTIERE : 

Vous pouvez passer soit par Tel-Aviv soit par l’aéroport jordanien. L’aéroport international israélien est situé à une heure en voiture de Jérusalem et deux heures en moyenne de Ramallah (selon la circulation au checkpoint). Le voyage par route à l’aéroport d’Amman vous prendra entre 3 et 12 heures. Il implique aussi des coûts élevés pour les Palestiniens, pour le transport et la traversée de la frontière (autour de 200 $). 

#4 Vous êtes de la Bande de Gaza

PAPIERS :

Vous avez une carte d’identité (orange), et un numéro d’identité enregistré par les Israéliens.

Vous avez un « document de voyage » contrôlé par les autorités israéliennes (plus d’information ci-dessous) pour voyager à l’étranger (au lieu d’un passeport). 

VOYAGES

Gaza est assiégée depuis 2007 , ce qui impose de lourdes restrictions et des obstacles aux déplacements et à la vie en général.

Cisjordanie et Gaza :

Vous avez le droit de vivre et de travailler à l’intérieur de la Bande de Gaza. Pour visiter la Cisjordanie ou y vivre, vous avez besoin d’un permis spécial d’Israël et peu sont accordés. Vous aurez besoin d’une justification personnelle (familiale ou médicale), ou professionnelle.

Jérusalem et Israël :

Voyager à Jérusalem, en Israël ou à l’étranger requiert un permis/une autorisation —avec une justification (santé, famille, fêtes religieuses) — des autorités israéliennes. Sauf pour des raisons de santé, il s’agit normalement d’un permis d’une journée et vous n’êtes pas autorisé à y passer la nuit. Vous pouvez aussi obtenir un permis spécial des autorités israéliennes pour mener des activités professionnelles en Israël, sous critères restreints et en traversant le checkpoint à pied chaque jour pour atteindre le côté israélien.

FRONTIERE :

Si vous détenez un permis de voyage à la fois d’Israël et de Jordanie, vous passez par la frontière jordanienne (Pont Allenby-Roi Hussein) et continuez jusqu’à l’aéroport international de Jordanie à Amman. Si vous obtenez un permis de voyager des Egyptiens, vous pouvez voyager via la frontière sud (Rafah). Mais la frontière est souvent fermée et les déplacements restreints.

#5 Vous êtes un réfugié palestinien dans un camp de réfugiés en territoire palestinien 

PAPIERS :

Vous avez une carte d’identité de réfugiés (administrée par les Nations unies via l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA)) et un « document de voyage » contrôlé par l’administration israélienne pour voyager à l’étranger (au lieu d’un passeport).

VOYAGES :

Cisjordanie ou Gaza :

Vous avez une carte d’identité palestinienne émise dans le territoire où votre camp est situé, soit dans la bande de Gaza soit en Cisjordanie. Vous avez le droit de vivre dans le territoire où votre camp est situé, soit dans la bande de Gaza, soit en Cisjordanie.

 

Israël :

Voyager à Jérusalem, en Israël ou à l’étranger, requiert un permis/une autorisation – avec justification (santé, famille, fêtes religieuses) – de l’administration israélienne. Il s’agit normalement d’un permis d’une journée et vous n’êtes pas autorisé à y passer la nuit. Vous pouvez aussi obtenir un permis spécial de l’administration israélienne pour être employé par une compagnie israélienne, sous critères restreints et en traversant le checkpoint à pied chaque jour pour travailler du côté israélien.

FRONTIERE :

Si vous êtes un réfugié de Cisjordanie, pour travailler à l’étranger vous devez d’abord traverser la frontière jordanienne et ensuite prendre un avion depuis Amman en Jordanie. Si vous êtes un réfugié de Gaza, vous avez besoin d’un permis de voyager à travers la frontière égyptienne (Rafah). Cependant, la frontière est souvent fermée et les déplacements restreints. Vous pouvez aussi demander à la fois à Israël et à la Jordanie un permis pour voyager via Erez en Israël, en Cisjordanie et finalement en Jordanie pour partir de l’aéroport jordanien. Mais très peu de permis sont accordés.

#6 Vous êtes un Palestinien exilé/ vivant à l’étranger et naturalisé avec une autre nationalité, ou vous avez un parent palestinien et détenez une autre nationalité depuis votre naissance via votre autre parent. Cette catégorie s’applique aussi aux touristes étrangers. 

PAPIERS :

Vous détenez un passeport étranger 

VOYAGES :

Israël, Jérusalem et Cisjordanie :

Vous entrez en Israël en tant qu’étranger et n’êtes pas considéré comme Palestinien, et donc on vous accorde un visa de touriste de 3 mois (B2) pendant votre visite. Vous n’êtes autorisé à travailler en Israël, à Jérusalem et en Cisjordanie que si vous obtenez un visa de travail (B1) du ministère israélien de l’Intérieur à la demande de votre employeur (qui doit être israélien ou un employeur international). Ceci est étudié au cas par cas. Dans certains cas (rares et compliqués), si les Israéliens considèrent que vous avez de la famille en Cisjordanie, votre cas peut être examiné en vue d’obtenir une carte d’identité de Cisjordanie (et votre statut devient #1).

Gaza: 

 Vous pouvez seulement entrer à Gaza pour des raisons professionnelles (principalement humanitaires) avec un permis spécial, ou si vous avez de la famille vivant encore à Gaza.

FRONTIERE :

Vous pouvez voyager soit par l’aéroport d’Israël, soit par celui de Jordanie. L’aéroport international israélien est situé à une heure de voiture de Jérusalem et à deux heures en moyenne de Ramallah (selon la circulation au checkpoint).

#7 Vous êtes un réfugié palestinien hors de Palestine

PAPIERS : 

Vous avez une carte d’identité de réfugiés (administrée par les Nations unies via l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA))

VOYAGES : 

Vous êtes apatride et n’avez la citoyenneté dans aucun pays.

Vous avez l’interdiction d’entrer ou de vivre en Israël ou en Palestine. Les réfugiés palestiniens demandent le droit de retour.

Je vous invite aussi à regarder cet excellent infographe

Q: Est-ce que je peux faire du tourisme en Palestine?

La Palestine est une excellente destination pour le tourisme et vaut certainement le voyage ! Une fois que vous avez franchi une frontière contrôlée par Israël, profitez pleinement de tout ce que le pays a à vous offrir (voir table). La Palestine est actuellement la destination touristique à la plus forte croissance en 2017 selon l’Organisation mondiale du tourisme.

S’il n’y a pas encore beaucoup de guides (le seul bon est une édition du Bradt Guide, qui remonte à 2011), vous pouvez commencer par consulter ces sites :

le site officiel du gouvernement pour le tourisme VisitPalestine.

des tuyaux sympas et des récits d’expériences personnelles sur Paltrips et That’s Ramallah baby.

•  de nombreux groupes et agences de voyage responsables organisent des tours et des visites sur mesure, en particulier Diwan, Alternative Tourism Group.

Plus spécialisés dans les randonnées : The Abraham Path, Walking Palestine.

pour réserver votre hébergement, l’excellent Yamsafer est un bon intermédiaire.

Q: N’est-ce pas dangereux là-bas ?

(Cette question est d’habitude précédée par une expression de stupéfaction sur le visage de votre interlocuteur quand vous lui dites que vous y déménagez)

Dans la plupart des endroits de Palestine, la violence est indirecte, verbale et psychologique. En ce qui concerne la violence physique directe, les Palestiniens sont le plus souvent les cibles, pas les touristes. Les tirs réels, les coups de fusil, la violence militaire et les blessures se produisent dans des zones concentrées et limitées. La violence est la plupart du temps liée à l’occupation, c’est-à-dire a lieu entre les forces militaires israéliennes et les opposants palestiniens ou leurs familles. À l’intérieur de la société palestinienne, les crimes violents sont très limités, et même la violence due au conflit.

La violence indirecte prend plusieurs formes : intimidation, restrictions, oppression systématique aux checkpoints, fouilles et entraves physiques, confiscation de terres, contrôle des ressources d’eau, démolitions des maisons, etc.

Votre exposition à la violence directe dépend beaucoup de l’endroit où vous vous trouvez en Palestine et peut arriver dans les circonstances suivantes :

vous êtes un Palestinien vivant dans un village souvent attaqué par l’armée qui fouille les maisons et recherche des personnes qu’elle veut arrêter ;

vous vivez au centre de la cité d’Hébron et êtes confronté à l’intimidation de la part des colons et de l’armée israéliens. 

vous vivez près d’une colonie israélienne en Cisjordanie et risquez d’être attaqué par des colons si vous marchez à proximité.

vous participez à la manifestation du vendredi à Bil’in ou à un autre endroit où sont organisées des manifestations (les violences occasionnelles de l’armée israélienne incluent des gaz lacrymogènes et des tirs réels).

vous participez à des manifestations à des checkpoints ou à Jérusalem, car elles aboutissent souvent à une violente répression des manifestants par la police.

En tant qu’étranger, vous pouvez facilement éviter la violence directe (et même l’ignorer ou ne pas en être conscient) en connaissant les quelques endroits qu’il faut éviter au mauvais moment.

Malgré le caractère anormal de leur situation, les Palestiniens sont résistants et leur vie en ville est souvent analogue à celle de beaucoup de gens dans d’autres pays : aller au travail, conduire, marcher, aller faire les courses, rendre visite à des amis ou de la famille, aller au restaurant et au café, se connecter au wi-fi et utiliser les réseaux sociaux, etc.

Q : Y-a-t-il des endroits à Jérusalem réservés à certaines religions? Ou est-ce qu’on peut tout visiter librement ?

Jérusalem est divisée par ce qu’on appelle usuellement la « Ligne verte » (la ligne de l’armistice de 1949). Jérusalem-Est —qui inclut la vieille ville— est un territoire palestinien occupé et Jérusalem-Ouest est du côté israélien. En pratique, toute la ville est contrôlée et administrée par Israël, et donc il est peu probable que vous remarquiez de quel côté de Jérusalem vous êtes une fois arrivé.

La vieille ville est une concentration de lieux saints pour les trois religions monothéistes, judaïsme, christianisme et Islam.

Le complexe de la mosquée al-Aqsa (incluant la mosquée al-Aqsa et le Dôme du Rocher), connu comme le « Mont du Temple » à ceux de confession juive, est accessible aux touristes non musulmans entre les moments des prières, mais ils ne sont pas autorisés à y prier. En théorie, le Waqf de Jérusalem (Fondation musulmane) contrôle l’entrée au site. En pratique, l’armée israélienne, qui maintient les checkpoints directement situés à tous les points d’accès du complexe, contrôle l’entrée et l’accès.

Les Musulmans (Palestiniens et non-Palestiniens) qui ont un permis pour entrer à Jérusalem (voir ci-dessus) sont autorisés à visiter le complexe et à y prier. Beaucoup de Palestiniens n’obtiennent pas de permis pour entrer à Jérusalem, ni pour prier à al-Aqsa.

Le Mur occidental (connu des Juifs sous le nom de Kotel et des Musulmans sous le nom d’al-Buraq) est accessible aux personnes de toute confession et le site est gardé par du personnel de sécurité et un système de rayons X. L’armée israélienne contrôle l’accès à ce site. 

Les lieux saints chrétiens (l’Église du Saint Sépulcre, etc.) sont accessibles aux visiteurs de toute confession.

Dans les périodes de « paix » relative, les Palestiniens et les Israéliens traversent entre les parties Est et Ouest assez souvent, pour faire des courses, se distraire ou se soigner dans l’une ou l’autre zone. Mais la méfiance existe de fait et généralement les Israéliens et les Palestiniens restent dans leurs zones respectives dans un climat de tension. Par exemple, il n’est pas rare qu’un taxi israélien refuse de vous emmener dans la partie Est de la ville.

Il existe cependant des colons juifs qui se déplacent délibérément au milieu des populations palestiniennes, s’emparant illégalement des maisons appartenant à des Palestiniens dans une tentative pour reprendre la partie Est de la ville comme faisant partie d’Israël.

Q: Est-ce qu’on peut visiter Gaza ? 

Gaza est bordée par Israël et par l’Égypte. Israël a imposé un blocus sur le territoire depuis 2007, restreignant au minimum les déplacements de biens et de personnes (provoquant une grave situation humanitaire, avec un risque d’effondrement total). L’Égypte maintient la frontière fermée la plupart de l’année et des justifications spéciales sont requises pour quitter le territoire (religieuses, familiales, médicales).

Pour entrer ou sortir du territoire assiégé depuis ou vers Israël, vous avez besoin d’une justification professionnelle (travailleur humanitaire, journaliste, diplomate étranger ou personnel des Nations Unies). Israël délivre très peu de permis pour entrer dans Gaza ou en sortir. Pour les Gazaouis, des permis spéciaux sont aussi nécessaires, mais souvent refusés.

La frontière sud de Gaza avec l’Égypte (la frontière de Rafah) est aussi fermée la plupart du temps mais les autorités égyptiennes l’ouvrent dans de rares occasions.

Q: Est-ce ce que les Israéliens peuvent visiter la Palestine?

Les Israéliens, selon les règlements israéliens, ne sont pas autorisés à visiter la « zone A » de la Cisjordanie, qui représente 18% du territoire de Cisjordanie et est la zone entièrement contrôlée par les Palestiniens. La photo ci-dessous montre le panneau à l’entrée de la zone A.

Signes en Cisjordanie avertissant les Israéliens de l’entrée en zone A. (Photo: Bassam Almohor/New York Times)

Les zones B et C sont sous contrôle militaire d’Israël et des colons israéliens vivent et circulent dans ces zones. Israël a construit un système de routes en Cisjordanie pour les Israéliens et beaucoup sont interdites aux Palestiniens. 

Q: Est-ce que la Palestine est sur la côte ?

(Carte : United Nations)

La Bande de Gaza a une côte de 40 km le long de la Méditerranée. Une conséquence du blocus israélien d’une décennie et du pompage excessif d’eau des aquifères souterrains, joints à un mauvais assainissement de la part de l’administration de Gaza et à une crise de l’électricité est que la plage et la mer sont lourdement polluées.

L’entrée dans la bande de Gaza est par ailleurs restreinte (voir ci-dessus).

Une partie de la côte israélienne était peuplée historiquement par des populations autochtones palestiniennes et est composée de villes et de villages palestiniens. Les Palestiniens qui peuvent accéder au territoire israélien (voir ci-dessus) aiment fréquenter ces plages. Elles incluent notamment la côté autour de Jaffa, de Haifa et d’Akka (Acre).

Q: Peut-on voyager facilement entre la Cisjordanie et Israël ? Visiter Jérusalem ?

Merci de vous reporter au résumé ci-dessus pour une réponse selon les différents statuts.

Q: Doit-on porter le voile (islamique) là-bas?

Non, porter le voile reste un choix personnel.

La population palestinienne est majoritairement musulmane et l’Islam est reconnu comme religion officielle, mais il y a une importante communauté chrétienne palestinienne qui est reconnue comme égale devant la loi. La grande majorité des juifs palestiniens sont devenus israéliens après 1948.

Si le système législatif et judiciaire est inspiré par la Shari’a (corpus de lois islamique) pour les questions domestiques, la Constitution palestinienne (Palestinian Basic Law) protège la liberté de croyance, la liberté d’expression, l’égalité devant la loi, la règle de loi et les droits humains. La majeure partie du système judiciaire dans le territoire administré par l’Autorité palestinienne est un mélange de différentes parties des systèmes hérités des périodes de contrôle ottoman, britannique, jordanien et égyptien.

La société est donc laïque et porter le voile n’est pas une obligation. Néanmoins, il s’agit d’une société encore conservatrice, où les gens s’habillent avec modestie et donc les femmes sont supposées porter des vêtements modestes en public (couvrant les épaules et les genoux). En tant que touriste, que vous respectiez les codes culturels, en évitant par exemple les mini-jupes et les décolletés profonds, est apprécié.

Dans Gaza, contrôlé par le Hamas (depuis 2007), le mouvement de l’Islam politique a rendu plus difficile pour les femmes de s’habiller et d’agir librement.

Les femmes étrangères en visite ne sont obligées de porter un voile nulle part (sauf lors de la visite d’une mosquée).

Q: Quel argent et devises utilise-t-on ? Est-ce qu’on se sert de cartes de crédit ?

Les Palestiniens n’ont pas de monnaie propre, car l’occupation et le régime actuel (sous le protocole économique des Accords d’Oslo de 1995 – autrement dit le protocole de Paris) les empêchent d’avoir une banque centrale indépendante et de créer leur monnaie.

L’économie palestinienne utilise le Nouveau Shekel israélien et en dépend, et elle soumise aux fluctuations du marché israélien. La plupart des banques et des commerces négocient également avec des dollars américains et des dinars jordaniens.

Des banques palestiniennes existent et opèrent en Cisjordanie et à Gaza. Les cartes de crédit ou de débit, tout comme les chèques, sont utilisés (surtout dans les restaurants ou pour des boutiques de marque franchisés), mais ils ne sont pas aussi répandus qu’en Europe ou en Amérique du Nord. La plupart des petites boutiques ou des petits restaurants n’accepteront que du liquide.

Q: Quelle langue est utilisée le plus souvent entre Palestiniens ? Et entre Palestiniens et Israéliens à Jérusalem ?

La langue officielle en Palestine est l’arabe. La plupart des gens parlent bien l’anglais, comme seconde langue. La plupart des Palestiniens de Jérusalem et des citoyens palestiniens d’Israël (cas #2) apprennent l’hébreu à l’école. La plupart des Israéliens ne parlent pas arabe puisqu’il n’est pas enseigné à l’école. Israéliens et Palestiniens communiquent donc ordinairement entre eux en hébreu ou en anglais.

À propos d’Inès Abdel Razek

Inès Abdel Razek est conseillère en coopération pour un développement durable, spécialement pour les politiques publiques et la coopération intergouvernementale. Elle a travaillé avec les Nations Unies et d’autres institutions multilatérales et est actuellement basée à Ramallah. Inès est aussi analyste politique à Al-Shabaka (Palestinian Policy network). Suivez-la sur Twitter: @InesAbdelrazek

Traduction: Catherine G. pour l’Agence Média Palestine

Source: Mondoweiss

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