Contrôler les exportations des colonies est « impossible », admet l’UE

Par David Cronin, le 28 septembre 2017

L’Union européenne a admis qu’elle ne pouvait vérifier si les producteurs opérant à partir des colonies d’Israël en Cisjordanie occupée tiraient frauduleusement profit de leurs privilèges commerciaux.

Légende photo : Lars Faaborg-Andersen (à gauche) s’est montré déférent à l’égard d’Israël tout au long des quatre années durant lesquelles il a été l’envoyé de l’UE à Tel-Aviv. (Photo : European External Action Service/Flickr)

Depuis 2000, l’UE a accordé à la plupart des marchandises israéliennes l’accès à ses marchés, sans percevoir de taxes ou de droits de douane.

Les exportations en provenance des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée et dans les hauteurs du Golan ne peuvent bénéficier de ces privilèges, puisque l’UE ne reconnaît pas ces territoires comme faisant partie d’Israël.

N’empêche qu’un document – obtenu dans le cadre de la liberté des règles régissant l’information au sein de l’UE – affirme que vérifier l’origine des marchandises israéliennes s’est avéré « impossible ».

Daté de juin dernier, le document a été adressé, depuis le bureau de Lars Faaborg-Andersen – à l’époque ambassadeur de l’UE à Tel-Aviv – à un haut fonctionnaire de Bruxelles, chargé de la politique commerciale.

Faaborg-Andersen faisait remarquer que l’introduction par Israël d’un « nouveau système de code ZIP digital à sept chiffres » avait grandement compliqué l’affaire. Les diplomates européens, suggérait-il, ne pourraient pas épingler les codes qui s’appliquaient aux colonies israéliennes en Cisjordanie et dans les hauteurs du Golan.

Malgré le qualificatif « nouveau » appliqué par Faaborg-Andersen au système israélien, il est en fait opérationnel depuis 2013.

Ce système signifie qu’Israël pourrait avoir au moins 10 millions de codes postaux uniques, même si sa population n’atteint pas les 8 millions d’habitants, peut-on lire dans le quotidien Haaretz.

Déférent

Le fait que Faaborg-Andersen a admis la chose indique que les tentatives de distinguer les marchandises des colonies de Cisjordanie et des hauteurs du Golan des autres exportations israéliennes se sont révélées infructueuses tout au long des quatres années pendant lesquelles il a été ambassadeur.

Quand on lui a demandé si l’Union avait été entravée dans son contrôle des exportations des colonies israéliennes depuis 2013, un porte-parole de l’UE a préféré ne pas répondre à la question. Ce porte-parole a simplement déclaré que des discussions autour de ces problèmes étaient « toujours en cours ».

En 2015, l’UE a stipulé que les marchandises en provenance des colonies devraient être étiquetées comme telles. Il est difficile d’imaginer à quel point cette étiquetage peut être inefficace si la simple identification des marchandises n’a pas été rendue possible.

La conclusion logique, c’est que tous les privilèges commerciaux devraient être supprimés. L’UE a le pouvoir d’agir en ce sens.

L’accord qui couvre les relations de l’UE avec Israël lui permet d’appliquer des sanctions à propos des violations des droits de l’homme. Les activités coloniales d’Israël impliquent des abus quotidiens à l’égard des Palestiniens. Qui plus est, la construction de colonies dans un territoire militairement occupé constitue un crime de guerre, selon les lois internationales.

Il existe un consensus juridique de plus en plus établi pour dire que le droit international requiert de la part des gouvernements qu’ils ne se bornent pas à étiqueter les marchandises des colonies, mais qu’ils interdisent complètement leur importation.

Au lieu d’entreprendre la moindre action véritable, Faaborg-Andersen a préféré plaider la mise sur pied d’une « réunion d’experts ». Il a également déclaré que les diplomates de l’UE avaient « poliment décliné » une invitation d’Eli Cohen, le ministre israélien de l’Économie, à participer à une tournée de propagande dans les colonies.

Faaborg-Andersen n’a pas seulement été poli avec le gouvernement israélien d’ultra-droite, il a été carrément déférent à son égard.

Dès que les directives de l’UE concernant l’étiquetage des marchandises en provenance des colonies israéliennes en Cisjordanie et dans les hauteurs du Golan ont été publiées, Faaborg-Andersen a cherché à minimiser leur importance.

Qualifiant ces directives de techniques plutôt que de politiques, il a insisté sur le fait que les produits des colonies israéliennes étaient « toujours les bienvenus » dans les rayons des supermarchés européens.

Il a prétendu que les exigences en matière d’étiquetage n’avaient « rien à voir » avec d’autres problèmes concernant Israël ou les Palestiniens. C’était une déclaration à tout le moins bizarre, au vu de la façon dont les activités coloniales israéliennes étranglent littéralement de nombreux aspects de la vie en Palestine.

Un David ?

Ceci, quoi qu’il en soit, constitue la première preuve que les tentatives de l’UE en vue de différencier les marchandises en provenance de l’Israël actuel de celles en provenance des colonies de Cisjordanie ont été habilement contournées.

Tnuva, une société israélienne du secteur de l’alimentation, a été filmée alors qu’elle transférait du lait en provenance de fermes situées dans ces colonies vers des sites de traitement situés en Israël même.

En recourant à de telles astuces, les exportateurs peuvent présenter leurs marchandises comme « made in Israel » et ainsi bénéficier frauduleusement d’un accès préférentiel aux marchés de l’UE.

Faaborg-Andersen, un diplomate danois, s’est avéré en complet décalage par rapport à l’opinion publique européenne.

Alors que les citoyens ordinaires de nombreux pays ont protesté contre l’oppression des Palestiniens en s’abstenant d’acheter des marchandises israéliennes, lui s’est déclaré hostile au mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) dirigé par les Palestiniens.

L’an dernier, il a assisté à une conférence au cours de laquelle un ministre du gouvernement israélien a menacé les activistes politiques palestiniens d’« élimination civile ciblée ». C’est le terme même qu’Israël utilise pour ses exécutions extrajudiciaires. N’empêche que Faaborg-Andersen a refusé de condamner cette menace.

Dans un message d’adieu rédigé avant de quitter son poste d’ambassadeur en Israël en août, Faaborg-Andersen a prétendu que les relations de l’UE avec Israël étaient « plus développées » qu’avec tout État situé en dehors du bloc des 28 membres. Il a particulièrement encensé Israël pour « la coopération sécuritaire et les renseignements qu’il fournit sous la table ».

Ses remarques montrent que, plus que jamais, l’UE resserre plus étroitement ses rangs du côté des autorités israéliennes – ces mêmes autorités qui refusent leurs droits fondamentaux aux Palestiniens.

En même temps que cette collaboration « sous la table » à laquelle l’ambassadeur faisait allusion, Israël est un bénéficiaire clé du programme de recherche scientifique de l’UE.

Les manufactures des armes qui ont été utilisées au cours des offensives majeures contre Gaza ont été littéralement aspergées de subventions européennes, et ce, au nom de leurs « innovations ».

Faaborg-Andersen a colporté les mythes sionistes en prétendant que, lors de sa première visite en Israël dans les années 1970 (afin d’aller travailler dans un kibboutz), le pays ressemblait à « David luttant pour sa survie contre les Goliath arabes qui l’entouraient ». Dans les années qui ont suivi, Israël a abandonné son statut de « David » pour devenir le « tout premier Goliath » de la région, a-t-il ajouté.

En vérité, Israël n’a jamais été un David. Ces sept dernières décennies, Israël s’est conduit comme un impitoyable Goliath envers les Palestiniens.

Plus le Goliath est impitoyable et violent, plus l’UE joue son jeu.

Traduction: Jean Paul Flémal pour la Palestine

Source: Electronic Intifada

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