L’envoyé d’Israël à l’ONU diffame les groupes des droits de l’homme

 

Par Adri Nieuwhof, le 11 juillet 2017

Issam Younis, à gauche, directeur du Centre des droits de l’homme Al-Mezan, et Shawan Jabarin, directeur d’Al-Haq, responsables de deux groupes de défense des droits de l’homme pris pour cible par les propos diffamatoires du gouvernement israélien. (Pierre Albouy – Reuters)

L’ambassadeur d’Israël aux Nations-Unies, Danny Danon, s’en est pris publiquement aux organisations palestiniennes des droits de l’homme, Al-Haq et Al Mezan, les accusant de soutenir le terrorisme et d’inciter à la violence.

Une fédération internationale de 184 organisations de défense des droits de l’homme a qualifié ses « déclarations diffamatoires » d’ « attaques sans fondement » et a exhorté le secrétaire des Nations-Unies, Antonio Guterres, à soutenir publiquement les deux organisations.

L’attaque de Danon semble entrer dans une politique israélienne qui vise à entraver le financement étranger des organisations des droits de l’homme qui agissent pour dénoncer les violations des droits de l’homme contre les Palestiniens.

Israël avertit les gouvernements étrangers « qu’aucun financement ne doit aller au terrorisme, à l’incitation, ou à la glorification de la violence », a déclaré récemment le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon, à Middle East Eye.

Accuser les organisations des droits de l’homme d’être des sympathisants des terroristes est un moyen pour dissuader les donateurs étrangers.

Danon a tenu ses propos lors d’une conférence de presse le 29 juin où il critiquait les Nations-Unies pour leur financement d’Al-Haq et d’Al Mezan.

« Nous attendons plus des Nations-Unies » a-t-il déclaré en réponse à une question concernant une commission des Nations-Unies s’étant réunie pour marquer les 50 ans d’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël, et où les représentants de ces deux organisations des droits de l’homme étaient invités. « Nous attendons des Nations-Unies qu’elles respectent leurs valeurs fondamentales ».

Au lieu de cela, dit-il, les Nations-Unies financent Al Mezan et Al-Haq qui, accuse-t-il, ont des liens avec le Hamas et le Front populaire pour la libération de la Palestine, FPLP, qu’Israël considère comme étant, comme la plupart des partis palestiniens, des organisations terroristes.

« Ils mettent en avant des partisans des terroristes, ils siègent dans ce bâtiment, et ils incitent contre Israël. C’est inacceptable » dit Danon.

Des accusations inventées de toutes pièces

Danon basait en partie ses allégations sur le travail de l’organisation israélienne de droite, l’ONG Monitor, qui calomnie habituellement les organisations internationales.

l’ONG Monitor « travaille en étroite collaboration » avec le ministère israélien des Affaires étrangères, a dit Nahshon à Middle East Eye, au début de ce mois. « Il y a un niveau de coordination et nous partageons les informations » dit-il.

Danon présente Shawan Jabarin, d’Al-Haq, comme quelqu’un qui a été emprisonné pour son rôle dans le « FPLP », une accusation que l’ONG Monitor a constamment portée contre Jabarin.

L’ONG Monitor se réfère à une décision de la Haute Cour israélienne pour justifier son accusation contre Jabarin.

Mais cette décision a été fondée sur la présentation d’une preuve, tenue secrète, lors d’une audience, tenue à huis clos.

Et Jabarin nie tout lien avec le FPLP.

« Si je suis membre du FPLP, alors, pourquoi ne me conduisent-ils pas devant un tribunal ? » dit Jabarin à Middle East Eye.

Danon a aussi accusé Al Mezan d’avoir des liens avec le Hamas, mais sans préciser le caractère de ces contacts allégués.

Israël a porté, il y a quelques années, des accusations similaires qui avaient apparemment la même origine, à savoir l’ONG Monitor, contre le Centre palestinien pour le retour, basé à Londres. Mais le gouvernement britannique a déclaré qu’Israël n’apportait aucune preuve pour soutenir ses allégations.

Al Mezan est basé dans la ville de Gaza et il documente les violations des droits de l’homme dans la bande de Gaza. Ses agents de terrain ont joué un rôle crucial dans la collecte d’informations durant les attaques d’Israël en 2014 contre Gaza, attaques qui ont tué plus de 2200 personnes, dont 550 enfants, et décimé des dizaines de familles.

Israël s’oppose systématiquement à l’accès à Gaza des observateurs internationaux, notamment ceux d’Amnesty International et du Conseil des Nations-Unies pour les droits de l’homme.

Depuis 2008, cependant, l’organisation Human Rights Watch a été autorisée, mais une fois seulement, à faire venir une équipe à Gaza.

Al Mezan critique souvent les autorités de Gaza, reprochant aux dirigeants du Hamas de la bande côtière le système de justice pour les mineurs, la peine de mort et le processus judiciaire de style militaire.

Protéger les défenseurs des droits de l’homme

Un tel travail est négligé par l’ONG Monitor, qui a pour unique mission d’assaillir ceux qui mettent à nu les violations israéliennes. L’organisation est « le principal outil dans la main des dirigeants israéliens et du ministère des AE », a dit Jabarin à The Electronic Intifada le mois dernier.

Il a suggéré que les organisations, les législateurs et les gouvernements, ne devraient pas prendre au pied de la lettre les informations venant de l’ONG Monitor et des autres groupes de pression d’Israël. Ils devraient plutôt jeter un œil sur l’objectif qui se cache derrière ces organisations, dit Jabarin à The Electronic Intifada.

Et d’ajouter : « Croient-elles dans les droits de l’homme ? Croient-elles dans la justice ? Croient-elles dans la responsabilité ? Croient-elles dans la transparence ? Leurs budgets et ressources sont-ils publiés sur leur site ? Qui est derrière elles, qui est le directeur des organisations ? Quelle est leur histoire, leur origine ? Leur premier objectif est-il de renforcer la culture de l’égalité, et la primauté du droit ? »

En réponse aux attaques de Danon, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme a demandé au secrétaire général des Nations-Unies, Guterres, de s’exprimer publiquement pour défendre Al-Haq, Al Mezan, Jabarin et tous les défenseurs des droits de l’homme en Palestine.

L’Observatoire – créé par la Fédération internationale des droits de l’Homme, la FIDH, et l’Organisation mondiale contre la torture – a également demandé instamment à Guterres, dans une lettre ouverte, de « protéger tous les défenseurs des droits de l’homme travaillant sur ce qui touche à la Palestine, et de veiller à ce qu’ils soient en mesure de mener à bien leurs activités légitimes, sans la moindre entrave ni crainte de représailles ».

Au cours des dernières années, des membres d’Al-Haq et d’Al Mezan ont eu des membres qui ont reçu des menaces de mort, note l’Observatoire dans sa lettre.

Ils ont également été visés par des tentatives plus vastes visant à discréditer et déstabiliser ces organisations, en utilisant « le piratage de courriels, des appels téléphoniques d’intimidation aux personnels, et des tentatives pour effrayer les donateurs ». Ces « actes d’intimidation » persistent.

Jabarin a incité les parlementaires et donateurs à travers le monde à organiser des missions d’enquête impartiales en Palestine, et à « ne laisser personne s’immiscer dans votre pays ».

« Ils ne doivent pas accepter le récit israélien » dit-il à The Electronic Intifada. « En fin de compte, il est question d’un État qui se trouve derrière tout cela, d’importantes ressources, de partisans très organisés qui mènent campagne derrière tout cela ».  

Adri Nieuwhof est une défenseure des droits de l’homme, basée aux Pays-Bas, et une ancienne militante anti-apartheid dans la Commission hollandaise sur l’Afrique du Sud. Twitter : @steketeh

Source : Electronic Intifada

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

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