Une catastrophe se profile à Gaza

 

Par Charlotte Silver le 12 juin 2017

La crise de l’électricité déjà désastreuse à Gaza s’apprête à devenir bien pire. (Ashraf Amra / APA images)

 

Israël va réduire de 40 % sa fourniture d’électricité dans la Bande de Gaza occupée, transformant une situation déjà désastreuse en catastrophe.

Israël dit que la prochaine réduction, approuvée dimanche par le ministère israélien, se fonde sur une requête de l’Autorité Palestinienne.

Avant la réduction, la population de deux millions de Gazaouis n’a reçu que quatre heures d’électricité par jour, les hôpitaux, la désalinisation et les usines de traitement des eaux usées étant gravement mis en péril ou rendus inopérants.

Déjà, les services médicaux, y compris les graves interventions chirurgicales, ont été sévèrement réduits à cause de la constante crise énergétique.

Les groupes électrogènes de l’hôpital sont au bord de la panne, a déclaré lundi Gisha, association israélienne de droits de l’Homme qui surveille le blocus de Gaza.

Gisha a écrit dimanche une lettre urgente au ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman, l’avertissant qu’une réduction supplémentaire d’électricité « est la ligne rouge à ne pas dépasser ».

On dit maintenant aux Palestiniens de Gaza de se préparer au pire. On dit que la coupure réduira la moyenne quotidienne d’électricité de 45 minutes supplémentaires.

Le Hamas a dit de la décision qu’elle était « catastrophique » et « dangereuse », avertissant qu’elle « hâterait la détérioration et l’explosion de la situation dans la Bande ».

« Les parties qui portent la responsabilité des conséquences de cette décision sont l’ennemi israélien qui assiège et le chef de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas pour son rôle immoral et irresponsable dans l’occupation », a ajouté le groupe qui gouverne l’intérieur de ce territoire.

L’obligation d’Israël

Un responsable israélien a dit au journal de Tel Aviv Haaretz que le ministère acceptait la « recommandation » de l’armée israélienne « de n’avoir aucune indulgence avec le Hamas et d’agir en accord avec » la requête d’Abbas.

L’expression « indulgence avec le Hamas » signifie que les fonctionnaires israéliens ne font aucune différence entre la totalité de la population civile de Gaza, d’une part, et un groupe politique auquel Israël s’oppose, de l’autre. Il veut dire qu’Israël impose une punition collective à la population civile pour parvenir à ses fins politiques.

Gilad Erdan, ministre israélien de la Sécurité publique, a dit sur une radio militaire que la coupure était une « décision » d’Abbas. « Que les Israéliens paient la note d’électricité de Gaza est une situation impossible », a ajouté Erdan.

Les fonctionnaires de l’armée, de la sécurité et du renseignement soutiennent la démarche, même s’ils en comprennent les conséquences humanitaires catastrophiques et l’escalade militaire qui pourrait en résulter.

Mais se cacher derrière Abbas n’exonère pas Israël, puissance occupante de Gaza, de ses responsabilités. La Quatrième Convention de Genève, qui régit l’occupation militaire, requiert de l’occupant qu’il utilise tous les moyens à sa disposition pour assurer des services médicaux suffisants, la santé publique et les autres nécessités vitales.

« Israël n’est pas qu’un fournisseur de service, qui répond indifféremment à la demande d’un client », a déclaré Gisha. « Etant donné son vaste contrôle sur la vie dans la Bande, Israël est responsable de la possibilité d’une vie normale pour ses résidents. »

Le Centre Palestinien des Droits de l’Homme a dit que la décision de nouvelles coupures d’électricité menace la vie de la population de Gaza. Il exhorte Israël « dans son rôle de puissance occupante selon le droit humanitaire international, à remplir [ses] obligations envers la population de la Bande de Gaza et à garantir aux civils l’accès aux services basiques nécessaires ».

Cruel jeu de pouvoir

Fin mai, l’Autorité Palestinienne a demandé à Israël de réduire la quantité d’électricité qu’il fournit à Gaza, disant qu’elle n’allait payer que 60 pour cent de la facture mensuelle d’électricité à Israël.

Le porte-parole de l’Autorité Palestinienne Tareq Rashmawi a défendu la démarche, disant que le Hamas n’avait pas remboursé la note d’électricité à l’AP. Rashmawi a également exigé que le Hamas tienne des élections législatives et présidentielle – avançant à nouveau une raison politique en infligeant des souffrances à la population.

Le mois dernier, l’autorité au pouvoir à Gaza a dit qu’elle s’était conformée à toutes les conditions de l’AP pour mettre fin à la crise de l’électricité, y compris en conduisant plus rigoureusement le recouvrement des factures électriques dans la population appauvrie de la Bande de Gaza.

Le mois dernier, l’Autorité Palestinienne a cessé de transférer des fonds pour soutenir le système de santé de Gaza, refoulant au moins 240 bébés et des centaines de malades du cancer ou traités pour d’autres maladies graves, d’après Médecins pour les Droits de l’Homme-Israël.

L’AP a également cessé de fournir des médicaments et des fournitures pour bébé aux hôpitaux de Gaza, coup que les fonctionnaires de santé de Gaza ont dénoncé comme obéissant à un motif politique.

La pression croissante de l’Autorité Palestinienne est perçue comme une tentative pour arracher le contrôle de Gaza des mains du Hamas.

Cette semaine, une universitaire de Harvard Sara Roy a dit dans la London Review of Books que « si Abbas voulait gagner le soutien de la population gazaouie, tout ce qu’il aurait à faire serait de payer leur salaire aux fonctionnaires ».

Roy, qui a écrit pendant des années sur Gaza, décrit les niveaux poignants et en accélération de la détresse sociale et de l’épuisement dans ce territoire, conséquence des dix ans de blocus imposés par Israël avec le soutien de l‘Egypte et de l’AP.

En plus de la réduction des fournitures électriques et médicales, Abbas a également arrêté de payer les fonctionnaires qui, à Gaza, travaillaient pour l’AP avant que le Hamas ne prenne le contrôle en 2007 après avoir remporté les élections législatives l’année précédente.

Même alors que ces employés avaient cessé de travailler, Abbas avait payé leurs salaires. En avril, l’AP a baissé leur paiement de 30 à 70 pour cent.

Ces dernières semaines, le Comité International de la Croix Rouge, l’Organisation Mondiale de la Santé et OCHA, l’agence de coordination humanitaire de l’ONU, ont tous mis en garde contre les conséquences désastreuses d’une réduction de la fourniture déjà désespérément insuffisante d’électricité.

Mais comme Gaza est abandonnée à sa souffrance dans l’ignorance générale, aucune attention internationale ne s’est en fait portée sur la crise qui empire.

Les autorités du Hamas ont compté sur l’aide du Qatar, qui a financé la fourniture de fuel de secours pour la seule centrale électrique de Gaza, afin d’atténuer les pires effets de la crise. Cet approvisionnement a pris fin en avril.

Le Qatar fait maintenant face aux pressions venues d’Israël, des Etats Unis, de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis pour arrêter toute assistance au Hamas.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

 

Retour haut de page