Pourquoi l’Autorité Palestinienne devrait être fermée

 

Par Diana Buttu, le 26 mai 2017

                                            Credit: Christina Hägerfors 

RAMALLAH, CISJORDANIE — La rencontre de cette semaine entre le Président Trump et le Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, a été organisée par l’auteur de « l’Art de la Négociation » (The Art of the Deal – D.Trump 1987) afin de reprendre le processus de paix piloté par les États Unis, bloqué depuis longtemps. Mais, à l’approche du cinquantième anniversaire de l’occupation israélienne, le mois prochain, c’est plus que certain : le processus est pire que bloqué. Face à un gouvernement israëlien de droite intransigeant, qui ne croit pas que les Palestiniens devraient pleinement jouir de leurs droits, il est vain de négocier.

Qu’apportent Mr. Trump et la politique américaine de soutien à l’Autorité Palestinienne et à Mr. Abbas ? Étant donné l’échec lamentable de pourparlers inscrits dans un cadre en faillite qui favorise fortement Israël, de plus en plus de Palestiniens discutent du besoin d’un nouveau leadership et d’une nouvelle stratégie.

Nombreux sont ceux qui désormais demandent si l’Autorité Palestinienne joue un rôle positif ou est simplement un moyen de contrôle pour Israël et la communauté internationale. En toute logique, il est temps que l’Autorité s’en aille.

Installée en 1994 dans le cadre des Accords d’Oslo, l’Autorité Palestinienne était conçue pour être un corps temporaire qui deviendrait un gouvernement de plein droit une fois que l’indépendance serait garantie, celle-ci étant alors promise pour 1999. La compétence de l’Autorité a, de ce fait, toujours été limitée. Elle n’est en charge que de 18% de la Cisjordanie (divisée en huit zones). En comparaison de l’ensemble du contrôle d’Israël sur la Cisjordanie et la bande de Gaza, les pouvoirs de l’Autorité Palestinienne sont dérisoires.

Aux yeux de beaucoup de Palestiniens, cependant, l’installation de leur propre gouvernement représentait la réalisation d’un rêve. Ceux qui vivaient sous occupation depuis 1967 allaient enfin être libérés du pouvoir militaire répressif d’Israël et pouvoir se gouverner eux-mêmes. Les Palestiniens ont clamé qu’ils allaient assumer des postes dans la nouvelle entité et ont été fiers de mettre en place des institutions en dépit des obstacles imposés par la domination israélienne. Tandis que les négociations traînaient pendant Oslo, ces blocs se sont même enracinés davantage.

Après plus de deux décennies, les pourparlers n’ont abouti à aucun progrès. J’ai été engagée pendant plusieurs années dans la partie palestinienne des négociations et je peux attester de leur inanité. Les délégués palestiniens qui avaient besoin de permis pour entrer en Israël afin de participer aux pourparlers, étaient régulièrement retenus à des checkpoints israéliens. Lorsque nous parlions du droit international et de l’illégalité des colonies, les négociateurs israéliens nous riaient au nez.

Le pouvoir c’est tout, disaient-ils, et vous n’en avez aucun.

Avec le temps, il devint clair que le budget de l’Autorité et ses priorités étaient prioritairement utilisés pour assurer que les Palestiniens restent un des peuples les plus surveillés et contrôlés sur terre. L’Autorité Palestinienne a en effet servi de sous-traitant à l’armée israélienne d’occupation. L’accent omniprésent mis sur la sécurité, nous disait-on, était nécessaire pendant la durée des pourparlers de paix. Aujourd’hui, un bon tiers du budget de 4 milliards de dollars de l’Autorité va au maintien de l’ordre, plus qu’à l’ensemble santé- éducation.

Ces forces de sécurité ne rendent pas un service de police normal aux Palestiniens, mais aident au contraire l’armée israélienne au maintien de l’occupation et à l’extension ininterrompue des colonies d’Israël. La « coopération de sécurité » internationalement glorifiée entre Israël et l’Autorité Palestinienne n’a abouti qu’à l’arrestation et à l’emprisonnement de Palestiniens, dont des militants non-violents défendant les droits des êtres humains, alors que des colons israéliens armés et violents sont autorisés à terroriser des Palestiniens en toute impunité. L’Autorité Palestinienne n’a pas de compétence sur les colons et l’armée israélienne détourne presque toujours le regard.

La raison d’être de l’Autorité Palestinienne n’est pas de libérer la Palestine ; elle est de faire taire les Palestiniens et d’étouffer la contestation pendant qu’Israël vole la terre, démolit les maisons des Palestiniens et construit et étend les colonies. Au lieu de devenir un État souverain, l’Autorité Palestinienne est devenue un proto-État policier, une dictature virtuelle, soutenue et financée par la communauté internationale.

Voyez son dirigeant. Mr. Abbas, âgé de 82 ans, contrôle l’Autorité depuis maintenant 12 ans, gouvernant par décrets la plupart du temps, sans mandat électoral. Il a présidé à quelques-uns des jours les pires de l’histoire de la Palestine, dont la scission désastreuse qui date d’une décennie entre son parti le Fatah et le Hamas, autre acteur majeur de la politique palestinienne, et trois assauts militaires israéliens dévastateurs sur Gaza.

Sous sa présidence, le Parlement palestinien est devenu moribond et insignifiant. De nombreux Palestiniens n’ont jamais pris part à des élections présidentielles ou législatives parce que Mr. Abbas a manqué de les organiser, alors même qu’elles sont prévues dans la Constitution de l’Autorité Palestinienne. Les derniers sondages d’opinion montrent que sa popularité est plus basse que jamais, les deux-tiers des Palestiniens sont tellement insatisfaits qu’ils souhaitent sa démission.

Un nombre tout aussi élevé de sondés ne croient plus que des négociations vont assurer leur liberté. L’Autorité Palestinienne institutionnalise la dépendance vis-à-vis de donateurs internationaux qui lient les mains de l’Autorité par des conditions politiques. Le résultat est que, même le recours à la Cour Pénale Internationale en vue d’établir la responsabilité d’Israël dans la construction illégale de colonies, doit être apprécié au regard des répercussions financières probables d’un acte aussi simple.

Pour défaire ce nœud coulant qui a étranglé les Palestiniens, l’Autorité doit être remplacée par le même type de processus décisionnel qui a préparé la mise en place de cette entité. Et nous devons réformer notre principale entité politique, l’Organisation de Libération de la Palestine que Mr. Abbas dirige aussi, pour qu’elle soit plus représentative du peuple palestinien et de ses partis politiques, y compris le Hamas. Le Hamas a précisé depuis longtemps qu’il souhaite faire partie de l’OLP, et sa charte révisée récemment publiée à Doha au Qatar, confirme cette aspiration.

Avec la mort du processus des négociations, pourquoi les Palestiniens devraient-ils être obligés de s’accrocher à l’Autorité Palestinienne qui n’a fait que saper plusieurs décennies de lutte pour la justice et qui a contribué à les diviser ?

Sachant qu’il y a environ 150 000 agents dont les salaires dépendent de l’Autorité, je ne me fais aucune illusion sur une fermeture facile ou indolore. Mais c’est la seule voie pour restaurer notre dignité et un processus de décision palestinien indépendant. Une OLP réformée, à la crédibilité renouvelée, sera en mesure de récolter des fonds auprès de Palestiniens et de nations amies pour soutenir ceux qui vivent sous occupation, comme elle le fit avant le processus d’Oslo.

Pour certains, cela peut sembler renoncer au rêve national de l’autonomie. Ce n’est pas le cas. En démantelant l’Autorité, les Palestiniens peuvent une fois encore se confronter à l’occupation israélienne de façon stratégique, par opposition aux offres pratiquement symboliques de Mr. Abbas pour l’indépendance. Cela implique de soutenir les initiatives de la base qui organise des manifestations non-violentes de masse, fait pression pour les boycotts, le désinvestissement et les sanctions contre Israël, comme ceux qui ont aidé à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud.

Cette stratégie nouvelle peut signifier un appel à l’égalité des droits dans un État unique, un résultat infiniment plus juste que le processus soutenu par les Américains qui a fait croire que la paix pouvait advenir sans traiter des droits des réfugiés palestiniens et des citoyens palestiniens d’Israël. Déjà, plus d’un tiers des Palestiniens des territoires occupés soutiennent la solution à un seul État, sans qu’aucun parti politique important ne défende cette politique.

En démantelant l’Autorité Palestinienne et en réformant l’OLP, les Palestiniens feront entendre leur volonté réelle. Que l’issue soit deux États ou un État, c’est à cette génération de Palestiniens de décider.

Diana Buttu est avocate, ancienne conseillère de l’équipe palestinienne des négociations de l’Organisation de Libération de la Palestine.

Traduction : SF pour l’Agence Media Palestine

Source : New York Times

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