12 femmes palestiniennes dont il vaut la peine de parler

Par Yasmeen Mjalli – 08/03/2017

C’était il y a quelques jours  la Journée internationale des droits des femmes. Et oui, nous sommes d’accord, c’est chaque jour la Journée des femmes, mais nous essayons toujours de profiter d’une occasion de célébrer des femmes qui méritent d’être mise en avant.

Nous avons sélectionnés un mélange de citations provocantes, de hijabs colorés, une grande variété de nationalités et une bonne dose de culot. Voici 12 femmes, venant de différents secteurs, qui changent la donne, remettant en questions les status quo, et qui ajoutent une pointe d’inspiration à votre café du matin.

Laila Shawa

“Je suis d’une longue lignée de femmes fortes. Mes grand-mères étaient très puissantes… J’ai grandi comme telle, et j’ai toujours cru dans le pouvoir des femmes.”

Née en 1940 dans l’une des anciennes familles propriétaires de Gaza, Laila Shawa avait 8 ans quand sa famille a été forcée de fuir la Palestine. Depuis, elle vit et travaille à Londres et dans le Vermont, tout en restant étroitement liée à la Palestine via l’aide humanitaire et l’art. Shawa a fait ses études à l’école d’art Leonardo da Vinci du Caire et à l’Académie des Beaux Arts de Rome. Depuis lors son travail a créé un espace dans lequel elle prête une voix aux Palestinien-ne-s à un moment où ils ne peuvent pas parler d’eux-mêmes. Avec des expositions dans le monde entier, Shawa a plus récemment entamé une critique socio-politique du rôle des femmes dans le monde arabe, mettant en lumière les problèmes de colonialisme, de patriarcat, d’extrémisme et de sexisme. Par dessus tout, les œuvres d’art de Shawa sont des actes de défis créatifs.

 Linda Sarsour

“Lorsque nous sommes protégées, lorsque nous sommes respectées, lorsque nous pouvons nous développer et recevoir les mêmes opportunités que nos homologues masculins, lorsqu’on nous donne l’espace de diriger et de nous élever — notre nation, alors s’élèvera.”

Femme “kaléidoscope”, Linda Sarsour est à la fois récompensée d’un prix pour la justice sociale,  une militante des droits civiques, une militante associative, une non-conformiste des réseaux sociaux, le pire cauchemar de tout islamophobe et la mère de trois enfants.

Ambitieuse, directe et audacieuse, Linda fait voler en éclat les stéréotypes de la femme musulmane tout en pratiquant sa religion et son patrimoine ethnique. Elle est une Américaine Palestinienne musulmane et elle s’autoproclame “pure New Yorkaise, née et élevée à Brooklyn!”.

Sarsour a été en première ligne de campagnes majeures pour les droits civiques, demandant l’arrêt de la surveillance injustifiée des communautés musulmane de New York et travaillant à créer une solidarité entre les communautés musulmanes américaines. Elle est membre de la Ligue de Justice NYC, un groupe de militants et d’artistes qui se consacre à la réforme du système de justice criminelle. Elle était l’une des principales organisatrices de la Marche des Femmes en Janvier dernier.

Maysoon Zayid

“J’espère qu’ensemble, nous pouvons créer des images plus positives du handicap dans les médias et dans la vie de tous les jours.”

Cette femme palestinienne du New Jersey, Maysoon Zayid est une comédienne humoriste, souffrant d’une paralysie cérébrale. Son handicap s’est révélée être une force assez tôt dans sa carrière d’actrice quand elle réalisa que l’accepter avec humour était la clé pour passer plus de temps sur scène. Comme elle l’a dit à la BBC, “Il m’est apparut comme évident qu’aux Etats-Unis, une fille arabe handicapée n’aurait jamais de boulot sauf en se redressant.” Utilisant l’humour pour parler et remettre en cause des problèmes tels que l’inégalité des sexes, les stéréotypes arabes, la politique américaine, et le conflit israélo-palestinien, Zayid est une militante avec de l’esprit et du style.

La comédienne est l’une des cofondatrices du Festival d’humour arabo-américain de New York, qui entame maintenant sa 14ème année. Elle passe plusieurs mois de l’année en Palestine, dirigeant des ateliers pour les enfants handicapés et orphelins des camps de réfugiés, utilisant l’art pour aider à gérer leur traumatisme.

Susan Abulhawa

“Je voulais faire entendre une voix palestinienne dans la littérature anglaise… et l’idée était de raconter leur histoire avec humanité, honnêteté et poésie.”

Née au Koweit en 1970 dans une famille de réfugiés de la guerre de 1967, la lutte que constitue le déplacement n’est pas étrangère à Susan Abulhawa. A 10 ans, elle emménage à Jérusalem-Est, où elle est internée dans un orphelinat de fille avant de partir pour les USA. Bien que ces conditions semblent difficiles, Abulhawa s’en rappelle comme des moments joyeux, chérissant le fait d’être alors en mesure d’explorer ses racines familiales comme peu d’autres réfugiés ne peuvent le faire.

Elle obtient son diplôme à l’Université de Pfeiffer puis son master en neuroscience à l’Université de Caroline du Sud. Alors qu’elle s’apprêtait à commencer une carrière de médecine, l’inspiration lui vient d’écrire Les matins de Jénine, un roman de fiction inspiré par le courage et l’humanité des citoyens de Jénine et du sentiment emblématique palestinien de déracinement.

 Mona Hatoum

“[Mon travail] est là pour bousculer le familier afin de créer de l’incertitude et vous pousser à questionner des choses que vous pensiez acquises… c’est ce qu’est une conscience critique.”

Mona Hatoum est une artiste reconnue dont les œuvres explorent l’identité comme définie par le déplacement dans un monde de plus en plus divisé. Travaillant la plupart du temps en performances, vidéos, sculptures et installations, elle expose à travers le monde. Hatoum connait un succès international considérable, et a récemment présenté une rétrospective de 35 années de travail au Tate Modern en 2016. Née en 1952 à Beyrouth, elle vit et crée à Londres.

 Najla Said

“Je me bats… pour réconcilier le beau, le réconfortant, le monde aimant de mon foyer, de ma culture et de ma famille avec  ce que certains percevaient comme une société « barbare » et « arriérée ».

L’actrice Najla Said est une Palestino-Libano-Américaine Chrétienne ; et en grandissant dans la ville de New York, son identité n’avait rien de bien définie. Fille du célèbre théoricien littéraire Edward Said, elle passe son enfance dans l’un des foyers intellectuels les plus influents d’Amérique.

Tout comme son père dû se sentir cloué au sol, Najla Said se sentit désorientée par l’adulte qu’elle devenait. Essayant de réconcilier les mondes de la famille libanaise de sa mère, le patrimoine palestinien de son père, son propre style de vie américain et ses questions troublantes d’identité et d’estime de soi. Elle décrit dans ses mémoires cette bataille avec humour, honnêteté et empathie, à la recherche de la Palestine: grandir perdue dans une famille arabe américaine. Le livre concerne les frustrations inhérentes au déracinement que l’on peut ressentir dans un contexte multiculturel.

Hanan Hroub

“Je veux créer un contexte sûr pour apprendre. Je ne peux pas influencer le contexte en général mais je peux influencer les enfants.”

Hanan Hroub a grandi dans un camp de réfugiés à Bethléem où elle a été régulièrement exposée à des violences. Sa décision d’aller vers l’enseignement fut motivée par le traumatisme que vécurent ses propres enfants après avoir été témoins d’une fusillade. Son parcours, les années qui ont suivi, pour aider ses enfants à développer une attitude saine face à leur traumatisme lui donna envie d’aider les autres qui avaient besoin d’une attention et soins similaires.

Sous occupation militaire, l’ambiance d’une salle de classe est tendue, et certains enfants qui luttent pour gérer la situation finissent par avoir recours à la violence. Hanan, avec le slogan “Non à la Violence”, utilise une méthode qu’elle a développée elle-même, qui consiste à développer les relations de confiance, de respect, d’honnêteté et d’affection avec ses élèves. Elle insiste sur l’importance de l’alphabétisation  additionnée à l’environnement sécure de la salle de classe. Cette approche a eu pour effet la diminution des attitudes violentes dans les écoles, incitant ses collègues à revoir leurs méthodes d’enseignement, leur manière de gérer la classe et de récompenser les élèves. En 2016, Hroub remporta le Prix Mondial du Meilleur Enseignant, souvent appelé le “Prix Nobel de l’enseignement.”

 Hanan Ashrawi

“Il ne faut pas compter sur les silencieux pour nous dire qu’ils souffrent.”

En tant que leader en politique et dans la société civile, Dr. Hanan Mikhail Ashrawi a inlassablement œuvré pour la fin de l’occupation israélienne, la démocratie et l’égalité des sexes en Palestine. Ancienne professeure de littérature anglaise, elle est plus connue pour  son plaidoyer pour l’autodétermination palestinienne et la paix au Moyen-Orient.

Hanan Ashrawi est née le 8 Octobre 1946 à Naplouse en Palestine. Hanan était la plus jeune de cinq filles dans une famille chrétienne de classe moyenne. Pendant la guerre de 1948, sa famille fut forcée de fuir à Amman, en Jordanie. Hanan eu l’envie de se mobiliser grâce à son père, qui était en faveur d’un plus grand rôle pour les femmes dans la société. Elle fut la porte-parole de la Délégation Palestinienne lors du processus de paix au Moyen-Orient de 1991 à 93 et participa également à la Conférence de Paix de Madrid en 1991-1992 en tant que membre de la Délégation du Comité de Direction palestinien. En tant que membre d’expérience de la direction palestinienne, elle pratique la politique avec force, honnêteté et sang-froid.

 Samia Halaby

“Je crois que la plupart des gens sont créatifs dans leurs différentes manières de faire leur travail ou leurs activités tout au long de leurs vies. Les jeunes… devraient garder espoir et chercher dur l’inspiration.”

Artiste palestinienne, chercheuse et historienne de l’art Samia Halaby est l’une des artistes les plus célèbres du mouvement international abstrait dans l’art arabe. Née à Jérusalem en 1936, Halaby utilise à la fois la peinture acrylique et à l’huile pour ses œuvres, qui sont souvent de grande taille et influencées par la nature, représentant le paysage palestinien avec une palette de couleurs vives et lumineuses. Elle a organisée de nombreuses expositions en solo et beaucoup de ses œuvres sont exposées dans les collections d’importants musées à travers le monde.

Halaby vit aujourd’hui à New York. Elle a grandi à Yafa jusqu’à ce que sa famille immigre au Liban après la guerre de 1948. Une fois aux Etats Unis elle enseigna l’art dans des universités étatsuniennes, dont l’Ecole d’Art de Yale. A travers son art, Halaby plaide activement pour les droits des Palestiniens.

 Lila Abu-Lughod

“Les anthropologues devraient maintenant croire, sans espoir exagéré, au pouvoir de leurs textes à changer le monde…”

Lila Abu-Lughod enseigne l’anthropologie et les études de genre à l’Université de Columbia.  Voix de premier plan dans les débats concernant le genre, l’Islam et le féminisme international , ses livres et articles sont traduits dans 13 langues. Ses livres, qui ont reçu des prix, explorent la dynamique de genre, la question des droits des femmes au Moyen-Orient et la liberté d’expression. Son livre le plus récent, Les femmes musulmanes ont-elles besoin d’être sauvées? a été publié par Harvard University Press en 2013. Elle remet en question les status quo en “écrivant contre la culture” et se confronte aux représentations transnationales des féministes sur les femmes dans le monde arabe.

 Annemarie Jacir

“J’aime m’enraciner avec des vrais gens et dans de vraies situations, tout en me prêtant à la liberté qu’amène le cinéma : nos rêves, notre capacité à changer ou à s’échapper.”

Annemarie Jacir est une réalisatrice indépendante et une scénariste vivant en Jordanie. Figurant parmi les 25 Nouveaux Visages du cinéma indépendant du magazine Filmmaker, deux de ses films figurent parmi les Sélections Officielles au Festival de Films de Cannes, un a été qualifié aux Academy Award, et un autre à Venise. Son premier long métrage, Le sel de la mer (2008), remporta l’Oscar de Palestine pour le meilleur film en langue étrangère et a également été remarqué comme premier long métrage réalisé par une femme palestinienne.  Le film remporta de nombreuses autres récompenses. Son deuxième long métrage, When I Saw You (2012), remporta le prix du meilleur film asiatique au 63ème  Festival International du Film de Berlin.

Elle est l’une des membres fondatrices du Collectif palestiniens de réalisateurs-trices  basé à Ramallah. Jacir vit à Amman, elle y enseigne le cinéma, est conservatrice de films et participe activement à la promotion du cinéma indépendant.

 Emily Jacir

“Je veux toutes nos histories et récits ; chaque nom, chaque village, chaque histoire, chaque explication, chaque version, chaque tentative chaque artéfact, chaque bataille, tout. Tout. Peu importe où ça a eu lieu.”

Emily Jacir est une artiste contemporaine acclamée par la critique, travaillant différents médias dont les films, la photographie, les installations, les performances, et la vidéo. Elle a été récompensée plusieurs fois de prix prestigieux dont le “Lion d’Or pour un artiste de moins de 40 ans”, à la Biennal de Venise de 2007— le plus ancien et le premier événement artistique européen au niveau international, souvent  rebaptisé “les Jeux Olympiques de l’art.” Ayant amplement exposé à travers le monde, Jacir est une artiste talentueuse d’exception dont le travail aborde avec audace les questions soulevées par le conflit israélo-palestinien.

Issu d’un décor coloré, Jacir est née à Bethléem, a passé son enfance en Arabie Saoudite et est allée au lycée en Italie. Elle y étudia les beaux arts ainsi qu’aux Etats-Unis. Jacir partage maintenant son temps entre Rome, l’Italie et Ramallah. En 2002, elle fonda et organisa le premier Festival Vidéo International à Ramallah. Elle donne actuellement des cours à l’Académie internationale d’art d’Al-Bireh.

Yasmeen Mjalli est une artiste et écrivaine freelance basée à Ramallah. Diplômée d’histoire de l’art à l’Université de Caroline du Nord Greensboro, elle cherche à favoriser des expériences et des mouvements culturels collectifs par le biais d’écrits et de projets artistiques socialement engagés. Elle peut être contactée par mail : ymmjalli@gmail.com ou sur Linkedin.

Traduction: Laurianne G. pour l’Agence Media Palestine

Source: Build Palestine

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