Ben White: Israël est-il en train de préparer une nouvelle offensive contre Gaza ?

Par Ben White – TRTWorld – 12 octobre 2016

A Palestinian family sits in their destroyed home in a quarter in At-Tuffah district of Gaza city, which was heavily attacked during last Israeli offensive, Gaza city, September 21, 2014. During the seven-week Israeli military offensive, 2,131 Palestinians were killed, including 501 children, and an estimated 18,000 housing units have been either destroyed or severely damaged, leaving more than 108,000 people homeless.
Photo: Anne Paq, Gaza 2014

Avec un resserrement du blocus israélien de la bande de Gaza restreignant la vie au quotidien pendant que les frappes aériennes s’intensifient ainsi qu’une répression contre l’humanitaire, ses habitants s’inquiètent de ce que l’avenir leur réserve.

Plus de deux années se sont écoulées l’opération « Bordure protectrice », la plus récente et la plus dévastatrice des offensives d’Israël contre les Palestiniens de la bande de Gaza. En surface, les choses restent calmes – mais les développements inquiétants de ces derniers mois laissent penser que le gouvernement israélien pourrait bien préparer une nouvelle – et encore plus brutale – attaque contre l’enclave.

Il y a trois tendances clairement identifiables en termes de changement dans la politique israélienne envers Gaza.

La première, en dépit d’une rhétorique à effet contraire, les aspects du blocus illégal qui se poursuit se sont durcis. Cela inclut une « forte augmentation du nombre des obstacles sécuritaires imposés aux commerçants fin 2015 » tels que documentés par l’ONG israélienne Gisha. Depuis lors, « et avec une plus grande fréquence au cours des derniers mois », les Palestiniens se voient « refuser régulièrement » les autorisations de sortie.

En juillet, le quotidien israélien Ha’aretz décrivit comment « les restrictions s’étaient renforcées pour les Palestiniens qui voulaient sortir de la bande de Gaza et pour les importations autorisées vers le territoire ». Ceci comprend, indique le journal, l’interdiction pour « certains hommes d’affaires d’importer leurs marchandises dans la bande de Gaza », pour des « raisons de sécurité », sans plus de précisions.

Plus tôt ce mois-ci, un dirigeant de premier plan de la Chambre de commerce et d’industrie déclara que la situation présente allait être « la pire jamais connue ».

Les données venant des Nations-Unies confirment que le blocus s’est resserré en juillet, alors qu’en août il n’y eut que 110 camions de marchandises à sortir de Gaza, moins de la moitié du nombre de janvier, et seulement 14 % des niveaux de 2005.

En avril, les Nations-Unies déclaraient que la mesure la plus urgente requise pour reconstruire Gaza restait « l’abolition des restrictions (israéliennes) sur l’importation des matériaux de construction, en allant vers une levée totale du blocus ».

Deuxième tendance, qui est liée, des mesures sévères ont été prises par les autorités israéliennes contre les ONGs et les travailleurs humanitaires opérant dans la bande de Gaza. L’exemple le plus visible en est les arrestations et les poursuites judiciaires à l’encontre du salarié de World Vision, Mohammad el-Halabi, et de l’ingénieur du PNUB (Programme des Nations-Unies pour le développement), Waheed al-Bursh, tous deux étant accusés de soutenir, à différents niveaux, le Hamas. Le cas de Halabi, en particulier, souleva des inquiétudes ; l’acte d’accusation allègue une conspiration invraisemblable avec des montants qui n’ont aucun sens, il fut détenu sans avocat pendant trois semaines et son procès se déroula entièrement à huis clos.

En septembre, le site Foreign Policy publia comment « de nombreux travailleurs humanitaires » pensent que ces dossiers « s’intègrent dans une évolution politique plus vaste en Israël visant à étouffer le travail humanitaire et la vie économique dans la bande de Gaza ». Pourtant, comme le notent les documents, « même avant l’inculpation de Halabi, les ONGs disaient avoir le sentiment d’une pression inattendue de la part des autorités israéliennes ». Les trois quarts des « employés expérimentés des ONGs et des agences des Nations-Unies » dirent, par le biais de Foreign Policy, qu’« il était devenu récemment plus difficile de travailler à Gaza ».

L’armée israélienne a frappé plusieurs positions du Hamas dans la bande de Gaza après le tir d’une roquette depuis l’enclave palestinienne sur une ville israélienne voisine.

La troisième tendance indiscutable de cette année est l’intensification des attaques israéliennes contre les civils palestiniens dans les « zones interdites » (les no-go zones), ou d’accès limité (access restricted areas – ARA).

En avril-juin, par exemple, il y eut en moyenne plus de 90 incidents de fusillades par mois à l’initiative des forces israéliennes (FDI) dans les ARA, selon les informations des Nations-Unies – soit plus du double des moyennes équivalentes pour les six derniers mois de 2015. Commentant ce chiffre, un dirigeant des Nations-Unies affirma que « les victimes de ces fusillades quasi quotidiennes sont spécifiquement les agriculteurs, les pêcheurs, les enfants, et les manifestants ».

Ces attaques se produisent à la fois sur terre, près de la clôture-frontière, et aussi en mer, où les pêcheurs palestiniens qui travaillent dans les eaux territoriales de la bande de Gaza sont fréquemment agressés, harcelés, et bloqués par les forces navales israéliennes qui multiplient des restrictions imposées unilatéralement. Citant le groupe de défense des droits de l’homme Al-Mezan, Reuters rapporta récemment que 113 pêcheurs palestiniens avaient été incarcérés par Israël cette année, nombre qu’il faut comparer avec les 41, pour la même période, de 2015. Les détenus indiquèrent avoir été soumis à des pressions par les forces israéliennes pour devenir des collaborateurs.

Dans ce contexte, les bulletins d’informations diffusés par l’armée israélienne (via leurs fidèles sténographes connus comme correspondants de presse pour la sécurité) méritent d’être notés. Le mois dernier, un « officier de haut rang des FDI » déclara au Times d’Israël que Gaza courait à la catastrophe – mais que c’est la « dictature islamique » du Hamas, et non le blocus (qui n’est pas mentionné) qui est à blâmer pour le manque de matériaux pour la reconstruction. « Une éruption (de la violence) », prévint-il, « à notre avis, n’est juste qu’une question de temps ».

En attendant, la réponse d’Israël aux tirs sporadiques de roquettes provenant de la bande de Gaza s’intensifie. En août, une seule roquette tomba sur Sderot, lancée par un groupe salafiste, mais qui donna suite à des dizaines de frappes aériennes israéliennes sur la bande de Gaza, décrites par l’un des correspondants de la défense israélienne comme une « escalade évidente ». Deux tirs séparés de roquettes – une touchant Sderot sans faire de victimes et une autre tombant sur un terrain vague -, les 5 et 6 octobre, provoquèrent de la même manière de multiples attaques israéliennes sur des sites du Hamas. En réponse, le Hamas lança l’avertissement qu’il ne resterait pas les bras croisés si l’escalade d’Israël se poursuit.

Le 6 octobre, l’analyste israélien Amos Harel, dans un article où il s’interroge sur la sagesse de la politique des frappes punitives d’Israël, suggère que, « aussi longtemps que les frappes d’Israël ne tuent aucun civil palestinien, le Hamas peut se permettre de faire preuve de retenue ». Le même jour, des médias israéliens laissent supposer qu’il pourrait y avoir bientôt un retour aux exécutions extrajudiciaires – ou « ciblées », à Gaza.

Retour en juin, un dirigeant israélien anonyme déclare que « la prochaine confrontation (dans la bande de Gaza) devrait être la dernière pour le régime du Hamas ». On pense que cette personne n’est autre qu’Avigdor Lieberman, le ministre de la Défense. Avec la pression qui ne fait qu’augmenter contre Gaza, Israël cherche probablement à provoquer, petit à petit, une offensive à grande échelle dont le but serait de liquider totalement le Hamas.

Rappelons-nous comment les décisions prises par les autorités israéliennes durant le premier semestre de 2014 – pour s’opposer au gouvernement d’union palestinien et bloquer une solution pour les salaires des agents de la fonction publique à Gaza –  furent un élément clé pour lancer l’  opération « Bordure protectrice ».

Un patron de presse israélien, Amos Shocken, a affirmé lors d’une interview l’année dernière, que « la guerre (de 2014) avait éclaté parce qu’Israël avait acculé (le Hamas) dans un coin, avec le siège et l’intolérable situation de la bande de Gaza ». L’histoire est-elle en train de se répéter ?

Ben White est journaliste et l’auteur de trois livres sur la Palestine, dont le plus récent est : « La guerre de Gaza de 2014 : 21 questions et réponses ».

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Trtworld.com

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