Une athlète de course à pied de Gaza vise les jeux Olympiques de Tokyo 2020

Isra Saleh el-Namey – The Electronic Intifada – 25 août 2016

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Inas Nofal fête sa course victorieuses à Gaza ville, en avril. (Khaled Omar – Xinhua)

Après Rio, Tokyo

Partout dans le monde, de jeunes athlètes ambitieux se concentrent déjà sur les prochains jeux Olympiques, consacrant leur temps et leurs efforts à la réalisation de leurs espoirs et de leurs rêves.

Et c’est encore plus vrai pour certains comme Inas Nofal, jeune coureuse à pied de Gaza, dont le dévouement pour son sport ne fait pas que la pousser vers sa propre progression, mais il en inspire d’autres aussi.

« La course fait partie intégrante de ma vie. Je ne peux pas passer un jour sans courir pendant au moins une heure » dit Inas.

La coureuse à pied adolescente a de grands rêves. Elle s’est engagée dans un programme d’entraînement quotidien épuisant afin de devenir suffisamment performante pour rivaliser au niveau international.

« Mon rêve est de représenter la Palestine lors de tournois internationaux », dit la jeune athlète qui n’a pas encore décidé de sa distance préférée. « Je dois m’entraîner dur pour affiner mes compétences afin d’être bien préparée pour les courses à venir dans lesquelles je pourrai peut-être avoir la chance de m’engager ».

Inas commence son exercice quotidien aux heures fraîches du début de la matinée, courant dans les rues du camp de réfugiés de Maghazi, dans le centre de la bande de Gaza, où elle vit. Elle est généralement accompagnée par son entraîneur, Sami al-Natil, un ancien athlète qui maintenant consacre son temps à orienter et entraîner les jeunes athlètes prometteurs.

Al-Natil prend la course au sérieux. « Je veux que tout le monde à Gaza comprenne à quel point il est important de courir pour la santé et la détente », dit-il. Courir, ajoute-t-il, ce n’est pas seulement un sport : c’est un mode de vie.

Inas a impressionné al-Natil avec son attitude et son courage. Tout le monde à Gaza, souligne l’entraîneur, peut s’inspirer de son exemple.

« Inas possède un talent remarquable » dit l’instructeur de 38 ans. « Elle mérite que lui soit donnée une véritable chance ».

Une année d’un travail acharné

Quand Inas a commencé son entraînement avec al-Natil, il y a un an, sa foulée était courte et elle fatiguait rapidement. Aujourd’hui, une course de 10 km ne lui demande que 50 minutes, toujours loin d’un record olympique ou mondial, mais c’est un énorme bond en avant pour elle.

Elle a, selon son entraîneur, fait preuve d’une grande persévérance. Elle a aussi une foi énorme en ses propres capacités. Les deux lui ont permis d’arriver à ce qu’elle pouvait auparavant croire irréalisable.

La plus jeune de quatre filles, Inas est totalement prise en charge par ses grandes sœurs. Rana, 22 ans, sœur avec laquelle elle partage une chambre, l’accompagne même à l’occasion pour courir. « Nous sommes toutes très fières de ce qu’elle fait » dit Rana.

Mais son supporter le plus acharné est son père, qui croit fermement dans le talent de sa fille.

« J’ai été convaincu quand elle a remporté le premier prix dans une compétition locale l’année dernière », dit Muhammad Nofal, 48 ans, tout en montrant la médaille de sa fille pour sa course victorieuse sur 800 mètres.

Nofal, ingénieur civil, n’apprécie guère les conventions d’une société conservatrice qui décourageraient les filles de s’impliquer publiquement dans les sports et les exercices sportifs en général.

« Je pense que c’est un stéréotype erroné qui doit être changé. Je pense que si on arrive à avoir suffisamment d’exemples de filles portant le hijab (le foulard) à exceller dans un sport, cela peut arriver » dit-il. « Je souhaite que ma fille soit un tel exemple pour des filles qui, autrement, auraient peur de devenir des athlètes ».

En fait, d’autres filles ont déjà commencé à rejoindre Inas quand elle s’entraîne. Et elle est enchantée que des amies l’aient rejointe dans un petit groupe qui, de temps en temps, court avec elle.

 

Des obstacles

En attendant, la jeune athlète se concentre sur l’amélioration de son CV. Début avril, elle a remporté une autre course locale, cette fois sur trois kilomètres. Mais, en même temps, elle a été frustrée dans son ambition de concourir le Marathon Palestine dans et autour de Bethléhem, cela parce qu’il lui a été refusé l’autorisation de sortir de la bande de Gaza pour participer à la course en Cisjordanie.

Et elle n’était pas la seule. Les autorités militaires israéliennes ont refusé cette autorisation à plus de 100 athlètes palestiniens de Gaza qui en avaient besoin pour participer au Marathon.

« Je suis extrêmement frustrée » dit Inas, qui avait rêvé d’une première compétition en Cisjordanie.

Mais elle peut avoir à apprendre à gérer de telles frustrations. En 2013, pour la première édition de ce qu’on appelait alors le marathon de Bethléhem, Israël a empêché 26 coureurs palestiniens de Gaza d’y participer, et parmi eux, Sanaa Abu Bakhit.

Abu Bakhit a été la première athlète olympique féminine de Gaza. Elle a couru les 800 mètres et représenté la Palestine aux jeux Olympiques d’Athènes de 2004, alors qu’elle n’avait que 19 ans, portant le drapeau palestinien à la cérémonie d’ouverture.

Depuis cependant, l’athlète, basée à Deir al-Baleh, a rencontré obstacles après obstacles pour la poursuite de sa passion.

« Ce fut un grand honneur pour moi de participer au nom de mon pays », a déclaré Abu Bakhit à The Electronic Intifada. « J’espérais continuer de telles rencontres sportives pendant des années, mais les passages frontaliers fermés et les restrictions serrées par les Israéliens ont rendu cela quasiment impossible ».

Il y a aussi les frais à prendre en compte. Idéalement, les athlètes s’entraînent sur des pistes spéciales et observent des régimes d’entraînement spécifiques pour assurer des progrès. Tout cela entraîne des coûts et c’est compliqué dans la situation de Gaza.

Par exemple, quand Inas veut se servir du tapis roulant à la maison, elle peut s’entraîner seulement s’il y a de l’électricité, et il n’y en a parfois que pendant huit heures dans la journée.

Al-Natil essaie de veiller à ce qu’il y ait de la variété dans l’entraînement d’Inas de toute façon. Quand il n’y a pas d’électricité, Inas peut faire des abdominaux et d’autres exercices du même genre à la place du tapis roulant.

Défier les conventions

Alors qu’elle intensifie son entraînement, Inas passe aussi plus de temps à arpenter les rues et le littoral où elle vit. Cela l’expose parfois à des opinions qui désapprouvent de voir une fille courir.

Cela, cependant, ne dissuade aucunement l’aspirante aux JO qui affirme : « Je vais continuer à courir vers mon rêve ». Et son entraîneur dit qu’il commence à rencontrer une attitude plus ouverte à l’idée d’athlètes féminines.

Les filles reçoivent aussi en ce moment plus de soutien officiel.

Le chef de l’Union palestinienne de l’athlétisme à Gaza, Nader Halawa, a déclaré que l’Union soutient totalement les filles qui participent à toutes sortes de sports.

« Nous sommes fiers de nos filles, et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour les aider à atteindre les normes internationales en les lançant dans des compétitions internationales », affirme Halawa.

Pour l’instant, Inas – pour qui ses modèles sont l’ancien coureur de haies marocain Nawal el-Mutawakel, qui gagna l’or en 1984, et la Bahreïnienne Maryam Jamal, qui courut les 1500 mètres et remporta le bronze à Londres en 2012 – Inas, a les yeux fermement rivés sur Tokyo 2020.

« J’aurai alors 19 ans. Et je vise de remporter l’or » dit l’ambitieuse coureuse à pied. « Pourquoi pas ? ».

Isra Saleh el-Namey est journaliste, basée à Gaza.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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