Israël emprisonne une journaliste pour un statut sur facebook

Par Charlotte Silver, le 20 juillet 2016

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Des Palestiniens prennent part à une manifestation, le 19 juin dans la ville de Gaza, pour demander la libération de Bilal Kayed, prisonnier palestinien en grève de la faim.

(Ashraf Amra / APA images)

Un tribunal israélien de Jérusalem a condamné une journaliste palestinienne à six mois de prison pour « incitation ».

Samah Dweik, 25 ans, travaille pour le journal Al-Qods et le Réseau en ligne « Nouvelles de Jérusalem ».

Elle a été arrêtée chez elle à Jérusalem le 10 avril et a été accusée d’incitation pour avoir pris position et posté une image sur facebook pour soutenir les Palestiniens récemment tués par les forces israéliennes.

Selon Quds News Network (le Réseau Nouvelles de Jérusalem), Dweik a été déclarée coupable d’avoir utilisé des mots tels que « martyr » et « intifada » dans ses posts sur facebook. L’argumentation de son avocat comme quoi ce sont des termes couramment utilisés dans les médias arabes a été rejetée par les juges israéliens.

Avant son arrestation, Dweik avait suivi de près le cas de Marah Bakir, élève qui allait à l’école avec ses amies en octobre dernier lorsque la police israélienne les a encerclées, a ouvert le feu et l’a arrêtée sous le prétexte qu’elle avait l’intention de poignarder un officier.

Dweik est l’une des six Palestiniennes actuellement emprisonnées pour une prétendue incitation sur les réseaux sociaux.

Quds News Network a publié une photo dont il dit qu’elle montre Dweik souriant et saluant alors qu’elle est escortée par des gardes israéliens le jour de son jugement.

https://twitter.com/qudsn/status/755063013820932100

Au mois de juin, il y avait 21 journalistes palestiniens dans les prisons israéliennes, selon l’association de défense des droits des prisonniers Addameer.

Une vingtaine de Palestiniens ont été arrêtés depuis octobre pour leurs activités sur les réseaux sociaux.

La semaine dernière, la ministre de la Justice Ayelet Shaked et le ministre de la Sécurité Publique Gilad Erdan ont présenté un projet de loi qui permettrait aux tribunaux d’exiger des sociétés Internet comme Facebook, Google, YouTube et Twitter de retirer des contenus considérés comme un « danger pour la sécurité personnelle, publique ou de l’Etat ».

Facebook retire déjà des contenus considérés comme criminels et retire fréquemment d’autres contenus à la demande du gouvernement israélien. On dit de cette proposition de loi qu’elle donnerait à Israël des pouvoirs sans précédent dans les procédures judiciaires.

En juin, Shaked a félicité Twitter, Facebook et Google pour avoir retiré 70% de leurs « contenus malfaisants ».

Ces dernières semaines cependant, Shaked et Erdan ont critiqué Facebook pour ne pas avoir retiré assez de messages faisant la promotion du « terrorisme ».

Erdan a dit que cette société avait « du sang sur les mains » et a traité Facebook de « monstre ».

La semaine dernière, l’association juridique attachée au gouvernement Shurat HaDin a poursuivi Facebook aux Etats Unis pour soutien matériel au terrorisme.

Mais l’antagonisme affiché publiquement par Erdan et Shaked envers Facebook est démenti par d’autres signes de collaboration entre la société et le gouvernement israélien.

Shaked et Erdan ont annoncé que leurs ministères commenceraient à rédiger le projet consistant à obliger les sociétés internet à effacer leur contenu le lendemain de leur rencontre avec la direction de Facebook au mois de juin dernier.

Ce même mois, le bureau israélien de Facebook a embauché Jordana Cutler, longtemps conseillère du Premier ministre Benjamin Netanyahu et précédemment chef du personnel à l’ambassade d’Israël à Washington, pour diriger leur politique et leur communication.

En février, Simon Milner, directeur politique de facebook pour le Royaume Uni, le Moyen-Orient et l’Afrique, a rencontré Erdan.

On dit que, au cours de cette réunion, Erdan a demandé à facebook d’aider Israël à surveiller et contrôler les réseaux sociaux – tâche qui dépasse les capacités du gouvernement.

Mais Milner n’a fait aucune promesse à Erdan. « Le fait est qu’ils ne font rien », a dit Erdan à Al-Monitor deux semaines après la réunion.

« Pourtant, je suis sûr qu’à la fin, ils n’auront pas le choix. Arriver au changement nécessaire demandera les efforts coordonnés de plusieurs pays, mais je sus certain qu’à la fin, les réseaux sociaux seront régulés », a ajouté Erdan.

Ce genre de régulation rendra vraisemblablement service aux gouvernements qui ont essayé de mettre les mouvements populaires hors la loi en les qualifiant de « terroristes », terme vague et fourre-tout.

Alors que les ministres israéliens ont lancé une campagne mondiale contre la prétendue incitation des Palestiniens, ils sont restés complètement silencieux à propos des appels à la violence des Israéliens contre les Palestiniens sur Facebook – le cas le plus notoire étant peut-être celui de la ministre de la Justice Shaked elle-même.

Hassan Karajah

Pendant ce temps, Israël continue à utiliser la détention administrative pour emprisonner les militants palestiniens.

L’organisateur Hassan Karajah, 35 ans, a été condamné à six mois de prison, sans charges ni procès.

L’armée israélienne a rendu la décision après avoir annulé l’audience du tribunal militaire de Karajah, refusant à sa famille la possibilité de le voir pour la première fois depuis son arrestation le 12 juillet à un checkpoint de Cisjordanie occupée.

Les procureurs militaires prétendent que Karajah est une « menace pour la sécurité de l’Etat », selon l’association de défense des prisonniers Samidoun, et ils ont invoqué son engagement dans le mouvement de jeunesse Herak Shababi que le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman a interdit.

Muhammad Karajah, avocat de l’association de défense des droits des prisonniers Addameer, a dit à Samidoun qu’il pensait que l’arrestation de Karajah avait un lien avec l’actuelle grève de la faim des prisonniers en solidarité avec Bilal Kayed.

Le mois dernier, Kayed a été condamné à rester en prison sous détention administrative après qu’il ait purgé une peine de presque 15 ans de prison.

Kayed a démarré sa grève de la faim le 15 juin pour protester contre la prolongation indéfinie de son emprisonnement.

Au cours du mois de juin, davantage de prisonniers se sont joints à la grève en solidarité avec Kayed. Mardi, le nombre total des grévistes dans plusieurs prisons d’Israël est arrivé à 56.

Kayed a d’abord été mis à l’isolement après avoir démarré sa grève. Plus tôt ce mois ci, il a été transféré à l’hôpital Barzilai quand sa santé s’est brusquement détériorée. Il est maintenant entravé sur son lit d’hôpital et sous étroite surveillance.

Kayed ne consomme que de l’eau et refuse tout supplément et tout soin médical.

Protestant séparément, deux frères ont entamé leur troisième semaine de grève de la faim contre leur détention administrative.

Muhammad et Mahmoud al-Balboul, respectivement 26 et 22 ans, souffrent de problèmes de santé et Mahmoud a perdu environ 13 kilos après avoir refusé ses repas pendant 16 jours.

Ils ont été arrêtés tous les deux le 9 juin au cours d’un raid à Bethléem après que leur petite sœur de 14 ans ait été arrêtée pour avoir prétendument détenu un couteau alors qu’elle essayait d’entrer en Israël.

La jeune Nuran a depuis été libérée de prison, tandis que ses frères sont actuellement détenus sans charges pour six mois.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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