Quel espoir attendre de l’initiative de paix française au Moyen Orient ?

7 juin 2016, par Tareq Baconi et Alaa Tartir

membres du réseau politique de al-Shabaka : Réseau Politique Palestinien

La France a accueilli le 3 juin la session préliminaire d’une conférence sur la paix en Israël-Palestine. Ce fut le premier effort sérieux pour relancer le processus de paix après l’échec de l’initiative du Secrétaire d’État John Kerry au début de 2014. Et pourtant, la France ignore la leçon dont beaucoup pensaient qu’on tiendrait compte après l’échec de Kerry : sans réforme significative, le processus de paix qui a prévalu pendant vingt ans de diplomatie sur Israël-Palestine est voué à l’échec.

Pour préparer la conférence de Paris, les Français ont envoyé une délégation en Israël et en Palestine. Leur but principal était de rencontrer les membres israéliens de l’équipe de négociation et de considérer leurs inquiétudes à propos de cette conférence – même alors que le premier ministre d’Israël, Benjamin Netanyahu, avait clairement exprimé son désintérêt concernant l’initiative française. Plutôt que de soutenir les efforts français, Netanyahu a réitéré son soi-disant engagement dans des négociations bilatérales entre les parties. Il a aussi fait preuve d’une posture favorable face à la reprise inattendue et plus que surprenante de l’Initiative Arabe de Paix par le président égyptien Abdel Fatah al-Sisi.

Au contraire, selon des sources fiables proches de la délégation de négociateurs français, la direction palestinienne a semblé juste trop heureuse de faire quoi que ce soit afin de se retrouver à la table de négociations. « Ils y sont simplement trop prêts et en ont trop envie », a dit une source française. « Ils sont plus emballés que nous ne le sommes. »

Ce bref regard sur le point de vue français a fait comprendre que les problèmes structurels fondamentaux qui ont sous-tendu les efforts diplomatiques dans le passé n’ont pas été traités. En réalité, le rejet d’un accord de paix durable par Israël et l’incapacité pour la direction palestinienne d’acquérir un poids suffisant dans la négociation persistent.

L’histoire du processus de paix est criblée d’échecs parce qu’elle tient pour acquise une symétrie entre les deux parties là où il n’y en a pas. Cette supposition était largement affichée dans les jours qui ont précédé l’initiative française : les Israéliens n’ont aucune raison valable d’abandonner une occupation sans frais, et les Palestiniens n’ont aucun véritable moyen de les obliger à le faire.

D’autres lacunes manifestes sont évidentes. Interrogées sur la façon dont le processus de paix devrait traiter la situation à Gaza, les sources citées plus haut ont répondu que, pour la délégation française, « Gaza n’est pas une priorité ». La division entre Gaza et la Cisjordanie qui, sous de nombreux aspects, persiste a cause de la politique internationale qui décourage la concorde, semble avoir été admise et même intégrée dans les structures mêmes de la diplomatie. Ceci érode encore plus toute possibilité pour les Palestiniens de faire avancer vers une solution juste.

L’éloignement d’un processus de paix centré sur les Américains est en soi une évolution positive, étant donné le bilan négatif des USA dans leur rôle d’intermédiaire honnête dans les négociations. Le soutien de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à cette initiative trouve sa source dans la nature internationale de la conférence. Cependant, l’internationalisation en elle-même ne traite pas le déséquilibre fondamental entre les deux parties. A moins de corriger le processus afin de faire pression sur Israël et l’amener à se soumettre au droit international plutôt que de simplement négocier, le résultat est promis à l’échec, avec des conséquences désastreuses pour les Palestiniens vivant sous occupation aussi bien que pour les Palestiniens citoyens d’Israël.

Avec la constellation actuelle au pouvoir en Israël, coalition la plus droitière de l’histoire d’Israël, tout espoir de ratification d’une paix durable fondée sur le droit international n’est guère plus qu’un fantasme.

Mais en réalité, là est le problème. Le processus de paix continue à servir son objectif : c’est le simulacre ou l’acte du processus lui-même, plutôt que son résultat, que la France semble chercher. La conférence est à peine plus qu’une plate-forme d’où la France peut déployer sa mission diplomatique et réexporter son pouvoir non contraignant au Moyen Orient. A un moment où les Américains se retirent, la France voit une possibilité pour elle de prendre les devants dans la région. En plus, la France semble considérer que faire la paix dans la région d’Israël-Palestine est un tremplin pour élargir sa diplomatie ailleurs.

L’illusion du « processus de paix » a exacerbé le conflit pendant les vingt dernières années. Les Accords d’Oslo, qui ont émergé de négociations bilatérales entre les parties, ont échoué à mettre fin au conflit, et ont au contraire renforcé le contrôle d’Israël sur les territoires palestiniens. Une pléthore d’initiatives a depuis été proposée sur toile de fond d’expansion coloniale israélienne, de colonisation de la terre et des ressources palestiniennes et de judaïsation rampante de Jérusalem.

On a besoin d’une approche internationale différente envers Israël-Palestine, une approche qui commence par imposer un coût à l’occupation israélienne afin de la rendre intenable. Les négociations ne peuvent pas avancer tant qu’Israël agit impunément. Avec l’échec de l’initiative de Kery, même les Américains semblent avoir accepté qu’un engagement dans le processus de paix sous sa forme actuelle pourrait nécessiter une autre approche. Les Français devraient eux aussi faire attention et reconsidérer la question. Relancer des démarches éculées à Paris ne permettra pas une issue différente.

Suivez Tareq Baconi sur Twitter : www.twitter.com/TareqBaconi

Traduction : J.Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source: Huffington Post

Retour haut de page