Le cas d’une famille de Gaza tuée pendant son sommeil porté devant la Cour Pénale Internationale

Par Ali Abunimah, 23 novembre 2015

 

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Des parents affligés devant les corps des membres de la famille al-Louh le 20 août 2014, lors de leurs funérailles à Deir al-Balah au centre de la Bande de Gaza. Ils ont été tués plus tôt ce matin là dans une attaque aérienne israélienne sur leur maison.

(Ashraf Amra / APA images)

« Nous nous sommes habitués au fait qu’Israël tue et blesse des Palestiniens dans la Bande de Gaza » dit Bouthaineh al-Louh. « Mais rien ne pouvait me préparer vraiment à la perte dévastatrice de mes fils, de mes petits-fils et de mes petites-filles dans une attaque contre notre maison familiale. »

 

Al-Louh est l’un des Palestiniens dont les cas font partie des preuves de crimes, rassemblées par les organisations palestiniennes de droits de l’Homme pendant l’offensive israélienne de 2014 contre la Bande de Gaza, soumises lundi à Fatou Bensouda, procureure générale à la Cour Pénale Internationale (CPI).

 

 

Tués pendant leur sommeil

 

« Le 20 août 2014 à 4 H.45 du matin, Israël a attaqué notre maison à Deir al-Balah alors que ma famille était profondément endormie. Mon fils et deux beaux-fils ont été tués dans cette attaque, ainsi que ma belle-fille enceinte de neuf mois et ses trois enfants », dit al-Louh dans un rapport de Al-haq dont le directeur Shawan Jabarin a remis le dossier à Bensouda à La Haye.

 

Le témoignage parle d’attaques spécifiques sur des maisons, des hôpitaux, des écoles et des tours d’habitation palestiniens.

 

Il a été soumis par Al-Haq, le Centre Al-Mezan pour les Droits de l’Homme, Adameer et le Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme (PCHR) en vertu d’une disposition du Statut de Rome fondateur du Tribunal qui permet à la procureure de lancer des enquêtes de sa propre initiative, sur la base des informations qu’elle reçoit.

 

Ceci peut comporter des preuves soumises par des Etats, des organisations de droits de l’Homme et des organismes internationaux.

 

La plaidoirie de lundi est la première de ce genre, selon le Centre pour les Droits Constitutionnels, dont l’avocate Katherine Callagher a accompagné la délégation palestinienne à la CPI.

 

Si l’analyse préliminaire de Bensouda découvre qu’il existe une « base raisonnable pour poursuivre », la procureure devra obtenir l’autorisation d’un panel de juges, connu sous le nom de chambre préliminaire, pour ouvrir une enquête officielle.

 

Les 51 jours d’attaque israélienne sur Gaza, qui a commencé début juillet 2014, a fait plus de 2.200 morts palestiniens, dont 551 enfants, selon le rapport d’une enquête indépendante de l’ONU publié en juin.

 

Israël en a blessé des milliers d’autres, a déplacé des centaines de milliers de personnes et dévasté de vastes zones de Gaza.

 

Cette enquête a conclu que la mort et la destruction étaient la conséquence d’une « politique approuvée, au moins tacitement, par les preneurs de décision au plus haut niveau du gouvernement d’Israël ».

 

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Le directeur de Al-Haq, Shawan Jabarin, à droite, remet les preuves des crimes israéliens à Gaza à la procureure de la CPI Fatou Bensouda à La Haye le 23 novembre.

(Al-Haq)

 

En janvier, la procureure de la CPI a ouvert un examen préliminaire sur la situation en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, à dater du 13 juin 2014, ce qui inclut l’attaque sur Gaza.

 

Ceci, faisait suite à l’annonce par l’ONU qu’elle avait accepté l’accession de l’Autorité Palestinienne à la CPI en tant qu’ »Etat de Palestine ».

 

En février, la Guilde Nationale des Avocats a soumis un rapport à la procureure de la CPI démontant les prétentions d’Israël comme quoi l’attaque sur Gaza aurait été un acte d’auto-défense.

 

 

Réticents

 

Israël et l’administration américaine du président Barak Obama ont été implacablement hostiles à tous les efforts pour faire endosser la responsabilité des crimes israéliens.

Peut-être, suite aux intenses pressions politiques exercées sur le Tribunal, Bensouda a-t-elle été réticente, dans au moins une autre affaire importante, à mener des enquêtes sur les crimes israéliens.

Plus tôt ce mois-ci, les juges d’appel de la CPI lui ont ordonné de revoir sa décision de clore un examen préliminaire sur l’attaque mortelle d’Israël contre un bateau rempli de militants en mai 2010.

 

Bensouda doit cependant prendre une nouvelle décision pour, oui ou non, poursuivre Israël pour son raid violent sur le Mavi Marmara, vaisseau turc faisant partie de la flottille qui naviguait dans les eaux internationales pour aller briser le blocus d’Israël sur Gaza.

 

Dix personnes étaient mortes à cause de cette attaque israélienne.

 

 

Mettre fin à l’impunité

 

Les défenseurs des droits fondamentaux des Palestiniens et les victimes d’Israël espèrent que les preuves qu’ils ont remises à Bensouda aujourd’hui ne laisseront à la Cour aucune excuse pour ne pas demander justice pour les victimes d’Israël à Gaza.

 

« Nous sommes persuadés que les informations détenues maintenant par le bureau de la procureure sont suffisantes pour ouvrir une enquête et nous l’exhortons à agir rapidement pour démarrer une enquête officielle », a dit Shawan Jabarin, directeur de Al-Haq.

 

« Israël ne veut pas et La Palestine ne peut pas demander chez elle des comptes aux Israéliens qui ont perpétré des crimes internationaux », a déclaré Raji Sourani, directeur du Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme. Nous avons besoin de la CPI pour briser le cycle de l’impunité. »

 

« Notre famille ne sera jamais plus complète, et notre maison est en ruines », a déclaré Boutaineh al-Louh. « J’espère que la CPI reconnaîtra les crimes dont nous avons souffert et punira ceux qui nous ont privés de nos êtres chers. »

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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