Josh Ruebner: Le lobby pro-Israël a-t-il vraiment perdu sa toute-puissance ?

Josh Ruebner – The Electronic Intifada – 21 septembre 2015

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Une aide militaire inégalée à Israël sera l’héritage pérenne de Barack Obama concernant la question israélo-palestinienne alors que sa présidence touche à sa fin. (Mark Israel/Flickr)

Le gouvernement israélien et le Comité américain pour les affaires publiques israéliennes (AIPAC) n’ont pas réussi à mobiliser une opposition au sein du Congrès contre l’accord sur le nucléaire du Président Barack Obama avec l’Iran.

Mais cet échec a suscité un bavardage généralisé sur le dommage irréparable qui serait causé aux liens USA-Israël et sur la mort de l’AIPAC en tant que lobby quasiment tout-puissant.

Malgré les millions de dollars distribués dans sa campagne, inondant les ondes et paralysant les flux de médias sociaux, les efforts de l’AIPAC visant à influencer les membres du Congrès n’ont généré que des dividendes minimes.

Mais, cela veut-il dire que l’AIPAC a perdu sa toute-puissance et que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu peut maintenant être ignoré impunément par l’Administration Obama comme un vantard ? Non pas.

Ce fiasco pour Israël et son lobby était totalement prévisible, et même prédestiné, après que Netanyahu eut choisi de conspirer avec John Boehner, le président de la Chambre des représentants, pour pouvoir prononcer son discours controversé au Congrès, en mars, en s’opposant aux négociations avec l’Iran.

L’irrespect de Netanyahu en manoeuvrant le Président a poussé environ 60 membres démocrates du Congrès – le quart du groupe des Démocrates – à boycotter publiquement le discours, ouvrant une brèche partisane sans précédent.

Après le numéro de Netanyahu au Congrès, il devint évident qu’aucun membre démocrate du Congrès, hormis les plus irréductibles sionistes du parti, comme les sénateurs Charles Shumer de New York et Ben Gardin du Maryland, ne voterait la mise à mort de ce qui est probablement, en politique étrangère, le succès signé de l’Administration Obama.

L’AIPAC pourrait avoir injecté des centaines de millions de dollars dans sa campagne que cela n’aurait probablement pas changé le moindre vote.

Retour sur investissement

Netanyahu n’est pas un idiot, pas plus que l’AIPAC. Aussi, pourquoi ont-ils dépensé tant de capital politique et d’argent pour une cause perdue ?

C’est simple : plus Israël et son lobby hurlaient que l’accord sur le nucléaire avec l’Iran mettait en péril la sécurité d’Israël et ils le présentaient comme une menace existentielle, plus le retour sur investissement serait important venant des États-Unis en terme de soutien à leurs exigences en aide militaire.

Israël sera probablement dédommagé pour l’accord sur le nucléaire avec l’Iran et cela, de deux façons.

La première, par l’autorisation du Congrès pour un transfert à Israël d’un armement sophistiqué, tel que les bombes anti-bunker. Par exemple, Cory Booker, le sénateur démocrate du New Jersey qui a rompu avec son ancien mentor le rabbin Shmuley Boteach en soutenant l’accord, a déclaré que « les USA devaient ouvrir à Israël l’accès à la Massive Ordnance Penetrator (MOP) (bombe bunker-buster à guidage de précision de l’US Air Force) pour aider à dissuader les Iraniens de tricher ».

Et Obama semble prêt à faire monter la qualité de l’armement que les USA fournissent à Israël. Dans une lettre à Jerrold Nadler, représentant démocrate de New York, Obama a promis : « notre soutien à Israël est également un élément important pour dissuader l’Iran de ne jamais chercher à obtenir l’arme nucléaire ».

Ainsi, Israël est susceptible de recevoir des USA les armes dont il aurait besoin pour menacer, voire de mettre vraiment à exécution une attaque contre l’Iran, que les USA n’ont fait que virtuellement éviter avec l’accord sur le nucléaire.

La seconde, Israël va probablement profiter d’une énorme aubaine venant des États-Unis avec la négociation d’un nouvel accord pour dix années supplémentaires d’aide militaire. Pendant l’Administration de George W. Bush, les USA ont signé un accord pour fournir à Israël 30 milliards de dollars d’aide militaire de 2009 à 2018.

Depuis qu’il s’est rendu à Jérusalem, en mars 2013, Obama a fait clairement entendre à plusieurs reprises qu’il voulait élargir – et même augmenter – l’aide militaire à Israël.

Même si les timings de l’accord nucléaire avec l’Iran et de l’expiration imminente de l’accord avec Israël coïncident, Netanyahu est en train d’orchestrer de façon habile ses avancées pour maximiser son influence sur les USA et arracher le maximum de concessions possible.

Selon le quotidien israélien Ha’aretz, deux fois depuis avril, Obama a personnellement contacté Netanyahu en l’implorant pratiquement d’engager les discussions sur la façon dont les USA pourraient renforcer l’arsenal de l’armée israélienne. Mais le Premier ministre israélien a fermement refusé.

Indemne

Maintenant qu’avec l’Iran l’accord est conclu, ces discussions sont en train de s’engager sérieusement – et les articles de presse laissent penser qu’Israël va tenter d’obtenir jusqu’à 45 milliards de dollars d’aide militaire des USA jusqu’à 2028. Autrement dit, Obama pourrait maintenant se retrouver à signer un accord qui augmenterait l’engagement de l’Administration Bush envers Israël de 50 %.

Même s’il est douteux qu’Israël utilise ces armes pour agresser unilatéralement l’Iran, elles seront assurément utilisées pour consolider et solidifier l’occupation militaire et la colonisation par Israël de la terre palestinienne, rendant les USA encore plus complices des atrocités qui les accompagnent par Israël.

Ce nouvel accord d’aide militaire, malheureusement, sera l’héritage pérenne de Barack Obama concernant la question israélo-palestinienne alors que sa présidence touche à sa fin.

La débâcle pour Netanyahu et l’AIPAC à propos de l’Iran montre manifestement qu’Israël et ses alliées ne dictent pas les termes et les contours des objectifs plus larges des USA en politique étrangère. Cependant, leur pouvoir pour préserver le statu quo sur la politique US envers Israël et les Palestiniens est ressorti grandement indemne de cette bataille.

Netanyahu vient à Washington en novembre pour se réconcilier avec Obama à propos de l’Iran – et recevoir son chèque. Sans un tumulte massif de la société civile avant cela, les contribuables US seront tenus d’assumer pour dix années de plus le financement de l’oppression des Palestiniens par Israël.

Le Vice-Président Joe Biden a récemment reconnu que les contribuables US finançaient déjà 20 % de la totalité du budget militaire d’Israël.

Ça suffit comme cela. Heureusement, un nombre grandissant d’Américains en sont d’accord.

Pour le dire clairement, des dizaines de milliers ont déjà approuvé la campagne, exigeant d’Obama qu’il ne donne plus aucune arme à Israël.

Josh Ruebner est directeur politique de la Campagne US pour la fin de l’occupation israélienne, et l’auteur de : « Espoirs déçus : l’échec d’Obama pour négocier la paix israélo-palestinienne ».

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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