Gaza un an après : la crise n’a jamais cessé

7 juillet 2015 – par le Bureau des Nations-Unies pour la coordination des Affaires humanitaires (OCHA) dans les Territoires palestiniens occupés

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Entre le 7 juillet et le 26 août 2014, la bande de Gaza a connu l’escalade la plus meurtrière dans les hostilités depuis le début de l’occupation israélienne en 1967.

Avec des frontières hermétiquement et efficacement fermées, les civils palestiniens ont été empêchés de fuir la bande de Gaza et se sont retrouvés sans aucun refuge. Au cours des sept semaines de combats, au total, ce sont 2251 Palestiniens, dont 1462 civils (avec 299 femmes, 551 enfants), qui ont été tués, et 11 231 Palestiniens, dont 3540 femmes et 3436 enfants, qui ont été blessés. Plus de 140 familles palestiniennes ont perdu trois membres ou plus de leur famille, en une seule agression. Il y a eu aussi des victimes civiles israéliennes des roquettes tirées par des groupes armés palestiniens : cinq civils en Israël ont été tués et des dizaines ont été blessés.

Dans Gaza, autour d’un demi-million de personnes ont été déplacées en pleines hostilités, la plupart quittant la zone large de trois kilomètres tout le long de la clôture périphérique de Gaza, déclarée zone tampon par Israël. L’impact psycho-social de la guerre a été immense, avec pas une seule famille qui n’a été épargnée. Les infrastructures publiques, notamment les installations de l’enseignement et de la santé, et les installations pour l’eau, l’électricité et le sanitaire, de la bande de Gaza ont subi de lourds dommages. Tout au long de cette période, il s’est manifesté une préoccupation généralisée concernant les violations graves du droit humanitaire international, notamment de possibles crimes de guerre, par les parties au conflit.

Un an plus tard, la crise n’a toujours pas cessé. La population traumatisée de Gaza a du mal à s’en sortir, avec un chômage à un taux global de 43 % et une insécurité alimentaire à un niveau record (73 %). Quatre-vingt pour cent de la population sont tributaires de l’aide internationale. Ceci se déroule dans le contexte d’un blocus de huit années imposé par les Israéliens, d’une absence quasi-totale de reconstruction à grande échelle, d’une impasse politique palestinienne interne, et de l’absence d’un cessez-le-feu officiel.

Aujourd’hui, les 1,8 million de Palestiniens de la bande de Gaza restent pratiquement prisonniers dans une prison à ciel ouvert. La traversée par le passage d’Erez avec Israël est toujours interdite à la plus grande partie de la population, même si le nombre de sorties est plus grand. Bien qu’il y ait eu des signes récents de changement dans la pratique, le passage de Rafah avec l’Égypte est quasiment resté fermé depuis octobre 2014, avec des cas médicaux particulièrement touchés. Le Mécanisme de reconstruction de Gaza (GRM) a été créé en tant que mesure provisoire pour faciliter l’importation des matériaux de construction de base. S’il permet que le rythme des réparations s’accélère, celui de la reconstruction reste beaucoup trop lent. La reconstruction des près de 12 600 logements totalement détruits n’est pas encore commencée, ce qui fait perdurer les privations pour les quelque 100 000 personnes déplacées internes, actuellement hébergées par des familles d’accueil, dans des appartements loués, des bâtiments préfabriqués, des tentes conçues pour l’hiver, des abris de fortune, ou dans leurs propres maisons lourdement endommagées. La pénurie chronique d’énergie laisse les habitants de Gaza avec des coupures de courant quotidiennes de 12 à 16 heures, et continue de saper les prestations de tous les services basiques. Les femmes, les enfants, les adolescents, les personnes âgées et les personnes handicapées sont particulièrement vulnérables dans le contexte actuel. Ces groupes sont exposés aux plus grands risques du fait des violations directes et indirectes de leurs droits humains, avec un impact important sur leur protection et leur sécurité.

Dans ce contexte, la population de Gaza est frustrée et de plus en plus désespérée. En plus, le non-paiement continu des salaires dans le secteur public et l’impasse politique interne alimentent la colère parmi la population. Les employés du secteur du public associé aux autorités du Hamas n’ont pas reçu leur plein salaire depuis avril 2014, seulement des paiements irréguliers depuis novembre 2013.

Comme l’a déclaré le secrétaire général des Nations-Unies dans un certain nombre de rapports, le blocus de Gaza par Israël équivaut à une punition collective, interdite par le droit international. La levée du blocus, en conformité avec les obligations légales d’Israël, facilitera le droit aux mouvements des personnes et des marchandises vers, depuis et à l’intérieur de la bande de Gaza, et fournira un avenir constructif et durable à la population de Gaza. Le blocus a réduit le PIB de Gaza de 50 %. Pour stimuler une relance économique indispensable, les Palestiniens de la bande de Gaza doivent avoir un accès suffisant à leurs marchés traditionnels du travail et des marchandises en Cisjordanie et en Israël, ainsi qu’aux actifs productifs. Les exportations et les transferts depuis Gaza doivent être développés pour permettre la relance économique et réduire la dépendance à l’aide et l’insécurité alimentaire. Un accès durable, prévisible, aux zones agricoles et de pêche, à l’intérieur de la bande de Gaza, doit être assuré. Les Palestiniens doivent pouvoir exercer l’ensemble de leurs droits humains.

Israël, en tant que puissance occupante et à qui incombent principalement les obligations, et les autorités palestiniennes doivent garantir la protection des civils. Ceci inclue d’avoir à rendre des comptes sur les violations des droits humains et du droit humanitaire internationaux, ainsi que d’assurer un accès égal et effectif à la justice et à des moyens de recours réels, incluant les réparations. Toutes les allégations de violations du droit international doivent faire l’objet d’enquêtes, rapidement, efficacement, de façon indépendante et impartiale, et leurs auteurs traduits en justice. Les États tiers ont un rôle crucial à jouer en se conformant à leur obligation de faire respecter le droit humanitaire international. L’inaction de ceux à qui incombent les obligations et le manque d’incitations à briser le cycle de la violence exacerbent une situation humanitaire qui se dégrade, contribuent au manque de respect du droit international, et alimentent de nouvelles violences.

Comme les besoins dans la population de Gaza continuent de grandir, et en l’absence d’une reconstruction à grande échelle et d’une relance, l’aide humanitaire peut atténuer les pires souffrances. Pour pouvoir répondre aux besoins humanitaires de base dans le Territoire palestinien occupé (TPO), les agences humanitaires ont lancé pour 2015 un appel pour 705 millions de dollars américains, dont 75 % sont prévus pour Gaza. À l’heure actuelle, seulement 32 % de cet appel ont été financés alors que de nombreuses interventions hautement prioritaires, dans tout un éventail de secteurs, demeurent non provisionnées. Les donateurs devraient accélérer le déboursement conformément à leurs engagements pris à la conférence du Caire et continuer de soutenir les projets humanitaires prioritaires, de même que les besoins de relance et de reconstruction. Jusqu’à ce qu’on ait trouvé le moyen d’une fourniture d’énergie suffisante, prévisible et durable, les solutions provisoires, notamment la fourniture régulière de carburant à la centrale électrique de Gaza et pour les services essentiels, doivent être apportées. Les ouvertures récentes du passage de Rafah avec l’Égypte sont les bienvenues et devraient se poursuivre sur une base régulière et prévisible, pour la population et pour les biens humanitaires.

Mais le financement de l’aide temporaire doit aller de pair avec des actions politiques pour des solutions à long terme. Gaza est une part essentielle du TPO et ne doit pas être séparée – politiquement, socialement ou économiquement – de la Cisjordanie. La communauté internationale doit œuvrer efficacement à la mise en œuvre, par les parties, d’un processus holistique, coordonné, fixé dans la durée, visant à répondre aux besoins immédiats de Gaza et assurant la transition de la reconstruction dans une relance et un développement à long terme.

Sans des changements fondamentaux dans la bande de Gaza, la situation risque de se détériorer davantage et de connaître un nouveau cycle de violences insensées. L’avenir de Gaza est intimement lié à celui de l’ensemble du TPO. La communauté internationale ne peut pas permettre de laisser cette situation inacceptable perdurer, mais un simple retour au statu quo d’avant la guerre ne peut suffire. Gaza a besoin d’une action urgente, et elle en a besoin maintenant.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Jadaliyya

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