Ben White : La vérité sur les démolitions en Cisjordanie

Chasser les Palestiniens de la zone C facilitera son annexion à Israël dans l’avenir

09 février 2015,par Ben White, journaliste free lance, écrivain et militant spécialisé sur Palestine/Israël

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James Rawley, représentant officiel de l’ONU a exhorté Israël à cesser de démolir les constructions palestiniennes, écrit White (Reuters)

Le journal britannique Daily Mail a publié la semaine dernière en exclusivité des affirmations selon lesquelles l’UE « finance des projets de construction illégaux en Cisjordanie », en référence aux constructions palestiniennes auxquelles les autorités israéliennes d’occupation n’accordent pas de permis.

Les accords d’Oslo, systématiquement violés par Israël de façon répétée, étaient censés gérer une « période de transition » devant prendre fin en 1999. Selon les termes des accords, environ 60% de la Cisjordanie, appelés « Zone C », sont aujourd’hui sous autorité israélienne.

L’article soutient qu’en aidant les Palestiniens à construire des bâtiments « non autorisés » par Israël, l’UE « agit illégalement ». Pour autant, cet argument néglige le droit international, brouille la réalité actuelle du terrain et sert à promouvoir un agenda inquiétant.

Les accords d’Oslo

Tout d’abord, les accords d’Oslo n’ont rien changé à l’applicabilité de la Quatrième Convention de Genève (CGIV) sur les territoires Palestiniens Occupés. Ainsi que l’a dit le Journal du Droit International de Harvard en 2003 : « Dans la mesure où les accords d’Oslo sont en conflit avec les exigences de la CGIV, la seconde prévaut en matière de droit international ».

Par ses saisies de terres, son entreprise d’établissement de colonies, son régime légal discriminatoire et son mur de l’apartheid, Israël s’est rendu coupable de graves violations du droit international dans les TPO depuis des décennies.

Le caractère illégal des colonies, par exemple, est la position défendue par la Cour Internationale de Justice, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale de l’ONU ainsi que des hautes parties contractantes à la CGIV.

En ce qui concerne la démolition de maisons en zone C, Israël viole l’article 49 (qui prohibe les transferts forcés) et l’article 53, qui prohibe la destruction de propriétés sauf lorsque « elles sont rendues absolument nécessaires par des opérations militaires ».

Étant donné, comme l’avance Human Rights Watch : « qu’il semble que le seul but « de ces démolitions « soit de chasser des familles hors de leurs terres », alors c’est « un crime de guerre ».

Arrêt des démolitions

Le principal avis juridique cité par le Mail est celui d’Alan Baker qui est, le journaliste Jake Wallis a omis de le mentionner, lui-même un colon israélien. Son parcours comporte un travail pour la légalisation des postes avancés non autorisés et une participation au Comité Lévy du déni de l’occupation. Baker attaque l’UE sur la base du fait qu’elle est « signataire » des accords d’Oslo, après avoir avancé, le mois dernier, qu’Israël devrait déclarer que les accords d’Oslo sont « désormais invalides. »

Ensuite, quelle est la réalité du terrain aujourd’hui ? En janvier, James Rawley, représentant officiel de l’ONU, a exhorté Israël à stopper les démolitions de constructions palestiniennes, notamment celles « fournies par la communauté internationale pour soutenir les familles vulnérables ».

Sa déclaration a fait état de la façon dont, en 2014, les autorités israéliennes ont détruit 590 bâtiments appartenant à des Palestiniens dans la Zone C et dans Jérusalem Est en déplaçant 1 177 personnes.

Sous le contrôle israélien, « moins d’un pour cent de la Zone C a été réservé à la construction palestinienne – la plupart étant déjà bâtie ». Cette « manipulation intentionnellement discriminatoire des règles concernant la construction et le zonage » selon les termes des Rabbins pour les Droits Humains, est « faite pour rendre pratiquement impossible aux Palestiniens de la Zone C (ou de Jérusalem Est) de construire légalement.

Des refus de permis de construire

Les statistiques le confirment. Un rapport de l’ONU de 2008 révélait qu’au cours des sept années précédentes, Israël avait refusé 94% des permis de construire déposés par des Palestiniens dans la Zone C.

Les chiffres officiels israéliens montrent que sur 1 426 demandes d’aménagement présentées par des Palestiniens de la Zone C de 2007 à 2010, 106 seulement ont été approuvées sur lesquels seuls 64 permis ont été donnés – même pas 5% du total.

Quel est finalement l’agenda promu ici ? Regavim est décrite dans le Mail, à partir de son site en anglais, comme « une ONG à droite du centre, un institut de recherche professionnel indépendant et un think tank de planification politique », qui vise à assurer un usage responsable, légal et redevable des terres nationales d’Israël ».

Sur le site en hébreu néanmoins, Regavim se vante de combattre une « prise de contrôle » par des « éléments hostiles » – une référence aux Palestiniens qu’ils cherchent à chasser de leurs maisons et de leurs terres.

Regavim veut aider à « conserver l’emprise physique » d’une majorité juive « sur la terre du pays » et « développer et prioriser l’agriculture juive et l’occupation du territoire ». Ari Briggs, auteur de rapports et directeur international de Regavim, a déclaré franchement lors d’un interview en 2013 : le groupe « garde la terre juive dans des mains juives ».

Acteurs politiques significatifs

Il y a aussi, plus largement, un lien entre Regavim et des acteurs politiques significatifs en Israël. Un des « objectifs » du système de planification discriminatoire d’Israël est, selon les termes de B’Tselem, l’ONG israélienne de droits humains, de chasser les Palestiniens hors de la Zone C, en partie au moins pour faciliter sa future annexion par Israël ».

On peut trouver des partisans d’une « annexion totale et unilatérale » de la Zone C dans le Likoud et La Maison Juive – dont le ministre actuel de l’économie, Naftali Bennett. Différents types d’annexion sont de plus en plus discutés – certains modèles nécessitent l’expulsion des Palestiniens et tous ignorent ou ré écrivent les principes du droit international.

L’ironie de ces efforts pour minorer le soutien de l’UE aux villages palestiniens vulnérables, c’est que l’Europe finance de graves violations du droit international – celles perpétrées par Israël.

La complicité de l’UE avec les crimes de guerre d’Israël via des contrats commerciaux et autres accords, est la source de protestations croissantes de la part des Palestiniens, des groupes de la société civile, et de députés européens eux-mêmes.

Heureusement, ceux-là sont susceptibles de gagner de vitesse les interprétations juridiques concoctées par les colons et leurs alliés

Traduction SF pour l’Agence Media Plaestine

Source: Al Jazeera

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