Une différence de dix ans d’espérance de vie entre Palestiniens et Israéliens

Par Adri Nieuwhof, samedi 24 janvier 2015

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Un médecin palestinien travaille à l’hôpital al-Shifa de la ville de Gaza pendant une manifestation des gardiens qui réclament leurs salaires impayés du mois dernier. (Ali Jadallah / APA images)

Selon un nouveau rapport, l’espérance de vie des Palestiniens en Cisjordanie occupée et à Gaza est d’environ dix ans inférieure à celle des personnes vivant en Israël aujourd’hui. Et cependant, la mortalité infantile et maternelle est aussi quatre fois plus haute en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.

Les données accumulées par les Médecins pour les Droits de l’Homme-Israël (PHR-I) révèlent des disparités dans le domaine de la santé, dont l’organisation dit qu’elles sont une conséquence directe de l’occupation israélienne.

Il est important de noter que les données utilisées par PHR-I n’incluent pas 2014, année de l’attaque massive sur Gaza par Israël durant laquelle plus de 2.200 Palestiniens ont été tués. La comparaison entre Israël et la Cisjordanie occupée et Gaza est par ailleurs limitée par le fait qu’elle n’inclut pas Jérusalem Est, qui fait partie de la Cisjordanie.

PHR-I dit qu’il n’y a pas de données spécifiques sur Jérusalem Est parce que le Ministère de la Santé d’Israël considère ce territoire occupé comme faisant partie d’Israël. L’assurance nationale de santé s’applique à Jérusalem-Est, et les services locaux de santé collectent les données pour le ministère.

Inégalité de vaccination

le rapport de PHR-I – intitulé « Diviser et Conquérir : Inégalité dans la Santé » – dit qu’en Cisjordanie et à Gaza, en moyenne dix-neuf bébés meurent pour mille naissances, alors qu’en Israël, la moyenne est de quatre pour mille. Alors que chez les Palestiniens, les maladies infectieuses que l’on peut prévenir sont la cause principale de la mortalité infantile, en Israël c’est rarement le cas.

Vingt-huit sur 100.000 des mères palestiniennes vivant sous occupation meurent en couches, contrastant avec les sept sur 100.000 en Israël.

L’incidence des maladies infectieuses est plus élevée dans les territoires palestiniens occupés qu’en Israël. Très dérangeant, certaines vaccinations contre des maladies potentiellement mortelles ne sont pas pratiquées en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.

Des vaccins chers pour prévenir l’hépatite A, la varicelle, la pneumonie, le rotavirus (cause habituelle de diarrhées sévères chez les bébés et les jeunes enfants) et le papillomavirus humain, qui peut causer le cancer cervical, ne font pas partie du programme national de vaccination de l’Autorité Palestinienne par manque d’accessibilité et de moyens financiers.

Etranglement des soins de santé palestiniens

Le système de santé palestinien est dans un état de crise chronique à cause de la pénurie constante de moyens financiers, de médicaments, d’équipement médical et du manque de médecins spécialistes et de personnel médical en général.

Il y a moins d’argent disponible pour la santé en Cisjordanie et à Gaza, est-il expliqué dans le rapport. Les dépenses per capita ne représentent qu’un huitième des dépenses des services de santé israéliens.

En outre, Israël a fait usage de son contrôle sur les impôts des Palestiniens en retardant le transfert des frais de douane à l’Autorité Palestinienne comme une mesure punitive, rendant le planning du budget annuel difficile pour le ministère de la santé. A cause de ces difficultés financières, les travailleurs médicaux ne sont pas payés régulièrement. Ces restrictions provoquent parfois des grèves et à la réduction de la semaine de travail de cinq à trois jours.

Israël a huit fois plus de médecins spécialistes – 1,76 pour 1.000 résidents – là où la Cisjordanie et Gaza n’en ont que 0,22 pour 1.000. Le nombre d’infirmières pour 1.000 résidents est significativement plus bas dans les territoires occupés – 1,9 infirmières pour 1.000 résidents contre 4,8 pour 1.000 en Israël.

Le système de santé palestinien n’est pas en capacité de fournir des traitements spécialisés pour « des problèmes médicaux complexes dans les domaines tels que la cancérologie, la cardiologie et l’orthopédie », dit PHR-I.

Beaucoup de patients qui avaient besoin de ces traitements – qui coûtent très cher – ont fait appel à des services de santé palestiniens privés à Jérusalem Est et, si besoin, aux hôpitaux d’Israël, d’Egypte et de Jordanie. En 2010, le coût de ces demandes s’est élevé à environ trente pour cent du budget du ministère de la santé palestinien. En 2012, plus de 5.000 patients ont fait appel à Israël pour un coût total de plus d’un million de shekels (254.670 $).

Ces demandes accroissent la dépendance à Israël et sont un obstacle au développement d’un système de santé indépendant en Cisjordanie et à Gaza.

En plus, les Palestiniens qui ont besoin de voyager pour un traitement médical hors des territoires occupés sont soumis au système d’autorisation restrictive et arbitraire d’Israël. PHR-I dit qu’Israël « conditionne le départ de patients de la Bande de Gaza pour traitement médical aux réponses au questionnaire de sécurité GSS (Shabak) ».

Accès restreint aux médicaments

Le Ministère israélien de la Santé contrôle aussi l’importation des produits pharmaceutiques en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Il n ‘autorise que l’importation de médicaments enregistrés en Israël et bloque l’importation de marchés voisins qui pourraient fournir des médicaments moins chers. Les Palestiniens ne peuvent pas profiter des systèmes de tarification en usage dans l’industrie pharmaceutique qui tiennent compte du niveau socio-économique de la population visée.

Le système des douanes liées à Israël oblige les Palestiniens à acheter les médicaments aux prix « les plus hauts ».

Importer des matières premières pour l’élaboration de médicaments locaux est presque impossible à cause de la politique israélienne qui restreint le transfert de marchandises et de matières premières vers les territoires palestiniens.

Toute importation par un laboratoire pharmaceutique requiert une autorisation de la part du Ministère de la Santé. Très souvent, Israël interdit l’importation de matériaux de base, sous prétexte que ces matériaux pourraient être utilisés pour des opérations militaires. En règle générale, les industriels d’Israël n’ont pas besoin de ces autorisations – et quand une autorisation est requise, elle est accordée sur une base annuelle.

« Des droits différents »

Médecins pour les Droits de l’Homme-Israël conclut son rapport en disant que « deux populations vivent sur un seul territoire, dirigées par un même gouvernement – avec des droits différents ». Un groupe – les Israéliens – jouit d’un excès de privilèges.

Mais toute personne humaine a le droit d’accéder au degré le plus élevé possible de santé physique et mentale. Le droit à la santé inclut non seulement des soins médicaux opportuns et appropriés, mais aussi les déterminants sous-jacents de la santé – tels que l’accès à de l’eau propre et potable, un système sanitaire suffisant et des conditions d’habitation et d’environnement sûres.

La violence continue d’Israël contre les Palestiniens de tous âges ne cesse de leur infliger un tort considérable et accroît le besoin de services de santé pour l’obtention desquels le système palestinien se bat aujourd’hui.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

Adri Nieuwhof est une défenseure des droits de l’Homme vivant aux Pays Bas et une ancienne militante anti-apartheid du Comité hollandais sur l’Afrique du Sud.

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