Ils sont des dizaines de milliers à rester sans abri dans Gaza

A Palestinian man lies down among a destroyed house after returning home in the Tufah neighbourhood in eastern Gaza City

Un Palestinien se repose dans les ruines d’une maison après son retour dans le quartier de Tuffah, à l’est de Gaza ville, le 31 août 2014.
(Ashraf Amra/APA Images)

Une semaine après le cessez-le-feu mettant un arrêt à l’offensive militaire israélienne contre la bande de Gaza, des dizaines de milliers de Palestiniens sont toujours déplacés, réfugiés dans des écoles des Nations-Unies et d’autres installations.

Dimanche, 58 071 personnes se trouvaient encore dans 36 écoles des Nations-Unies à travers l’enclave côtière, selon Chris Gunness, porte-parole de l’UNRWA, l’agence des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine.

Avec 15 670 logements endommagés, dont 2 276 complètement détruits, et jusqu’à 500 000 Palestiniens déplacés durant cette attaque de 51 jours, le nombre de familles avec leurs proches restant dans des locations provisoires ou des abris de fortune ou du gouvernement est probablement plus élevé.

On estime à 108 000 le nombre de Palestiniens ayant besoin d’une solution à long terme parce que leur maison est trop gravement endommagée pour y habiter, ou totalement détruite, selon l’OCHA (Bureau des Nations-Unies pour la coordination des affaires humanitaires).

La crise est d’autant plus grave qu’il y avait déjà un déficit de 71 000 logements pour les un million huit cent mille habitants de la bande de Gaza, avant même l’attaque israélienne, estime l’OCHA.

Et avec une reconstruction encore à venir, et qui risque d’être difficile en raison des restrictions israéliennes en cours sur l’importation de matériaux de construction, les Palestiniens déplacés se trouvent face à un avenir incertain.

« Peut-être qu’ils vont nous donner une tente »

« Nous ne serons pas fixer tant que l’UNRWA n’aura pas pris de décision » a dit Asma al-Rumi dimanche, à l’école préparatoire A de garçons, de l’UNRWA, dans le centre de Rafah – près de la frontière de Gaza avec l’Égypte – où elle vit avec sa famille depuis le 18 juillet.

« Après être allés voir notre maison, peut-être qu’ils nous donneront de l’argent pour louer un autre logement jusqu’à ce qu’ils se décident. Ou qu’ils nous donneront une tente. »

Les écoles de l’UNRWA et du gouvernement rouvriront dans deux semaines, soit près de trois semaines après la date où elles devaient ouvrir, mais bien avant que la moindre résolution ne soit apportée à une crise extrême de logement, leurs bâtiments nous auront soulagés quelques temps.

Selon une évaluation de Shelter Cluster, un consortium des Nations-Unies, et d’organismes internationaux d’aide, il faudra 20 ans dans le cadre des restrictions actuelles imposées par Israël pour reconstruire le parc immobilier anéanti de la bande de Gaza, dont les 5000 logements dévastés lors des précédentes offensives militaires.

Dans le même temps, Asma al-Rumi, qui est une réfugiée de Bir al-Saba (une ville connue en hébreu sous le nom de Beersheva, dans ce qui est actuellement Israël) et qui enseigne dans la classe de garçons de quatrième année dans une autre école de l’UNRWA à Rafah, se retrouve devant la perspective de retour aux tentes de l’UNRWA qui ont servi à plus de 750 000 réfugiés palestiniens déracinés lors de la Nakba, le nettoyage ethnique qui a précédé et suivi l’instauration d’Israël en 1948.

Sa famille et leurs voisins ont résisté contre leur nouveau déracinement aussi longtemps qu’ils ont pu, dit-elle.

« Nous habitons dans l’est de Rafah, à al-Shoka, près de la clôture. Ils nous ont appelés le 17 juillet et nous ont dit de quitter nos maisons.

« Ils ont appelé tout le quartier, de nombreuses fois. Au début, nous avons refusé de partir. Mais quand un proche a été tué, nous avons évacué, le 18 juillet. »

Crime de guerre

Le 1er août, les forces israéliennes ont bouclé la zone, empêchant ses habitants palestiniens de la quitter, et elles se sont mises à faire pleuvoir leurs obus d’artillerie, tuant 190 personnes en deux journées sanglantes.

Ce déluge, qui violait un cessez-le-feu humanitaire, constitue un crime de guerre, selon les centres palestiniens pour les droits de l’homme, Al Mezan et PCHR, tous deux basés à Gaza.

Le 3 août, la pluie d’obus a atteint l’école préparatoire A de garçons, où al-Rumi et près de 3000 autres Palestiniens déplacés avaient trouvé refuge.

Neuf personnes ont été tuées dans l’attaque ce jour-là, a déclaré l’UNRWA.

Le nombre de morts est monté par la suite à dix, selon Al Jazeera (anglais).

Même si elle a entendu l’explosion, dit al-Rumi, elle n’était pas dehors pour la voir.

« J’y étais, mais à l’intérieur de l’école, pas près de la porte. Mon frère était près de la porte, se préparant pour la prière. Mais, Dieu merci, il ne lui est rien arrivé. »

Mais nous étions si nombreux à nous partager un si petit espace, ajoute-t-elle, que tout le monde a ressenti les deuils. « Vingt-sept familles, 115 personnes, vivaient dans une salle de classe unique, » dit-elle. « Les hommes et les garçons dormaient dans la cour de l’école ».

La frappe s’est produite alors que les résidents du refuge faisaient la queue pour percevoir la nourriture par les travailleurs humanitaires, d’après le Croissant-Rouge palestinien.


Des protestations inhabituelles

L’attaque, qui faisait suite à six bombardements directs sur des abris de l’UNRWA dans la bande de Gaza au cours des 51 jours d’offensive, a soulevé des protestations inhabituelles de la part du secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, qui l’a qualifiée « d’atrocité morale et d’acte criminel » et « de violation grossière du droit humanitaire international » et du Département d’État des États-Unis, parlant d’acte « honteux » et se disant « consterné ».

« Pour cette installation précise, nous avons informé l’armée israélienne à 33 occasions différentes que cette école de Rafah servait à accueillir des déplacés, la dernière fois étant une heure seulement avant l’incident, » déclare Pierre Krähenbühl, commissaire général de l’UNRWA, dans un communiqué.

Et d’ajouter, « L’incident de Rafah est une tragédie de plus et un rappel inacceptable qu’il n’y a aucun endroit de sûr dans Gaza pour que la population puisse y trouver refuge. Personne ne se sent en sécurité et comme Gaza est enfermée derrière une clôture, il n’y a également aucun autre endroit sûr pour y courir »

« Une expérience épouvantable »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’école préparatoire A de garçons laisse beaucoup à désirer en tant que logement.

« C’est une expérience épouvantable » dit al-Rumi. « Vivre ici n’est pas une vie ».

« Maintenant, ça va mieux » ajoute-t-elle, se référant à de nombreux résidents qui sont retournés dans leurs maisons restées intactes. « Avant, il y avait beaucoup de monde, dans un petit espace, avec beaucoup de malades. C’était bondé, avec beaucoup de bruit et l’eau potable manquait. Il n’y avait qu’un repas par jour. Nous devions acheter le reste nous-mêmes. Ils ne nous avaient pas donné assez de couvertures et de matelas pour pouvoir dormir. »

Les douches, dit-elle, ont été installées dans les toilettes de l’école dix jours seulement avant le cessez-le-feu.

Palestinians wait to receive food supplies from a distribution centre of the United Nations Relief and Works Agency (UNRWA

Des Palestiniens attendant de percevoir les rations de nourriture, au centre de distribution de l’UNRWA à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 28 août.
(Abed Rahim Khatib – APA Images)

Et l’administration de l’abri peut rendre difficile de mener ce qui reste d’une vie normale, dit-elle. « Ils viennent tous les soirs pour nous compter, combien de personnes sont encore là. Si quelqu’un de votre famille est manquant, ils lui suppriment la nourriture pour les autres jours. Quand nous en parlons avec eux, ils disent que (la consigne) ne vient pas d’eux, mais du responsable, à un niveau plus élevé. »

Mais le sort de sa famille est plus enviable que celui de beaucoup, dit-elle. Leur maison, bien que lourdement endommagée, avec une terrasse démolie et des murs, des fenêtres et des citernes fissurés, leur maison est toujours debout et réparable.

Les Palestiniens déplacés ont besoin que soient hiérarchisés leurs besoins réels, ajoute-t-elle.

« Ils nous apportent des choses comme des shampooings. Ce que nous apprécions, mais nous n’en avons pas besoin. Nous avons besoin de reconstruire nos maisons ».

Joe Catron est un militant états-unien qui vit à Gaza. Il a co-édité The Prisoners’ Diaries : Palestinian Voices from the Israeli Gulag, une anthologie de récits de prisonniers libérés en 2011. Son blog : http://joecatron.wordpress.com – son compte twitter : @jncatron.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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